VINCENT PHILIPPE A DIT ADIEU A LA COURSE AUX 8 H DE SEPANG EN MONDIAL D’ENDURANCE MOTO

 

 

Vincent Philippe en route vers sa nouvelle vie

ENDURANCE-MOTO-2019-VINCENT-PHILIPPE-Les souvenirs de ses débuts

 

Depuis son enfance, Vincent Philippe ne vivait que pour la compétition motocycliste et puis là, après cette course de Sépang en Malaisie ce samedi, sa toute dernière apparition en compétition, il va tourner la page pour se lancer dans un autre monde.

Apparemment sans regret aucun et sans un besoin irrépressible de regarder derrière lui. Pourtant, il serait en droit de le faire et de souligner une carrière exceptionnelle marquée par un premier titre de Champion de France … de la Montagne en 125, alors qu’il avait tout juste 18 ans !

Des titres de Champion, Vincent en obtient encore en France (Montagne 125, Open 250) avant de passer aux échelons supérieurs en Championnat d’Europe et du monde 250, au sein de l’équipe de France Espoirs, managée par le grand Champion –quatre fois titré en mondial d’endurance – également excellent pédagogue, l’ami Hervé Moineau.

 

FIDÈLITÈ A SUZUKI…


24 H du Mans-2019-VINCENT-PHILIPPE – Toujours fidéle à SUZUKI ©-Photo-Michel-Picard

 

Puis, c’est l’arrivée en fanfare chez Suzuki avec une première victoire de Vincent aux 24 heures du Mans lors de l’édition 2003, pour sa première course sous les couleurs du SERT (Suzuki Endurance Racing Team).

Ensuite, faisant preuve d’une fidélité exemplaire à cette écurie, il contribua à engranger la bagatelle de 28 nouvelles victoires dans le cadre du Championnat du monde d’endurance (dont 9 Bol d’or) et glana ainsi, 10 titres de Champion du monde pilotes d’endurance.

Vincent semblait faire partie des meubles du SERT et quand on passait à l’atelier du Mans, on voyait durant toutes ces années, le sac du « grand » avec ses effets de course en attente de départ.

Après une première période d’intégration dans ce team, où les équipiers changeaient selon les opportunités de guidon officiel des uns ou des autres, Vincent devint une sorte de référence, de point fixe de l’écurie.

Son expérience, sa vision de la course d’endurance, très souvent aussi sa référence chronométrique et ses analyses techniques, faisaient école auprès des nouveaux équipiers et le SERT, fut incontestablement un team majeur du plateau, durant des années.

Comme nous l’avions pressenti, l’arrivée de la nouvelle Suzuki GSX-R 1 000, pour la saison 2017, demanda une très délicate adaptation technique à la course d’endurance. Le 9 mars 2017, le décès en essais d’Anthony Delhalle suite à une sortie de piste survenue sur le circuit Gersois de Nogaro, toujours inexpliquée ni par les techniciens, ni par la justice d’ailleurs, a porté un sacré coup à l’équipe du SERT mais sans aucun doute, plus dur encore à Vincent, qui voyait –comme nous d’ailleurs- chez Anthony, la relève à venir.

Nous avions-en son temps- suggéré à Vincent de ne pas attendre l’arrivée de la nouvelle Suzuki et des aléas inhérents à sa mise au point, pour changer d’écurie. Sa droiture et sa fidélité lui dictaient une autre voie, à savoir, contribuer à rendre cette machine compétitive, gagner avec elle des courses et le Championnat du monde, puis se retirer.

 

8H-Suzuka-2019-©-Photo-Michel-Picard

 

On constate qu’il ne fut pas loin de réaliser cette ambition. En effet, la dernière course de Suzuka aurait pu réglementairement donner un autre résultat, si le classement pris en compte avait été celui du tour précédent l’abaissement du drapeau rouge, à la suite de la casse moteur de la Suzuki N°2, pilotée à ce moment-là par Etienne Masson. Ensuite, la victoire au Bol d’or – certes un peu chanceuse mais juste retour des choses après Suzuka – démontrait malgré tout que l’objectif était quasiment atteint.

Pour autant, se sentant de plus en plus distant avec « le chef » alias Dominique Meliand, qui n’avait pas hésité à mettre en doute, voire à contester ses performances (alors que des ruptures de broches et des soucis de freins perduraient), Vincent avait du mal à supporter une ambiance tendue, voire dégradée.

 

24-H-Mans-2019-VINCENT-PHILIPPE-Lingénieur-Dominique-HEBRARD-et-CLEMENCE©-Photo-Michel-Picard

 

Portant cette blessure d’amour-propre en bandoulière, puis affecté par l’annonce de l’éviction du directeur technique Dominique Hébrard, qui avait été pressenti comme successeur de Dominique Méliand, Vincent a su dire les choses qu’il avait sur le cœur, tant après Suzuka, qu’à l’issue du Bol. Il s’est senti sans aucun doute libéré pour pouvoir se tourner vers un avenir serein.

Auparavant et selon les termes de son contrat avec Suzuki, une dernière course à Sepang lui aura permis de quitter le SERT, alors qu’il abandonne sa désormais ‘ex-équipe’ … en tête du Championnat du monde 2019-2020 !

C’est ce qui s’appelle un départ réussi…

 

8H-Suzuka-2019-VINCENT-PHILIPPE©-Photo-Michel-Picard

 

C’est donc après cette ultime épreuve de Sepang samedi, juste à son retour en France ce lundi 16 décembre de la Malaisie et Kuala Lumpur, que nous avons pu joindre notre ami Vincent, qui a accepté de  répondre à nos questions.

Précisons d’entrée de jeu, qu’il avait pourtant d’autres priorités puisqu’il était préoccupé par le rapatriement sanitaire de son épouse Clémence. En effet, s’octroyant quelques jours de détente avant la course, le couple en profitait pour effectuer quelques randonnées à moto, à travers la superbe Thailande. Or Clémence sur une mauvaise chute se fracturait le tibia et le péroné !

 

24-H-Mans-2018-VINCENT-PHILIPPE-©-Photo-Michel-Picard.

 

Vincent commençons par Clémence. Quelles nouvelles peux-tu me donner ?

« Elles sont bonnes. Elle est en attente d’assistance pour rentrer. Elle récupère bien mais elle est impatiente de quitter Bangkok. »

Vincent, tu rentres et débarques de Sepang, peux-tu nous rappeler les conditions particulières de cette course, où la Suzuki N°2 se classe quatrième, sans que tu aies pu rouler en course ?

« On va dire que mes dernières courses se ressemblent. En fait, dans ma carrière en endurance – c’est-à-dire une vingtaine d’années- je n’avais jamais connu d’arrêt de course au drapeau rouge et là, on a vécu cela deux fois de suite (Bol d’or et Sepang).Tout le monde l’a bien pris. C’était pour la sécurité des pilotes et il le fallait car la visibilité était très mauvaise. Course du coup très raccourcie. A un moment j’ai cru que nous n’aurions même pas de course. Finalement ça a roulé, un peu. Beaucoup de pilotes sont restés frustrés dans les stands car en fonction de l’ordre des relais et de la tactique à adopter face à la situation, certains n’ont pas roulé. C’était mon cas. Il est vrai que c’est toujours un peu frustrant de venir, de se préparer et de ne pas participer à la course. Finalement, je ne suis pas déçu car j’arrête ma carrière en fait sur une victoire au Bol d’or et c’est le principal. »

Quels sentiments t’animent aujourd’hui ?

« Honnêtement, ça été très dur avant la course avec une semaine cauchemardesque. J’avais une très mauvaise préparation. J’avais la tête ailleurs. En temps normal il convient de trouver la motivation, là ça n’était pas évident. J’arrivais quand même à me concentrer sur la moto. J’avais même plaisir à rouler. Je dois dire que ce fut l’avant départ, qui fut très spécial. Je me suis rendu compte de plein de choses… Pendant la course j’ai essayé de me concentrer sur ma prise de relais avec l’intention de bien faire le boulot, ça n’est jamais arrivé. Après la course ce fut plutôt un soulagement d’avoir réalisé toute une carrière de compétition et de tourner la page. Je suis en bonne santé, j’ai des projets. Tout va bien, j’ai été titré dix fois et je suis heureux et content de passer à autre chose. »

Comment vas-tu regarder ce Championnat du monde d’endurance, « TA » Suzuki est en tête du Championnat, alors que tu ne t’aligneras pas pour les 24 Heures du Mans par exemple ?

« Oui, effectivement je reçois de nombreux messages du genre ‘attends tu vas peut-être pouvoir accrocher un autre titre de Champion du monde. Effectivement je crois que cette équipe est capable de l’être à nouveau, comme elle a déjà su le faire… Mais non, j’ai bien raccroché. Certains croient qu’au Mans je vais reprendre le guidon … Il faudrait un miracle (rire). Non, non ça n’est pas du tout prévu et ça serait certainement une bêtise. Effectivement, je suis content, je vais pouvoir enfin voir l’envers du décor. Pendant des années j’étais concentré sur moi-même, je restais au sein de l’équipe. Je n’allais pas m’éparpiller à gauche ou à droite, du coup je n’ai pas eu l’occasion de m’intéresser à tous les autres acteurs de nos courses d’endurance. Là, je vais pouvoir aller voir tous les acteurs -premiers comme derniers- et montrer mon vrai visage. »

XAVIER SIMÉON SUCCESSEUR DE VINCENT PHILIPPE!


8H-Sepang-2019-Vincent-montre-son-successeur-Xavier-Simeon©-Photo-Daniel-Lencina

 

Le choix de ton successeur sur la moto N°2, Xavier Siméon est-il confirmé ?

« Oui, bien sûr, il est confirmé en interne.Officiellement   n’est pas annoncé. Pour moi la condition était de pouvoir me remplacer en fin d’année 2019.Il y avait deux pilotes disponibles en fin d’année, Kenny Foray et Xavier Siméon. En tout cas, je suis très content pour mes coéquipiers parce qu’ils ont le même âge, qu’ils s’entendent très bien. Xavier est archi motivé. Maintenant, il va falloir trouver un certain équilibre car on voit bien que dans ce Championnat d’endurance –même avec des courses courtes comme les deux dernières- les pilotes de vitesse excellent mais font aussi beaucoup de bêtises. Si on veut un titre de Champion du monde il ne faudra faire que des courses individuelles, mais faire la course d’équipe. »

 

ENDURANCE-MOTO-2019-VINCENT-PHILIPPE-et-son-associé RAPHAEL VILLECHAISE

 

Maintenant le monde des affaires va t’absorber à fond, peux-tu nous préciser à quelle date tu penses ouvrir ton magasin Dafy et avec quelles orientations prioritaires ?

« Le magasin, on est en plein dedans. On a déjà bien avancé depuis le Bol d’or. Dès demain – ce mardi 17 décembre – on démarre à fond les travaux et ça va s’enchainer jusqu’au 14 mars, date d’ouverture prévue. Nous avons encore beaucoup de choses à traiter mais on s’applique à ce que tout soit prêt pour l’ouverture. Mon associé Raphael Villechaise et moi souhaitons que tous les motards puissent trouver leur bonheur chez notre enseigne Dafy. On va travailler avec Dainesse pour le côté rallye et haut de gamme, la diversité du produit pour Monsieur tout le monde et peut être aussi le côté rétro que les gens aiment bien, avec des  anciennes remises au goût du jour. En fait, nous souhaitons que tout le monde trouve son compte du motocross, au Racing avec bien sûr, l’utilisateur de tous les jours. Je sais que l’on est très attendu et nous ferons tout pour ne pas décevoir. Nous souhaitons créer une vraie dynamique autour de notre magasin. Nous pensons organiser des roulages sur circuit, des balades. »

Pour le circuit ce sera sur le circuit de Bresse ?

« Non, parce que l’opération sera montée en partenariat avec BMC Moto, école très réputée en France et qui opère en semaine sur divers circuits. »

Tu as presque anticipé cette question. Poursuivras-tu les sessions de roulage et de coaching, si oui où et quand ?

« Oui, je souhaite créer des liens entre le magasin, les clients et mes activités. Ainsi, je continuerai à faire des journées de coaching sur circuit, pour amener des clients et faire des préparations de motos de piste. Pourquoi ne pas proposer des baptêmes. Après on proposera aussi des activités routières. »

On sait que tu as au fond de la tête l’envie de courir le Dakar, à quelle échéance ?

« Oh, ça c’est sûr ! Le Dakar je vais m’en préoccuper. C’est un objectif à deux ans. Il me faut d’abord lancer le magasin avant de me donner un an pour réellement monter le projet et le préparer. »

Précisons que pour ce projet, Dominique Mougey ami de Vincent et préparateur technique se dit prêt, de manière inconditionnelle.

Le roulage en course d’endurance est-il encore envisagé ou te vois-tu plus dans un rôle de manager ?

« Non, je ne roulerai pas en 2020 c’est une certitude, à part peut-être une participation aux 24 heures de Barcelone. Cela n’est pas encore mis au point, mais j’aimerais bien. Non, mais pour le haut niveau, c’est clair, je coupe. »

Et manager ?

« Je n’ai pas de proposition. Honnêtement je crois que le nouveau SERT en aurait besoin. Prendre en charge complètement une équipe, non merci. J’ai déjà un énorme travail avec ce magasin à ouvrir et à faire tourner. Par contre, apporter ma compétence sur des courses, je ne dirai pas non. »

Je crois savoir que tu devrais t’orienter plutôt vers le commentaire à la télévision. Peux-tu préciser les choses ?

«  Oui, c’est calé avec Eurosport France pour l’endurance en 2020. Je commencerai par cela car je manquerai de temps l’année prochaine. C’est un autre métier, il va falloir l’appréhender correctement. Je suis content de pouvoir faire partager avec le grand public tout ce que j’ai appris sur la course d’endurance. »

Globalement te rends-tu bien compte qu’après tes études tout a été focalisé sur la course, et que dujour au lendemain, tu vas changer d’univers et de   ? Comment appréhendes-tu cebouleversement ?

« C’est clair, je suis très inquiet. Pour ma conversion, je n’avais pas envie de la préparer à l’avance pour ne pas mourir à petit feu et ainsi perdre la motivation sur la moto. Ensuite, il fallait que ça aille très vite car je n’ai pas de finances disponibles. Il me fallait donc une activité rentable. J’ai tout à apprendre. Pourtant je suis rassuré avec mon associé, qui m’aide énormément. Bien sûr, j’ai encore plein de choses à apprendre mais à deux ça va plus vite. »

DE NOUVEAUX HORIZONS…

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Nous laissons Vincent rouler vers son Doubs natal et nous replongeons dans la grande fête donnée voici quelques semaines au Palais des Sports de Besançon. Vincent, entouré de sa famille, avait tenu à rassembler toutes les personnes l’ayant accompagné fidèlement dans sa passion afin de célébrer avec elles ses ‘Neuf Bols d’Or.

Nous avons été impressionnés par la chaleur et la ferveur du soutien à leur champion des très nombreuses personnes présentes. Il ne fait aucun doute que l’implication locale de Vincent pour des causes caritatives, son aisance à s’adapter à d’autres pratiques sportives, son immense palmarès et sa fidélité à son terroir (toujours au même club de Senoncourt) sont sans doute des atouts puissants lui ayant permis d’acquérir le statut de sportif de haut niveau, très abordable.

Nous pensons que l’implantation du magasin à Besançon devrait être une réussite, tant nous avons senti combien ce public était ravi de pouvoir profiter au plus près de l’expérience, de la gentillesse et de la compétence, d’un très grand champion aussi abordable et agréable que Vincent.

Une page de l’endurance moto se tourne en majesté avec ce « monument » alignant 29 victoires, peut-être autant de blessures et fractures, 10 titres de Champion du monde, 9 Bols d’Or, sans oublier ses 3 succès aux 24 Heures du Mans.

A 41 ans en janvier prochain, Vincent va tourner une sacrée page de son parcours. Tous nos vœux de réussite l’accompagnent pour sa nouvelle aventure.

Et comme nous le précisait Gilles Gaignault, qui trés proche du quadruple Champion du monde Hervé Moineau, a rencontré comme nous, Vincent à ses débuts, nous expliquait:

« Quel parcours, quel palmarés pour ce sacré Champîon, le plus titré de tous les pilotes Français en sport mécanique avec ses 10 titres. Vincent assurément un sacré mec! un garçon extrémement attachant!»

Et Gilles de conclure:

RESPECT à lui

 

Alain MONNOT

Photos : Michel PICARD et Daniel LENCINA

 


ENDURANCE-MOTO-2019-VINCENT-PHILIPPE-UN-SACRE-PILOTE-AVEC-UN-SACRE-PALMARES.

ENDURANCE-MOTO-2019-VINCENT-PHILIPPE-avec-sa-famille.


8H-Oschersleben-2016-VINCENT-PHILIPPE-CLEMENCE-et-GUY-PHILIPPE©-Photo-Michel-Picard.

24-H-Mans-2015-La-joie-de-VINCENT-PHILIPPE-©-Photo-Michel-Picard


ENDURANCE-MOTO-2019-8-H-DE-SEPANG- ‘LA’dernière course de VINCENT-PHILIPPE- Photo : FIM

 

 

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