AUX PRÉ-ESSAIS DES 24 HEURES DU MANS MOTOS… ROULONS SOUS LA PLUIE !

 

 

Il faut s’y faire, la saison en Championnat du Monde d’Endurance Moto est entamée … depuis septembre 2017, avec le Bol d’Or.

Les 24 Heures du Mans vont pourtant permettre aux écuries d’aligner des motos souvent sensiblement évoluées ou modifiées durant l’hiver pour poursuivre la saison à cheval comme en mondial auto WEC sur deux années !

Rien d’étonnant donc à ce que nombreux furent les concurrents (50 sur les 60 engagés) à profiter des deux journées de roulage dites du ‘Pré-Mans », de mardi et mercredi dernier, pour finaliser ce travail hivernal, dans des conditions atmosphériques que tous auraient souhaité moins pluvieuses.

En remontant la ligne des stands, nous remarquions que la très grande majorité des teams avaient déployé un matériel important concernant l’acquisition de données, de plus en plus sophistiqué et équipé le stand quasiment de manière aussi complète que pour la course.

Seules deux ou trois équipes n’avaient installé qu’un matériel succinct, de quoi changer les roues, mettre de l’essence et basta !

Bataille de pneus sous la pluie

 

Essais Pré 24 Heures du MANS Motos  2018 -Chute de la KAWASAKI N°8-Thierry-COULIBALY.

 

Lors de récents essais privés sur ce même circuit Bugatti, nous avions observé le travail des pneumaticiens de chez Bridgestone et Dunlop. Pour le Pré-Mans, Pirelli complétait ce duo.

On peut dire que la pluie abondante ne semblait gère convenir au manufacturier italien, à tel point qu’au cours de la première journée, Gilles Stafler manager de la Kawasaki N°11, décidait carrément de baisser le rideau, tant il était inutile de faire prendre des risques aux pilotes pour récolter des temps minables.

 

Pre 24 Heures du Mansd Moto -La KAWASAKI N°11 Photo Thierry COULIBALY.

 

De nombreuses chutes ou belles glissades émaillèrent d’ailleurs, ces deux journées comme celle de la Kawasaki N° 8 du Bolliger Switzerland, sans toutefois remettre en cause la participation à la course les 21 et 22 avril prochain.

Pour illustrer cette carence des Pirelli sur une piste détrempée, Émeric Jonchière (National Motos N°55, en Pirelli) nous confiait :

« Je croyais bien que la Bolliger roulait en Dunlop quand elle m’a doublé, alors que je galérais comme un malade sous les trombes d’eau, finalement ils étaient comme nous… »

 

Essais Pré 24 Heures du MANS Motos 2018 – HONDA-N°111- Photo : Thierry-COULIBALY

 

Il semblait en aller tout autrement pour les Bridgestone avec des pilotes visiblement à l’aise sur la Yamaha Autrichienne N° 7 du YART, ou la Honda N°5 alignée par l’équipe F.C.C.

 

Essais Pré 24 Heures du MANS Motos 2018 -La YAMAHA GMT N°94-Photo Thierry-COULIBALY.

 

Même les teams équipés en Dunlop semblaient apprécier leurs fournitures comme pouvait nous le préciser Christophe Guyot, manager de la Yamaha du GMT 94 :

« Avec Dunlop on est très bien servi. Dans des conditions un peu particulières de froid et de pluie, nous apprécions le niveau de performances ainsi que la très large plage d’exploitation ce qui diminue sensiblement le risque de se tromper de choix. La compétence, l’engagement et la disponibilité des techniciens, comme Thierry Espié et Roland Wozniak font partie des points forts que nous avons dans cette exploitation toujours essentielle lors des courses de 24 heures avec une météo changeante ou capricieuse. »

 


Essais Pré 24 Heures du MANS Motos 2018 -La Yamaha Yart N°7 – Photo Thierry COULIBALY.

La place des Usines

 

Si au GMT, comme ailleurs, on regarde le ciel pour guetter une fenêtre de roulage moins humide, on voudrait bien pouvoir valider tout le travail opéré cet hiver. En effet, malgré la victoire au Bol, l’équipe n’était pas satisfaite de la configuration course et, a donc remis en question les suspensions.

Avec le service course Ohlins du Mondial Superbike, un gros chantier a été mené. Parallèlement, à partir du kit moteur GYTR, un travail en partenariat avec Danielson a permis de gagner un peu de puissance, tout comme une meilleure adaptation des 5ème et 6ème rapports de boîte ont été optimisés et que l’électronique a évolué également.

Pré essais 24-Heures Moto-2018- lLa YAMAHA N°7 du YART -Photo-Thierry-COULIBALY

Une Yamaha en cache une autre et nous aurons forcément un œil attentif pour suivre la course de la machine N°7, qui ayant abandonné au Bol va tenter un grand coup au Mans. En effet, cette Yam YART est en provenance directe de l’usine et semble dotée d’un potentiel énorme qu’elle a su exploiter selon tous les différents états de la piste, avant d’exploser son moteur en répandant abondamment de l’huile, ce qui privait les autres teams d’un temps de roulage intéressant, puisque sur piste sèche.

Au Japon, les marques suivent des politiques diverses et, à l’inverse de Yamaha, Kawasaki n’intervient absolument pas en faveur de la Kawa N° 11, engagée par Gilles Stafler, avec l’aide de l’importateur Français.

En manager avisé, au caractère bien trempé, Gilles nous déclarait :

« L’usine ne s’intéresse qu’au Superbike, ils se foutent pas mal de l’endurance. On se démerde tout seul, sans aucun conseil, sans aucune pièce de leur part. Même si la décision de participer à toutes les courses Européennes a été prise tardivement, nous sommes repartis de la très bonne base que nous avions établie pour le Bol en septembre dernier et nous disposons donc d’une moto rapide et efficace. »

 


Essais-pré-MANS-2018-Le chef a réintégré les rangs du SERT-  Photo : Thierry COULIBALY.

 

Entre le tout usine (Yamaha N°7) et le rien usine (Kawasaki N°11), nous trouvons un mix intéressant, avec la Suzuki N°2.

En effet le team Manceau, non seulement voit revenir avec plaisir son manager, « le chef », Dominique Méliand, mais en plus, bénéficie d’une réelle assistance du Japon, comme a pu nous le confirmer l’ingénieur Français Dominique Hébrard.

On se souvient que la nouvelle Suzuki GSX-R 2017 avait été jetée sur les roues pour des essais au Japon en juillet 2017, directement en lien avec Suzuki Motors Corporation. Ensuite, après un montage effectué avec des pièces usine et à partir des préconisations reçues, la moto avait réalisé des essais privés au Castellet avant le Bol d’Or pour l’adapter aux Dunlop et la configurer pour l’Endurance.

 


Pré essais 24 Heures Moto-2018- La SUZUKI SERT N°2-Photo-Thierry-COULIBALY

 

Après les résultats du Bol et les problèmes rencontrés, un rapport complet et des retours de pièces furent adressés au Japon pour expertise. En parallèle, durant l’automne et l’hiver, les pilotes ont roulé dans le sud de la France, à Mireval, près de Sète, sur l’ancien circuit de Karland, désormais propriété du Groupe Dunlop-Good Year, pour développer de nouveaux profils et gommes Dunlop.

Les essais privés au Mans ont donc permis de continuer à développer la moto, en définissant pour le Bugatti les rapports de boîte et la transmission finale ce qui conditionne tout le reste: châssis, suspensions et pneus.

Tout au cours de cette période d’après Bol, les techniciens du SERT se sont attachés à résoudre problème après problème, cela, toujours avec l’aval de l’usine, ce qui a entrainé des échanges quasi quotidiens.

Pour ces deux journées de ‘Pré Mans’, le SERT aspirait à pouvoir rouler sur le sec. Effectivement, selon une méthodologie de travail très rigoureuse, après avoir dégrossi l’approche, il convenait de l’affiner, afin d’être en capacité de faire abstraction de ce qui passe autour (chronos des autres équipes notamment) pour rester sur le programme destiné à définir l’adéquation entre le développement châssis et les pneumatiques à utiliser pour la course.

 

Essais-pré-MANS-2018-Des paramètres à analyser- Photo : Thierry-COULIBALY

 

On a pu constater que le SERT est resté centré sur ce programme avec un œil fixé sur toutes les données emmagasinées et un débriefing systématique de tout pilote de retour de piste par l’ensemble des techniciens, ingénieur Japonais compris.

En raison des conditions météo particulières de ces deux jours, il ne faut pas être grand devin pour savoir que les pilotes comme les mécaniciens demeurent un peu frustrés de n’avoir pu rouler sur le sec, que durant une heure. Vincent Philippe, Étienne Masson et Gregg Black dont la complémentarité et l’entente sont parfaites, se sentent vraiment bien sur le mouillé.

 


Pré essais 24-Heures Moto 2018-N°2-Photo : Thierry-COULIBALY

 

Rassurés de ce côté-là, il leur faudra se remettre dans le rythme sur piste sèche mais on sent toute l’équipe -qui ne manquera pas d’être galvanisée par le retour du ‘boss’ en bord de piste- prête à se surpasser pour démontrer qu’elle s’est remise en selle avec la nouvelle Suzuki, face à une concurrence de plus en plus rude.

Effectivement, en observant les temps réalisés en fin de seconde journée, on ne peut pas occulter le fait que les BMW semblent particulièrement bien affûtées. Rien d’étonnant puisqu’au dernier Bol on notait la présence des BMW aux deuxième, quatrième et cinquième places !

Là aussi, la place de l’usine ne fait aucun doute. La N°48 porte l’étendard de moto officielle mais les autres ne sont pas mal dotées pour ce qui concerne les moteurs, notamment.

 

Pré essais 24 Heures Moto-2018- La YAMAHA N°7 du YART -Photo-Thierry-COULIBALY.

Les 10 meilleurs temps des deux jours 

 

YART Yamaha N°7 – 1’36.867

Team NRT48 BMW Motorrad N°48– 1’38.586

Team Tecmas BMWN°9 – 1’38.824

Honda Endurance Racing N°111 – 1’39.159

F.C.C. TSR Honda France N°5 – 1’39.426

Junior Team Le Mans Sud Suzuki N°72 – 1’39.723

Team SRC Kawasaki N°11– 1’39.868

Suzuki Endurance Racing Team N°2 – 1’40.021

Team April Motos Motors Events (Suzuki) N° 50– 1’40.127

Team R2CL (Suzuki) N°87 – 1’40.168

 


Essais-pré-MANS-2018- – La Suzuki du Junior N°72- Photo : Thierry-COULIBALY.

 

Notons au passage qu’en Superstock, le Suzuki Junior Team Lycée Le Mans Sud, s’est bien mis en valeur lors de ces roulages.

On a remarqué également le Tati team Beaujolais sur la Kawasaki N°4 ou encore la Yamaha N° 33 du team Vilatïs mais qui doit s’adapter aux pneus Dunlop après les saisons antérieures, chaussé en Michelin avec la Coupe du Monde 2017 que toute l’équipe entend conserver malgré le faux pas pénalisant au Bol d’Or.

 

Essais-pré-MANS-2018-Team-April-N°50-Thierry-COULIBALY

 

Principes et réalité

 

Il est évidemment présomptueux et inutile de vouloir établir des pronostics quant aux résultats de la course. Toutefois, rappeler quelques fondamentaux peut aider à y voir plus clair.

Premier principe: ne pas tomber. Second principe: s’arrêter le moins souvent possible (consommation optimisée). Troisième principe: effectuer les ravitaillements de manière constante en moins de vingt secondes!

Ces critères étant remplis, la complémentarité des pilotes et l’homogénéité de leurs chronos à un niveau élevé et constant, demeurent un des facteurs primordiaux de réussite.

Nous terminerons par ce qui nous a sautés aux yeux lors de ces journées de roulage au pré Mans, à savoir la maîtrise du choix des pneus et de leur exploitation optimale en toute sécurité.

 

Essais-pré-MANS-2018-Team-HONDA-FFC-N°5-Thierry-COULIBALY.

 

À ce propos, nous pensons que Bridgestone nous ayant fait forte impression, avec la Honda N°5 et la Yamaha N°7 et équipant également la BMW N° 21, pourrait bien tirer son épingle du jeu.

Dunlop n’entend pas laisser filer sa suprématie victorieuse et Pirelli doit prier la madone pour ne pas voir le Bugatti sous la pluie pour la course.

On vous le dit régulièrement, l’Endurance n’est pas une science exacte, pour autant il convient de maîtriser de nombreux paramètres bien connus afin de réaliser une alchimie étrange et passionnante, qui passe bien évidemment par des hommes et des femmes. Or l’erreur, la faute, la défaillance, guette à chaque instant. Tous les concurrents, pilotes, mécaniciens, assistants, aspirent à être aussi irréprochables qu’ils espèrent disposer d’une moto fiable et performante.

 


Essais-Pré-24H-Mans-Moto-2018- La Ducati N°100-©-Photo : Michel Picard-AutoNewsInfos

Nul doute que les enseignements de ces deux journées ‘Pré-Mans’ seront exploités pour le montage des machines de course et intégrés dans les schémas stratégiques élaborés pour l’épreuve.

Notons enfin, que l’enjeu du titre mondial prendra encore plus d’importance au Mans cette année, puisque les deux courses de 24 heures se succédant, les potentiels gros points seront distribués et que larguée, une équipe ne pourra pas revenir au classement avec les trois courses de 8 heures suivantes !

 

Alain MONNOT

Photos :

Thierry COULIBALY, Michel PICARD, Alain MONNOT, AutoNewsInfo 

 

Essais-Pré-24Heres du Mans-Moto-2018- La Kawasaki-N°4-Superstock du Tati-Team-©-Photo-Michel-Picard-AutoNewsInfo

 

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