STEFAN BELLOF : IL Y A 35 ANS LE CÉLÈBRE VIRAGE DE l’EAU ROUGE À SPA… LUI FUT FATAL !

 

 

BELLOF-1985-Tyrell-014-Zeltweg-GP-dAutriche-©-Manfred-GIET

 

 

En ce 1er septembre 2020, il y a tout juste 35 ans que le Sport Automobile perdait un de ses plus grands talents.

 

En effet, ce jour-là, le destin est venu frapper, celui qui à l’époque était et à juste titre considéré comme le grand espoir Allemand, le regretté Stefan BELLOF, qui était incontestablement un des plus doués de sa génération, lors de l’épreuve d’Endurance, des 1000 Kms. de SPA sur le ‘toboggan’ ARDENNAIS de FRANCORCHAMPS.

 

Gerbe en mémoire de Stefan Bellof-Raidillon 1995-© Manfred GIET.

 

Cette 7ème manche du Championnat du Monde des Voitures de Sport dénommée WSC., s’annonçait comme une formalité pour la Maison Porsche qui soit avec ses voitures d’Usine du type 962C, ou avec les modèles 956B des Teams privés JOEST, KREMER ou BRUN, dominait le Championnat à sa guise.

Et tout semblait confirmer une nouvelle victoire PORSCHE suite au duel haletant que se livraient le duo ICKX-MASS sur la N°1 d’Usine, face à la PORSCHE 956B BRUN, la N°19 pilotée par la paire BOUTSEN-BELLOF jusqu’au 76ème tour lorsque les deux leaders ICKX, qui menait les débats, suivi de près par BELLOF s’arrêtèrent ensemble pour un ravitaillement de routine, lors duquel le moteur de la 956C BRUN cala…

 

Stefan-BELLOF-1000-KM-SPA-1985-Porsche-956-B-Brun-Motorsport-©-Manfred-GIET.

 

 

Pépin qui coûta de précieuses secondes à Stefan BELLOF qui cependant ne se laissa pas désarçonner par ce coup de sort avant de reprendre la poursuite face à ICKX, pour finalement parvenir à remonter et à se retrouver dans son sillage, à l’entame du 77ème tour.

Lequel allait finir en drame, lorsque BELLOF probablement victime de sa fougue et de son audace, tenta l’impossible dans l’enchaînement démentiel EAU-ROUGE/RAIDILLON, en voulant faire l’extérieur à la PORSCHE du leader, Jacky ICKX, au pied du Raidillon, un des virages les plus difficile à négocier au Monde en Sport Aautomobile et que les voitures de Sport de pointe abordaient à 250 Km/h !

 


Jacky ICKX-après l’accident mortel de Bellof en 1985-©Manfred-GIET

 

Une action au cours de laquelle les deux PORSCHE se touchèrent avant de filer tout droit dans les barrières de sécurité pour ICKX et de se fracasser sur un muret en béton pour BELLOF et ce après avoir défoncé le double rail de protection…

Ce 1er septembre 1985, il était 15 H 37 précisément.

Si Jacky ICKX s’en tira miraculeusement avec quelques contusions, le malheureux Stefan BELLOF par contre fut relevé avec des blessures irréversibles avant que l’on annonce son décès juste après l’arrivée d’une épreuve écourtée à 5 heures de course, par respect suite au décès tragique du pilote Allemand.

 


Stefan-BELLOF-Accident-1000 KM de SPA-01-09-1985 ©-Manfred-GIET.

 

Néanmoins cet accrochage dramatique suscita comme souvent en pareilles circonstances des controverses auxquelles mit fin Jochen MASS, l’équipier de Jacky ICKX chez PORSCHE et qui avait un œil bienveillant sur la belle carrière qui se profilait pour  son jeune compatriote Stefan BELLOF, même si celui-ci s’était détaché de l’équipe officielle PORSCHE afin de pouvoir mieux se consacrer à la F1 où il avait trouvé un volant au sein de l’écurie de Ken TYRRELL.

MASS résumera l’accrochage en déclarant :

« Au moment de l’incident et avec Bellof dans son sillage, peut-être que Jacky avec tout son métier affichait un peu plus de prudence au contraire de Stefan qui voulait a tout prix se mettre dans les feux de la rampe en tentant de passer mon équipier par l’extérieur dans le Raidillon ce qui en cas de réussite aurait déclenché la folie sur le circuit BELGE de Jacky. »

Ajoutant et précisant :

« Jacky a bien gardé la bonne trajectoire au pied de Eau Rouge à l’époque à un endroit, où la tentative de Bellof était vouée à l’échec. »

Quant à l’équipier de BELLOF, l’autre BELGE Thierry BOUTSEN, il allait dans le même sens, confiant :

« Ce que Stefan a tenté, là, était tout bonnement impossible et à mon avis, il a mal évalué la situation qui lui a malheureusement été fatale.»

Marc SURER le pilote Suisse bien connu et expert en la matière confia, lui, longtemps après :

« A cet endroit du circuit de Spa-Francorchamps, je n’aurais jamais osé une telle manœuvre. Même pas pour doubler un concurrent et attardé. »

UNE CARRIÈRE MÉTÉORIQUE


Stefan-BELLOF-Ralt-F3-©-Manfred-GIET

 

Pour Stefan BELLOF, le cadet de la fratrie dont le père Georg, carrossier indépendant et son frère Georg Jr. surnommé ’’Goa’’ pratiquaient le Sport-Auto en Rallye et en Circuit, lui servirent en quelque sorte de lièvres pour à son tour leur emboîter le pas, selon l’expression ‘’Jamais deux sans trois’’.

Effectivement, Stefan imita rapidement ses aînés en sautant véritablement les paliers après deux saisons de Karting, où il fut couronné Champion d’Allemagne et du Luxembourg, avant ensuite de se lancer en Formule Ford 1600.

Partout où il mettait son talent à l’épreuve et peu importe la discipline, son pilotage pointu ne faisait aucun doute, le jeune BELLOF avait toutes les qualités pour devenir rapidement un grand pilote.

 

Stefan-BELLOF-Formule-2-en-1982-Nürburgring-Karussell-©-Manfred-GIET.j

 

Entre 1980 et 1983, il disputa des épreuves des Championnat de F3 et de F2, avec un égal bonheur, Willy MAURER qui l’avait engagé en F2 indiquant :

« Son aisance de pilotage était tout simplement grandiose et là où certains mettaient des journées entières à trouver le dernier carat, lui il gravait des temps canon dans l’asphalte dès qu’il était installé dans le cockpit d’une monoplace. »

Autres éloges de la bouche d’experts, tel Jacky STEWART, ancien pilote F1 chez MATRA et TYRRELL et ambassadeur pour le motoriste FORD et toujours très proche du Team TYRRELL qui le faisait débuter en F1 en cette année 1985 :

« Il était le plus grand talent que je n’aie jamais découvert avec un bagage énorme pour réussir partout là où il s’impliquait.»

Ou encore Herbie BLASH, ancien Directeur de Course en F1 et ancien bras droit de Bernie ECCLESTONE chez BRABHAM en F1 :

 « Stefan BELLOF avait tout simplement quelque chose que la plupart n’avaient pas, il était une espèce de croisement entre le génie de Gilles VILLENEUVE et celui de Michaël SCHUMACHER. »

De fait, que ce soit au volant d’une monoplace, d’une voiture de Tourisme, ou d’une voiture de sport, une fois harnaché dans le cockpit et la visière rabattue, son objectif était en permanence de descendre les chronos qu’il aimait enfiler comme les perles de collier et toujours dans le respect des règles et des autres.

 

PILOTE OFFICIEL CHEZ PORSCHE EN WSC. et TYRRELL EN F1

Stefan-BELLOF-Tyrell-GP-Monaco-1984-©-Manfred-GIET

 

En 1982,  il éclaboussera de toute sa classe les épreuves Européennes de F2, tout en démontrant  sa polyvalence, en participant à son premier double tour d’horloge en GT, aux ’24 Heures du NÜRBURGRING’, ainsi qu’en Endurance, lors des ‘1.000 Km de SPA’ sur une PORSCHE CK 5T du Team KREMER, au volant de laquelle et malgré un abandon, il parvint à convaincre l’Usine PORSCHE, de l’engager sur une voiture d’Usine pour la Saison 1983.

Comme pour remercier le Constructeur de Zuffenhausen, pour la confiance manifestée à son égard, Stefan le récompensa par des victoires à la clé aux ‘1000 Kms de Silverstone’ (GB), du Fuji (Japon) et de Kyalami (Afrique du sud) associé au Britannique Derek BELL.

 


Stefan BELLOF-Champion-1984-au-Nürburgring-avec-Boutsen-son-futur-équipier-l’année-suivante-dans-son-sillage-©-Manfred-GIET.

 

Durant cette même année en F2 sur une MAURER-BMW, nettement moins compétitive, il rentra quelque peu dans le rang, sans toutefois manquer d’attirer l’attention d’un certain Ken TYRRELL !

En F2, il croisa souvent Thierry BOUTSEN sur son chemin, le Belge avec lequel il devint ami et ensuite Co-Équipier en Endurance, une complicité qui fut malheureusement interrompue brutalement en ce 1er septembre 1985.

Au lieu de se retrouver ensemble sur une marche du podium leurs chemins se séparèrent hélas à jamais…

BOUTSEN en gardera d’ailleurs un souvenir doublement pénible, car outre le fait d’avoir perdu un équipier et un ami, c’est lui qui s’occupa aussi à l’époque des formalités liées au rapatriement de la dépouille de BELLOF en Allemagne.

 

 DEUX FAITS D’ARMES QUI ONT MARQUÉS L’HISTOIRE.

STEFAN-BELLOF-record-du-tour-du-Nordschleife-en-6min-11-secondes-et-treize-centièmes-aux-1000-Km-du-Nürburgring-en-1983-©Manfred-GIET

 

Cet immense Champion en devenir, disparu beaucoup trop tôt malheureusement, on retiendra comme points forts, sa volonté inébranlable, des nerfs à toute épreuve et une attitude positive absolue, face à la Compétition Automobile, bien souvent ingrate et dont il avait sondé pratiquement toutes les disciplines, avant de se destiner à ce qui lui importait le plus en Sport Automobile…  la F1 et l’Endurance.

Sur le radar de PORSCHE depuis un moment déjà, il faisait manifestement partie de cette nouvelle génération de Pilote que les Constructeurs s’arrachaient et que la marque emblématique parvint à ferrer pour compléter son plateau en Endurance à partir de 1983, alors que BELLOF avait tout juste 25 ans.

Profitant des conseils avertis de son expérimenté équipier anglais Derek BELL, BELLOF, dont l’aisance de pilotage était tout simplement grandiose, deviendra bientôt non seulement le pilote le plus rapide des équipages d’usine PORSCHE, mais également un numéro gagnant, puisque dès son premier engagement aux ‘1000 Kms. de Silverstone’, il remporta les lauriers avec Derek BELL, de 16 ans son aîné, non sans avoir réussi un temps en course qui lui aurait permis de partir… 12ème au GP. d’Angleterre de F1 de la même année !

 

Son point d’orgue comme entrée en matière dans la discipline de l’Endurance, surviendra lors de l’épreuve suivante aux ‘1000 Kms du Nürburgring’, où il établira en qualifications, le record absolu de la fameuse Boucle Nord (Nordschleife) du Circuit de l’Eifel Allemand en 6’11.130’’ et ce à la vitesse moyenne ahurissante de 202,100 Km/h !

 Un record qui tiendra la bagatelle de… 35 ans avant que Timo BERNHARD, ne le descende à 5’19.546’’ à la moyenne au tour de 233,800 Km/h. … en 2018, au volant d’une PORSCHE 919 HYBRID EVO, cependant spécialement aménagée et sur-vitaminée pour l’occasion par rapport à la voiture victorieuse au MANS et sacrée Championne du Monde !

Pour sa première saison en Groupe C sur une voiture au top, il enrichira son palmarès par deux autres victoires aux ‘1.000 Kms de Kyalami’ et de ‘Fuji’, à son palmarès, avant d’embrayer en 1984 par six autres victoires et deux 3èmes places qui au décompte final lui permettront d’empocher le titre mondial de la discipline.

 

 

BELLOF-1985-Tyrrell-014- Zeltweg-GP-dAutriche-©-Manfred-GIET

1984 : L’AFFAIRE TYRRELL À DETROIT…

 

En cette même année 1984, Stefan BELLOF grâce à l’aide de son Mécène, Manager et ex-Patron en F2, Willy MAURER, se voit engagé en F1 par Ken TYRRELL, le ‘Prix Nobel du Dénicheur de Jeunes Talents’ sur une TYRRELL 012, à moteur atmosphérique nettement désavantagée par rapport aux autres teams, désormais tous équipés d’unités de puissance turbo-compressées ce qui ne l’empêchera pas de marquer des points aux GP. de Belgique de ST. MARIN et surtout à MONACO, où sous le déluge, il fit montre de toute sa classe en fondant sur les leaders PROST et SENNA, juste avant l’arrêt prématuré du GP., par le Directeur de Course, un certain Jacky ICKX  et après avoir signé le deuxième temps en course, à 644/1.000 du meilleur temps réalisé par Ayrton SENNA !

Un coup d’éclat qui sera cependant effacé des tablettes lors du Grand Prix de DÉTROIT aux USA., où l’équipe TYRRELL fut prise la main dans le sac par la patrouille !

Gilles GAIGNAULT, à l’époque Directeur du Service Presse de la FIA., se souvient :

«Gabriele CADRINGHER et Henri MOSSON, les Responsables du Département Technique de la FIA., ne pouvaient admettre, qu’une monoplace équipée d’un moteur ‘atmo’, ne tienne le rythme de celles à moteur ‘turbo’ et se classe deuxième avec Martin BRUNDLE ! Et effectivement, ils découvrirent le pot aux roses et la tricherie ! »  

Explication :  Après avoir lesté ses TYRRELL un tour avant la fin des GP., les voitures tournant sous le poids réglementaire, par des kilos de billes de plomb que l’on rajoutait et injectait avec l’essence lors d’un arrêt peu avant l’arrivée et ainsi atteindre le poids conforme, acte incroyable qui valut au Team TYRRELL d’être exclu du Championnat du Monde 1984, avec en outre, retrait des points marqués auparavant !

1985 : L’ANNÉE DU DRAME POUR STEFAN BELLOF


F1. Stefan-Bellof au GP de Hollande en 1984 en duel avec l’Osalla de Ghinzani- Photo : Manfred-GIET

 

En 1985, Stefan pilotera toujours une PORSCHE 962 C ou 956 B mais pour l’équipe privée Suisse du BRUN MOTORSPORT, après avoir délaissé le Team officiel et ce afin de pouvoir mieux se concentrer en parallèle sur une carrière en F1 qu’il continuera chez TYRRELL, l’équipe du coup dorénavant équipé désormais du moteur V6 Turbo RENAULT et après un test positif chez Mc LAREN, où toutefois Ron DENNIS ne voulait pas ébrécher l’efficacité de son duo souverain en 1984, LAUDA-PROST.

Cela n’empêcha pas BELLOF à se mettre en valeur même du fond de grille sur une TYRELL-RENAULT peu compétitive comme au GP. du Portugal où il récoltera son premier ‘’vrai’’ point et loupera de peu le podium au GP. des USA. à Détroit.

Selon certains bruits de couloir à l’époque, son nom  figurait dans le Carnet d’Adresses de … la Scuderia FERRARI, pour la Saison 1986 !

Malheureusement, le sort en décida autrement en ce triste 1er septembre 1985, à l’endroit même, où trois ans auparavant en F2, il avait eu plus de chance … en triomphant !

Chienne de vie…

Le temps passe, les années défilent.

 

RIP. Stefan

 

Manfred GIET

Photos : Publiracing Agency

 


Stefan Bellof-Les traces d’un crash mortel-©-Manfred-GIET

LA CARRIÈRE DE STEFAN BELLOF, EN BREF

 

1973 à 1980: Karting

1980: Champion d’Allemagne en Formule Ford 1600, avec 9 victoires

1981: Formule Ford-Super VW, Coupe R5 Turbo et second du Championnat d’Allemagne F3, avec 3 victoires

1982: Championnat d’Europe de F2, où il termine 4ème au classement final avec deux victoires et Championnat du Monde Endurance (1 manche aux 1000 Km de Spa sur une Porsche Kremer)

1983: Championnat d’Europe de F2 qu’il termine à la 9ème place. Trois victoires : 1000 Km de Silverstone (GB), de Fuji (Japon) et de Kyalami (Afrique du sud) au Championnat du Monde d’Endurance sur une Porsche officielle.

1984: Champion du Monde en Endurance sur une Porsche officielle avec six victoires : 1000 Km de Monza (Italie), du Nürburgring (Allemagne) de Spa (Belgique) d’Imola (Italie) du Fuji (Japon) et de Sandown Park (Australie) et Champion IDRM (Championnatd’Allemagne International de Sports-Protos) Pilote en F1 chez TYRRELL où il dispute 11 GP avec une démonstration sur piste détrempée au GP de Monaco, terminant 3ème mais disqualifié quelques semaines plus tard, le Team TYRELL s’étant vu retirer tous les résultats enregistrés suite à l’utilisation de moyens  techniques illicites découverts à l’issue du GP de Détroit.

1985: TYRRELL F1 pour qui il dispute 9 GP et récolte 4 pts (6ème au GP du Portugal et 4ème au GP des USA à Detroit). Championnat du Monde Endurance sur une Porsche du Team Brun avec Thierry BOUTSEN comme équipier.

 

Manfred GIET