Voilà, je vais mettre des semaines à m’en remettre de ce week end à Malaucène, au pied du Ventoux.
Trop d’émotion, trop de grandiose, trop de souvenirs et pas assez de sommeil…
C’est un trial Classic, réservé aux motos anciennes, avec des zones tracées à l’ancienne, avec un interzone à travers une campagne qui est un paradis des yeux, avec des pilotes parfois anciens mais toujours pilotes, toujours enthousiastes, toujours champions, toujours sublimes et élégants…
Au fait, certaines photos prises au flash en sous bois peuvent faire croire que nous sommes de nuit, il fait 20 à l’ombre, 27 au soleil, alors que la France commence à voir tomber la neige…
Avec des journalistes toujours journalistes et en larmes, enfin au moins un (moi !).
350 pilotes au départ !
Du jamais vu sauf au Scottish des années 80 mais justement on y était aux années 80.
On fêtait ce week end le trentième anniversaire du premier titre mondial de Thierry Michaud, il avait invité ses potes, et ils ont couru, ensemble, avec les 350 autres.
Des champions du monde, Thierry Michaud, Gilles Burgat, Philippe Berlatier et Fred Michaud, Jordi Tarres, titré sept fois , Steve Saunders, onze fois champion d’Angleterre et quatre fois vainqueur du Scottish, Danilo Galeazzi, onze fois champion d’Italie, Jaime Subira, créateur et metteur au point des Fantic de trial, John Lampkin, le neveu de Martin, vice champion d’Angleterre, Charles Coutard, dix fois champion de France, Yrjö Vesterinen, triple champion du monde, Eric Lejeune, le frère d’Eddy.
Et les potes, Prato, dit « le peutit » (avec accent tonique sur « peu ») immense pilote, immense ami. Bernard Cordonnier, champion de Belgique, une sorte de crème humaine, Michel Traini, qui est venu rouler malgré une main ouverte avec un cicatrice façon guerre de tranchées…
Dans certaines zones, c’était l’ambiance des mondiaux des années 80 avec le public qui cavalait après tel ou tel pilote…
Du revival en plein happening !
Au contraire de ce qu’a écrit Simone Signoret, pour nous, la nostalgie est toujours ce qu’elle était…
Certes, autour de nous, et c’est la même chose partout sur notre planète terre, le monde qui se dit nouveau mais qui recule en fait de quatre cents ans se gave de haine, les connards de ce 21ème siècle préparent la guerre, on se tuera bientôt pour un sourire !
Mais à Malaucène, étaient au pouvoir la douceur et la joie de vivre, les vannes tout le temps, l’humour, le goût du beau geste, l’élégance, les motos préparées comme des bijoux, la vraie amitié, même si dans les zones on s’affrontait sévère, bref la vraie vie, la nôtre, l’authenticité, l’expertise technique aussi, et surtout notre ciment énorme, la complicité.
Et ceci s’est passé entre nous (enfin surtout eux, les pilotes de l’époque, moi j’étais seulement le récitant…) qui avons fait la légende du siècle, mais aussi au sein de tous les teams venus là par envie du grand frisson.
Un énorme moment de bonheur absolu, malgré des crampes abominables dans les jambes, pour ceux qui couraient et pour ceux qui crapahutaient dans la montagne pour aller les voir courir !
Enorme bravo à Pascal Malleval et ses potes, les traceurs, qui ont fait un boulot de folie, on a roulé dans des décors de cinéma, des carrières de sable où les arbres ont repoussé, façon Bryce Canyon aux USA, des formes de rochers que l’on dirait modelées par des géants, une couleur ocre du sol, teinte dite « le Colorado du Roussillon », une organisation sans failles.
Les pilotes anglais ?
Bluffés !
Les Catalans, venus en masse ?
Incroyablement heureux.
Les Italiens, ravis de fêter aussi la marque Fantic sur laquelle Thierry a été trois fois titré en mondial, ce qui ne les empêche pas de courir qui sur une Guzzi (de trial !), qui sur une « Zvoum », ça c’est la SWM, le V en italien se prononce « vou ».
Dans les zones, Saunders, un des dieux de nos grandes années, roulait en disant au passage, en français, « Merci Monsieur » aux commissaires de pointage…
Jamais entendu ça de ma vie, il faut être anglais !
Et pourtant, Saunders, un de mes héros, je l’ai suivi dans des centaines de zones, c’était il ya trente ans, c’était hier…
John Lampkin qui, comme toute sa famille du Yorkshire, a l’air d’un ogre sur son Fantic, qui va bouffer toute la montagne et qui, au contraire, escalade les zones dans une élégance totale et est un vrai et parfait « gentleman » quand il descend de moto…
Et puis, dans le genre émotion, la relève roulait aussi.
Le fils de Philippe Berlatier et Anna, la fille de Vesterinen, qui a le même port, le même regard que son père quand elle reconnaît les zones à pied, et quand elle roule dans une concentration totale.
Et cela encore ne se trouve pas que chez les stars, dans certains teams, le trial du Ventoux se court par équipes de trois, on trouvait le père et le fils…
On ajoute une météo de feu, un ciel d’une pureté totale, le Ventoux comme l’auraient peint un Cézanne, un Manet, un Renoir.
On court à Malaucène comme partout en « anciennes », chaque zone est proposée en trois parcours différents, le jaune, le plus facile, le bleu, idéal pour les machines très anciennes, dites « pré soixante cinq », le rouge pour ceux qui n’ont pas perdu la main dont un énorme paquet de jeunes pilotes qui se marrent plus qu’en trial moderne.
Et bien sûr les champions !
En rouge, l’équipe formée par Philippe Berlatier, Jordi Tarres, Steve Saunders, dénommée TRS (c’est le nom d’une moto de trial moderne créée par Tarres et importée par Philippe) et roulant à Malaucène sur des motos d’époque prêtées par des collectionneurs, a gagné.
A titre individuel, le meilleur a été Tarres après une lutte de deux jours avec ses team mates (il a du poser six pieds sur au total 35 zones, et costauds les zones…)
Berlatier est second à titre individuel (je sais, le VTC se court par équipes mais moi aussi je suis un peu à l’ancienne…), Saunders est trois.
Genre de team de killers !
Et très international, un multiple champion du monde français (par équipes), un multiple champion du monde catalan, un multiple champion d’Angleterre.
A signaler la très belle perf de Fred Michaux, cinquième en individuel, de Burgat septième.
En bleu, victoire du team Ventoux Grosseaux, avec Borrelly, Pourquier, Ranc, encore des tueurs !
Vesterinen, Coutard et Lejeune sont quatrièmes, Yrjö courait sur une Triumph Cub, Charles sur la Greeves de son père, Eric sur une incroyable Honda 175 bicylindre qui devait prendre 10 000 tours et qui est, comme pour Charles, la moto de son père!
Pas vraiment les motos sur lesquelles ils couraient dans les années 80 mais c’était un pari de copains…
Joël Corroy (Trail 70, Vesoul, le créateur de la JCM !) devait initialement être de la partie mais il a été empêché.
En jaune, victoire du team Lasonil, avec Baldan, Dal Bello et Dughera.
Le samedi soir, Thierry Michaud a monté, diapositives et invités à la clé, l’histoire de sa carrière chez Fantic, dont le patron de l’époque, « dottore » Agrati était présent !
Il a bossé comme un dingue avec Thierry Aubert, le président du club Provence Trial Classic pour cette présentation, devant deux cents personnes, émotion totale.
J’ai eu ma part, à l’époque, à l’occasion du trial de La Gaude, gagné par Thierry, j’avais titré dans Moto Revue « La Gaude : Michaud », qui est resté un grand classique de nos souvenirs…
Je ne dis pas la deuxième partie du titre, à l’époque on écrivait comme on vivait, librement, aujourd’hui, on te tue pour un jeu de mots…
Il est vrai que j’ai un rapport particulier avec les frères Michaud, j’ai assisté à l’éclosion de Thierry tout garçonnet qui venait accompagner avec sa TY son grand frère sur les essais comparatifs de Moto Verte à La Ciotat.
Formidable soirée, les copains de l’époque avaient les larmes aux yeux.
En fin de présentation, la femme et les filles de Thierry sont montées sur le podium pour lui faire des déclarations d’amour.
P… quelle destinée !
Et le lendemain on a remis ça dans la compète, avec toujours les mêmes attitudes, Subira qui fonçait le premier, souvenir des championnats du monde perdus par certains pilotes pour arrivée au-delà de l’heure limite…
Charles Coutard, toujours le pilote le plus élégant du monde.
Philipe Berlatier, énorme guerrier.
Gilles Burgat redoutablement efficace.
Saunders, Lampkin, Tarres véritables danseurs des zones.
Et dans certaines zones, tellement de spectateurs que l’on devait se battre pour voir les pilotes évoluer.
En fait, tout le monde a rajeuni de trente ans le temps d’un week end.
Aucun médecin, chirurgien ou plasticien miracle n’est capable de cela.
Aucun politicien (à part les maires des communes traversées, merci à eux) ne peut même imaginer comment donner autant de bonheur total aux gens.
Sportifs et simples curieux, ancien s ou carrément juniors, dans les parkings de certaines zones, il y avait affluence de motos de route, une concentration de Ducati a même chois Malaucène comme point de rendez vous.
Voilà, cet endroit est connu du monde entier pour la montée du Mont Ventoux à vélo, qui se fait au Tour de France mais aussi chaque jour par des particuliers, et son trial Classic est en train de suivre le même chemin.
Bravo au Club PTC, Provence Trial Classic, à son inépuisable président Thierry Aubert.
Bravo à des gens comme Jean Caillou, collectionneur acharné et supra expert de la pièce authentique, qui possède une des Honda d’usine d’Eddy Lejeune (il a aussi ses fringues, dont un tee shirt avec le nom du pilote en Japonais pour les trials indoors courus là-bas…), il est contrôleur aérien, il s’est cogné 1200 bornes AR pour aller faire le commissaire dans une zone !
Son meilleur poste Olivier Barjon, avec qui il chine et court en l’Angleterre toute l’année (nirvana des collectionneurs !), collectionneur lui-même venu en train de Reims pour être un peu le réceptif VIP des champions présents.
Il s’est occupé par exemple de cette corvée qu’est le contrôle technique, comme les motos roulent sur routes ouvertes par endroits, la réglementation est impitoyable, ce qui n’était pas le cas dans les grandes années.
L’essence, la bouffe (on fait trois boucles par jour qui passent toutes devant un point restauration, mais les trialistes n’ont pas le temps de faire la queue…), Olivier a été une sorte de Monsieur Tapis Rouge, il les connaît tous, et il fait ça aussi très bien.
Non vraiment les mecs, j’ai passé ma p… de vue de journaleux à être épaté, ce qui tombe bien, j’ai fait ce job pour ça, mais là, moi qui suis totalement athée, je suis en extase, au septième ciel !
« Toi le Ventoux qui sans façon, m’a donné quatre mille frissons… »
Si Brassens avait connu Malaucène, sa célèbre montagne, ses champions et ses addicts du trial Classic, sa chanson la plus célèbre aurait pu commencer comme ça…
Merci à cette vie-là !
Résultats complets sur http://www.ventoux-trial-classic.com/