IL Y A 40 ANS, RENÉ METGE ET BERNARD GIROUX REMPORTAIENT LE PARIS ALGER DAKAR 1981

 

 

 

Janvier 1977, pour la seconde année consécutive, Jean-Claude Bertrand organise le rallye Côte d’Ivoire-Côte d’Azur, plus communément baptisé l’Abidjan-Nice ou encore le « Côte-Côte ». Une édition qui restera dans les annales car un motard s’y perd  dans le désert Libyen durant trois jours et deux nuits.

Pas n’importe qui en plus ce motard puisqu’il s’agit de Thierry Sabine. Pour beaucoup, ces 72 heures de solitude forcée au milieu de nulle part auraient pu se traduire par une aversion totale pour l’Afrique, le Sahara et ses dunes…

Ce sera tout le contraire pour Thierry Sabine qui, dès son retour en France, ne rêve que d’une chose : organiser une autre compétition sur les terres africaines.

Entre-temps l’été 1977, se souvient Gilles Gaignault, Thierry Accompagne Bertrand en Amérique centrale car ce dernier vise désormais d’organiser une toute nouvelle compétition, cinq manches sur cinq continents  et dénommée 5×5!

Malheureusement faute de soutiens financiers, ce dossier coûtant une petite fortune, à l’automne, l’ami Gilles nous confie:

Thierry Sabine a alors quitté les bureaux de la rue Nicolas Chuquet dan le quartier du XVIIéme arrondissement de Paris  pour s’installer début 1978 rue Duban à Passy, créant TSO (Thierry Sabine Organisation). Et donner ainsi naissance au futur Paris-Alger-Dakar

Le 24 décembre 1978 se déroule le prologue de cette toute nouvelle aventure, dans le camp militaire de Montlhéry, remporté par la Range Rover du tandem Christophe Neveu-Gilles Gaignault.

 

Le Range Rover 1er leader du premier Paris Alger Dakar de Gilles Gaignault et Christophe Neveu

 

Et, le 26 décembre, la caravane de cette première édition du rallye Oasis Paris-Alger-Dakar quitte les Jardins du Trocadéro pour suivre les traces de Saint-Exupéry, jusqu’à la capitale Sénégalaise, aprés avoir successivement traversé l’Algérie, le Niger, la Haute Volta – devenue depuis le Burkina Fasso – et le Mali!

On connaît la suite de l’histoire.

Si l’édition 1979 reste la plus relatée dans les livres d’histoire, le Paris-Alger-Dakar 1981 demeure incontestablement le plus palpitant. Celui qui a contribué à façonner la légende ! D’une part, au vu du nombre de concurrents et des personnalités qui y participent. Parmi les 170 équipages en auto, 106 motards et 15 en camion, vous retrouviez certains futurs grands noms de la discipline à l’image de Jacky Ickx, Claude Brasseur, Jean-Claude Briavoine, Patrick Zaniroli, Philippe Wambergue, Hervé Cotel, Georges Groine, Raoul Raymondis, Philippe Simonin, Jean-Claude Morellet dit Fenouil, Thierry de Montcorgé, Marc Lacaze…

Une liste qui compte aussi deux des motards qui lui ont donné ses lettres de noblesse, la paire Hubert Auriol et Cyril Neveu, mais aussi Philippe Vassard, Raymond Loizeaux, Marc Joineau et autres Serge Bacou…

Sans oublier des motardes de renom qui auront leur nom au panthéon du Dakar comme Nicole Maitrot, Martine de Cortanze ou encore Christine Martin.

Cette édition 1981 demeure aussi un tournant dans l’histoire de l’épreuve car, pour la première fois depuis son lancement, le Paris-Dakar se « professionnalise un peu ».

Fini l’époque où les concurrents prenaient le départ ‘la fleur au fusil’, au volant d’un véhicule à peine préparé. Dans ces conditions, la moindre erreur de pilotage ou accident se payait cash dans le désert Saharien, comme ont pu s’en rendre compte les participants des deux premières éditions. D’autant plus que la plupart d’entre eux étaient des novices sans aucune expérience en rallye-raid.

En ce mois de janvier 1981, sur l’esplanade des jardins du Trocadéro, toutes les grandes marques de l’époque sont représentées : Range et Land Rover, Lada, Citroën, Toyota, Mercedes, Daihatsu, Ford…

Mieux, à l’inverse des deux précédentes éditions, la plupart des concurrents arrivent avec des engins préparés pour l’Afrique. Le public l’a bien compris, le Paris- Dakar vient de rentrer dans une autre dimension, de gagner ses lettres de noblesse pendant que le rallye-raid se hisse au statut de véritable discipline sportive.

 

PARIS DAKAR 1981 – René METGE et Bernard  GIROUX

 

Parmi les nouveaux venus sur l’épreuve en cette année 1981, figurait un certain René Metge que les Africains ne tarderont pas à surnommer le Gourou ou le cow-boy de Montrouge. Ancien motard, vainqueur de la Coupe Gordini, pilote officiel chez Porsche aux 24 heures du Mans, notre francilien de tout juste 39 ans possède déjà une certaine expérience des courses automobiles. Il sait pertinemment qu’une bonne préparation en amont peut faire toute la différence.

Et ses adversaires sont prévenus puisque, quelques mois avant le départ, ils ont tous ou presque défilé dans le garage Rover de René Metge, Autorama à Malakoff pour voir de plus près la fameuse préparation de son Range Rover N°212 aux couleurs de VSD. Parmi eux, Jacky Ickx, Jean Da Silva, Patrick Tambay, Gilles David et, bien entendu, son célèbre beau- frère Michel Colucci? alias Coluche… La femme de René n’étant autre que la sœur de celle de Coluche!

Il faut dire aussi qu’au début de l’aventure, Bernard Lamy, alors patron de British Leyland France, l’avait prévenu :

« Démerdes- toi comme tu veux, mais tu ne rentres à Paris qu’avec la Coupe ».

Bonjour la pression d’autant plus que ce plateau 81 était clairement plus étoffé qu’en 1979 quand Alain Génestier et Christian Contamine soulevèrent la coupe sur les bords du lac rose, jonchés sur le toit de leur Range Rover.

Mais, revenons au 1er janvier 1981 sur la Place du Trocadéro. Le froid et le vent s’engouffrent dans les blousons des concurrents dès les premières heures du Nouvel An. La foule tremblante de froid est fascinée par cet immense spectacle. Des milliers de spectateurs délaissent le foie gras et la dinde pour assister à cette ambiance de fête foraine autour du podium de départ, sous le regard de la tour Eiffel.

Vêtue de sa robe multicolore, la dame de fer semble même indiquer le cap à suivre pour rejoindre le Lac Rose 10 000 km plus loin, avec son lot d’aventures et de souffrances.

Dans le Parc fermé, le Range Rover flambant neuf aux couleurs de VSD de l’équipage Metge/Giroux attire toute l’attention. Normal car il est déjà bien connu du grand public. Du coup, en attendant son tour, René Metge se prête bien volontiers à poser pour la télévision et la presse spécialisée.

« Bon maintenant qu’on est là, il faut bien y aller. Rendez-vous au Lac Rose, le 20 janvier ».

La descente dans le Sud se fait sous les applaudissements de milliers de spectateurs à peine sortis du réveillon. À chaque feu rouge, ce sont des familles entières qui affrontent le vent glacial pour être au plus près des véhicules afin d’admirer ces valeureux guerriers des temps modernes. Force est de constater qu’il y avait deux éléments incontournables pour garantir le succès de l’épreuve. La course dans la brousse, certes, mais aussi toute la traversée de l’Hexagone avant que les choses sérieuses ne débutent.

Ces deux éléments étaient indispensables aux yeux de Thierry Sabine, l’homme qui avait du sable plein les poches comme aimait à le dire la journaliste italienne de la Gazzetta dello Sport, Elisabetta Caracciolo.

40 ans c’est loin, mais les souvenirs restent à jamais imprimés dans toutes les têtes.

 

PARIS DAKAR 81 GIROUX et METGE avec Guy Louis DUBOUCHERON.

 

Cette année-là, l’équipage René Metge / Bernard Giroux s’impose après 10 000 km d’adrénaline et de péripéties en terre africaine. Les villageois d’Agadés, de Niamey, de Bamako, Gao, Tombouctou et de Bodo-Dioulasso se souviennent encore du passage éclair du Range VSD. Sur cette édition, le véhicule en a vu de toutes les couleurs car, longue et destructrice à la fois, chaque étape réservait son lot de surprises.

Une boussole qui perd la boule, un compas qui perd le cap, des sauts de cabri sur deux roues, des ailes qui s’envolent sans permission, des rétros qui embrassent les baobabs. Des ponts en surchauffe, une boîte de vitesses que l’on répare tous les soirs, des pneus et des jantes qui n’aiment pas les épines. Une poussière ocre qui drape les pistes invisibles, des herbes à chameaux provocatrices, des dunes en colères de plus en plus hautes, du fech-fech qui ressemble à de la farine, de la tôle ondulée récalcitrante qui joue à saute-mouton, des chaleurs écrasantes au Mali, un road-book tout au cap où il faut tous les matins calculer la déclinaison magnétique et, enfin, des nuits très courtes et bruyantes au bivouac sous la voûte étoilée !

Voilà le menu cocktail des pièges et emmerdements en tous genres qui se sont succédé pour enrayer la belle mécanique, pour empêcher la Range Rover N°212 de passer la ligne d’arrivée en tête.

« Mais, c’était aussi ça le Paris-Dakar ! » comme aime à le répéter René Metge.

Malgré tout, dans l’habitacle, le trio Metge-Giroux-Range, fonctionne à merveille. Primo car le ‘cow-boy’ de Montrouge sait parfaitement comment se comporter face à l’adversité. Ensuite, il a conscience que, s’il torture trop la mécanique du Range, elle s’en souviendra. Enfin, sachant que la vie à deux dans un petit habitacle peut vite tourner à l’engueulade, il ménage la chèvre et le chou en même temps !

Une diplomatie qui lui rendra service deux décennies plus tard quand il naviguera Johnny Hallyday sur le Arras-Dakar 2002. Le rockeur reconnaissait en lui un humaniste humble, malgré tous ses titres sportifs.

« Vous pouvez faire le tour du monde en 4×4 avec René, sans qu’il y ait le moindre accrochage dans l’habitacle ».

Un mariage heureux orchestré à l’époque par André Dessoude qui avait eu l’idée de réunir ces deux grandes personnalités sur cette édition.

« Je suis content que Johnny ait pu réaliser son rêve, ces 15 jours passés avec lui resteront un souvenir ineffaçable dans ma carrière ! – dixit René Metge »

 

PARIS DAKAR 1981 LE RANGE ROVER de René METGE  et Bernard GIROUX

 

Mais revenons-en à sa victoire de 1981 et ses conséquences. Celle-ci récompensera de la meilleure des manières toute l’équipe de la concession de Malakoff. En effet, les ventes se sont envolées les années suivantes. Le garage écoulant à lui seul jusqu’à 500 Range par an…

Pour le plus grand bonheur du boss de British Leyland France !

Un record jamais égalé en Europe car, à l’époque, tous les Français passionnés de 4×4 voulaient un Range comme celui qui avait gagné le Dakar.

Aujourd’hui, le Dakar est parti sur un nouveau continent. Toutefois, au travers du Dakar Classic mis en place cette année, David Castera a voulu rendre hommage à plusieurs générations de pilotes et copilotes. Nous attendons donc avec impatience l’édition 2022 qui, logiquement, devrait faire le plein dans cette nouvelle catégorie.

En tout cas, ces dernières années, on a souvent entendu les détracteurs et pessimistes prédire la fin du Dakar. Or, quarante-deux ans après, il est toujours là et son succès n’est toujours pas remis en cause, malgré le changement de continent.

 

Texte : Gilles DAVID

Photos : Collection privée

 

 

Auto Historique Dakar Rallye-Raid