24 HEURES DU MANS MOTO :  DÉJÀ DES ESSAIS INTÉRESSANTS !

 

BOL D’OR-2017- Le GMT 94 Yamaha victorieux- Photo: Jeff THIRY

 

 

La période hivernale se termine et les motos reprennent la piste, en Endurance comme dans les toutes les autres disciplines (vitesse-tout-terrain).

Pourtant, pour ce qui concerne le Championnat du Monde d’Endurance, dénommé dorénavant EWC (Endurance World Championship), la saison calée sur 2017-2018, a débuté en septembre dernier, avec un Bol d’Or très disputé, qui a déjà distribué de gros points.

Les 24 heures du Mans, à venir les 21 et 22 avril prochains, seront donc l’occasion de voir se dessiner la nouvelle hiérarchie mondiale.

Effectivement, avec les deux courses de 24 heures, attribuant des points au bout de 8 heures, de 16 heures et à l’arrivée, un team dominateur sur ces courses longues, peut aborder les courses rapides (8 heures de Slovaquie, d’Oschersleben et de Suzuka) avec un minimum de retenue, tout en intégrant le fait, qu’à Suzuka avec les nombreux engagés Japonais, il est toujours difficile de jouer les tout-premiers rôles !

Actuellement après le Bol d’Or, l’équipe Française GMT 94 qui aligne une Yamaha, se trouve en tête du classement, totalisant 60 points, devant l’écurie Wepol by Penz 13 sur BMW qui en compte 43 points, Honda Endurance Racing, 42 points, FFC FSR Honda France, 37 points, et le SERT (Suzuki Endurance Racing Team) qui pointe sixième, avec 33 points.

 

Sept équipes pendant deux jours sur le Circuit Bugatti

Test concluant sur le mouillé pour l’équipe Autrichienne YART YAMAHA.

 

Pendant deux journées en cette semaine de début mars, le SERT N°2- en voisin, les ateliers se situent dans la zone du Panorama au dessus de la Dunlop– avait loué la piste du Circuit Bugatti. Pour amortir le coût de l’opération, il partageait le montant de la location avec du beau monde.

En effet, en plus du Junior Team Lycée Le Mans Sud (N°72) -tout naturellement de la partie- on notait la présence du Team Autrichien YART Yamaha (N°7), de HONDA FCC (N°5), du Honda Endurance Racing (N°111), d’April Moto avec sa Suzuki (N°50) et du Team Cottard avec la Suzuki N°76.

Vendredi, nous avons pu passer une grande partie de la journée avec les équipes présentes et, comme le disait Vincent Philippe (Suzuki N°2) : « Journée spéciale, journée maussade mais on aura eu des infos. »

Traduisez : Les conditions de piste avec des tâches de forte humidité du matin, puis du séchant, puis du sec avant une nouvelle averse, permirent effectivement aux techniciens (Dunlop en l’occurrence pour la Suzuki) d’engranger des données objectives (chronos, températures de fonctionnement, usure, déformation…) et subjectives comme le ressenti de chaque pilote.

Il faut bien dire que les tops teams au cours de ces essais privés travaillaient tous de la même façon, alors que chez Cottard et au Suzuki Junior, on en était plus à finaliser la définition même de la moto, pour valider tel ou tel choix technique.

 

Deux manufacturiers : une même méthode de travail

Edgard Nigon part tester les pneus

 

Fait intéressant, deux manufacturiers se trouvaient en lice : Bridgestone pour le YART et Honda FCC, Dunlop pour le SERT, Honda Endurance Racing, April Moto et les deux machines engagées en Superstock.

Pour les motos engagées en Formula EWC, les méthodes de travail étaient très similaires. En effet après chaque run, le pilote était longuement debriéfé par son équipe technique et par le technicien du manufacturier, alors que les données étaient déchargées sur ordinateur.

Nous avons observé à de nombreuses reprises ce type d’échange, à la suite desquels par choix concerté entre tous ces acteurs, la moto repartait avec une nouvelle monte pneumatique, jusqu’à ce que l’on arrête -d’un commun accord- une référence pour le pneu avant et une pour le pneu arrière, pour un type de piste (sec, pluie…).

Des avancées différentes selon les teams

Freddy Foray explique ses sensations

 

Il semblait vendredi matin que le Yart et Bridgestone n’avaient plus besoin d’informations pour définir leur monte pour le mouillé, puisque le manager nous déclarait « qu’il était inutile de rouler et qu’ils attendaient du sec. »

Pour l’autre team équipé en Bridgestone, Freddy Foray pilote sympathique et toujours disponible pour nous répondre, nous apportait les éclairages suivants.

« Bridgestone ont une histoire très importante en Moto GP, ils ont une très forte expérience aux 8 Heures de Suzuka et clairement, ils veulent s’imposer en endurance sur les courses de 24 heures. Ils ont déjà énormément progressé. Ces pneus sont très différents (plus rigides) de ce que j’ai pu connaître auparavant avec Dunlop. On sait que les Bridgestone sont extrêmement bons à température élevée mais la firme avait besoin de savoir quel était leur niveau dans des températures de 5 à 6 degrés sur la piste. Nous sommes donc allés faire une campagne d’essais au Japon. »

La Honda FFC N°5 est basée sur la version 2016, alors que celle du Honda Endurance Racing est conçue à partir du modèle 2017, alors comme le précise Freddy:

« Nous disposons d’une bonne base avec nos pneus, nous réalisons de bons chronos mais nous devons en obtenir de très bons. Nous avons passé un step ce matin sur le mouillé, nous espérons faire de même, maintenant, sur le sec. »

Freddy nous confirme la présence en Championnat, de Kenny son frère sur BMW :

« Ce sera la guerre fraternelle car comme je le dis souvent, en endurance ça n’est pas Kenny contre Freddy mais BMW contre Honda. »

 

Sébastien Gimbert, fidèle pilier chez HONDA.

 

L’autre Honda, justement parlons-en, avec Sébastien Gimbert, inamovible homme de base sur la N°111 du Honda Endurance Racing, où l’ont rejoint Gregory Leblanc et Erwan Nigon.

On connait les difficultés que cette équipe a rencontrées pour s’imposer au plus haut niveau, malgré les importants moyens déployés par l’usine au profit du team Anglais dans l’incapacité de les exploiter au mieux.

Sébastien, l’homme aux dix-huit participations et trois victoires aux 24 heures du Mans, conserve un indéfectible optimiste et toujours la même envie de gagner.

Tous les ans, on dit Honda Racing c’est l’épouvantail, ils ont les meilleurs pilotes une très bonne machine, ils vont gagner, et ça ne débouche pas.

Alors, Sébastien depuis combien d’années dit-on cela et pourquoi ?

« Je pense que c’est une erreur de dire ça comme ça, parce que la plupart des écuries ont énormément d’expérience alors l’épouvantail, oui et non. Ensuite, nous avons fait le pari d’arriver l’an dernier avec une moto toute nouvelle qu’il a fallu développer. Les techniciens ont travaillé dur pour revenir aujourd’hui sur le devant de la scène avec une très, très bonne moto. C’est vrai également qu’aujourd’hui nous avons un très bon équipage, l’équipe a de plus en plus d’expérience, ça se construit jour après jour,- le team de Dominique Méliand (SERT) ne s’est pas fait en un jour- et voilà. Je pense qu’il nous faut sans cesse progresser, ce que l’on a fait durant tout l’hiver. »

Vous avez travaillé sur le moteur essentiellement ?

«  Non, aujourd’hui l’endurance n’est plus celle que l’on a connu voici dix ans, en effet on attaque du début jusqu’à la fin, c’est une course sprint durant 24 heures. L’an passé on perdait du temps dans les stands, l’équipe apprenait à se connaitre. On n’était pas les plus rapides aux ravitaillements, parfois nous disposions de pièces, qui n’étaient pas forcément les meilleures. Aujourd’hui, nous arrivons à un équilibre de la moto, un équilibre du team et je pense que nous avons trouvé la bonne voie pour prendre sereinement le départ des prochaines 24 heures du Mans. On sait très bien que devant nous, nous avons des équipes, les meilleures du monde, il faut d’abord vouloir faire aussi bien, avant de vouloir faire mieux. Je suis très heureux de rouler avec Greg et Erwan et le but c’est d’amener cette Honda vers la plus haute marche du podium. »

Avec détermination, et méthode en prenant leur temps puisque sans pression quant au résultat immédiat, pilotes, ingénieurs et mécaniciens valident et revalident des pièces et complètent leurs connaissances quant aux Dunlop après des essais antérieurs à Mireval au-dessus de Sète.

 

Au YART ? On attend le sec…

 

Personne ne parle du GMT 94, mais tout le monde craint les Yamaha. La N°7 Autrichienne d’abord, qui semble ici se placer sans difficulté en haut de la feuille des temps (que personne ne communique mais que tout le monde essaie de noter même si, sur un tour ou deux cela n’a pas grande signification).

La N°94 ensuite, absente mais dont on sait que rien n’a été laissé au hasard cet hiver, pour confirmer l’excellente dynamique dans laquelle Christophe Guyot a su placer son équipe depuis des mois.

 

Ambiance studieuse au SERT.

 

Bien évidemment, nous sommes allés également à la rencontre du Suzuki Endurance Racing Team, où Dominique Méliand, n’était pas à la manœuvre durant cette seconde journée, après avoir supervisé la première.

Nous retrouvons la triplette de pilotes, très homogène en termes de performances et complice pour échanger les infos ou se concerter pour aller chercher la consécration pour leur nouvelle Suzuki.

En effet, si au Bol la machine sortait quasiment de la caisse, pour les 24 heures les choses sont différentes, comme le précise Dominique Hébrard en charge de la responsabilité du team.

Quels étaient les objectifs de ces essais et les informations que tu en retires ?

« Ecoute ce qui est pas mal, d’abord c’est qu’on est au Mans et qu’il fait sec, c’est déjà une chance! Après le Bol d’or nous avons roulé à Mireval avec des conditions sèches mais froides, donc pas très évidentes pour travailler. Ensuite, on a eu de la pluie essentiellement et nous avions un peu peur de ne pas pouvoir faire des essais sur le sec. Nous avons beaucoup d’évolutions à tester sur la moto par rapport aux problèmes qu’on avait rencontrés au Bol d’Or, qui normalement sont résolus maintenant. Par ailleurs, on travaille beaucoup avec Dunlop pour adapter au mieux la moto aux pneus qui nous sont proposés. »

Les gros soucis de vibrations sont derrière vous ?

« Oui, après, les choses sont encore un petit peu compliquées, dans le sens où nous n’avons disputé qu’une course de 24 heures. Au Bol, on a eu quand même pas mal de déboires (notamment le bris de chaîne) durant cette course, alors nous avons énormément travaillé avec Suzuki Japon et avec Yoshimura pour faire évoluer pas mal de pièces. Aujourd’hui, on est vraiment dans le dur, on n’est pas là pour faire des chronos, mais pour dégrossir. Ensuite, nous ferons des choix pour valider tout ça au Pré Mans. »

 

Étienne Masson au débriefing dans le stand du SERT.

 

Étienne Masson très à l’aise au sein du team confirme bien cette manière d’aborder ces essais privés lorsqu’il nous confie:

« Nous avons la nouvelle moto seulement depuis le Bol. On la découvre ici, en conditions sèches et sur un tracé très différent. On reprend le problème presque depuis zéro. En effet, nous avons bénéficié de beaucoup d’évolutions depuis le Bol d’Or. Il faut adapter la moto aux pneumatiques. Nous devons trouver le meilleur mariage entre notre moto qui a évolué et les pneus afin d’être les plus rapides possibles, sans prendre trop de risques. En effet c’est là un peu la clé de l’endurance, moins on force plus on peut rouler longtemps, tout en sécurité. On travaille pour en arriver là. »

Ayant passé en revue le Yart, le FCC, Le Honda Racing, le Sert, dont les problématiques étaient quasiment semblables avec des niveaux d’aboutissement sans doute un peu différents, laissant percevoir un avantage aux pneus Bridgestone, nous ne pouvons oublier de mentionner que le team April Moto revient en EWC avec Suzuki, après une année un peu galère sur Honda.

 

April Moto, à nouveau sur Suzuki

 

Effectivement, Marc Mothre nous confirme que Matthieu Lagrive, Grégory Fastré et Baptiste Guittet chevaucheront une GSX R 1000, pour laquelle toutes les pièces course ne sont pas encore montées.

Ce qui n’empêche pas pilotes et mécaniciens de dégrossir le travail de préparation et d’exploitation avec enthousiasme et bonne humeur.

En conclusion, le round suivant en vue de la préparation de ces 24 heures, aura lieu les 3 et 4 avril lors des journées pré-test. Ce sera l’occasion de balayer l’ensemble des forces en présence.

D’ores et déjà, on peut prédire que les 21 et 22 avril prochains, la course au sommet sera intense. Les protagonistes candidats à la victoire devront avoir intégré tous les paramètres qu’ils ont recueilli dans une synthèse, conciliant rapidité, sécurité et fiabilité.

Comme toujours à niveau technique abouti et égal, ce seront encore les hommes et la stratégie qui feront la différence.

Vous comprenez pourquoi nous adorons les courses de 24 heures.

 

Alain MONNOT

Photos :  Jeff THIRY Alain MONNOT – FIM 

 


Départ du dernier Bol d’Or sur la piste Varoise du PAU RICARD

 

FIM EWC