MOTOGP 2014 : GP DE FRANCE AU MANS, LE SECRET C’EST LE PLAISIR…

 

Un de mes amis, probablement le plus grand des pilotes français de l’histoire de la moto, me disait au Mans que quand on se pose la moindre question, quand le cerveau bouillonne de revanche, de haine, même si on a le talent de rouler vite, on ne peut plus jouer la gagne. Qu’il ne comprenait pas que Rossi, milliardaire, héros national, star internationale, n’ayant plus rien à prouver, continue de risquer sa vie pour se battre en paquet en début de GP avec des pilotes qui n’ont pas un iota de son talent, et soit par ailleurs le seul qui puisse en ce moment tenter de contrer cet ouragan qu’est Marquez… Incompréhensible, sauf par le plaisir. Le tout façon « commedia dell’arte » en mimant les scènes de désolation chez Pedrosa et Lorenzo, les deux pilotes obsédés par Marquez et donc figés, entravés, incapables de rouler pour la gagne. Grand moment.

Les phrases dites par les pilotes après le GP vont carrément dans ce sens…

 

JORGE LORENZO: LE PLAISIR,JAMAIS MÊME QUAND JE GAGNAIS!

 

Avec 80 points de retard au classement général du MotoGP 2014, et tous ses adversaires devant lui,  il est dans un tunnel sans fin.

« Le plaisir à moto, jamais, même quand je gagnais. En tous cas pas le type de plaisir que j’ai quand je sors avec mes amis, quand on va au ciné etc… Des problèmes, j’en ai déjà eu, en 2003, en 125, sur la Derbi, je n’étais même pas dans les points et puis, au Brésil, j’ai gagné… je sais que pour le titre c’est foutu, je pense juste à améliorer. Pendant le GP de France, je ne réussissais pas à piloter, peut-être à cause de la chaleur. A l’avant, ça poussait et à l’arrière je n’avais pas de grip. Je pensais pouvoir me bagarrer avec Marquez, j’ai au moins fait un progrès, je l’ai pris jusqu’au warm up, mais après, impossible de rouler. Je dois m’adapter aux nouveaux pneumatqiues, Valentino le fait bien, lui. Quand tu es bien sur la moto, comme Marquez, tout va bien, pour moi c’est le contraire ».

 

PEDROSA : PAS DE GRIP, NI A L’AVANT NI A L’ARRIERE…

 

Lui aussi est sorti moral à zéro de ce GP.

« Aucune adhérence, ni devant ni derrière. J’avais la sensation de piloter sur l’eau. Franchement, je ne peux pas dire que je me suis amusé aujourd’hui. C’était impossible, en pilotant de cette façon. J’étais épuisé, c’est ce qui arrive quand tu dois te battre avec la moto pendant toute la course. Physiquement, 28 tours incroyablement durs et sans aucune possibilité d’attaquer… »

 

MARC MARQUEZ : « JAMAIS A 100% »

 

MOTO GP 2014 - GP de FRANCE  - au Mans 18 Mai - Le vainqueur Marc MARQUEZ

 

Je le surnomme « Marc the Bike » depuis qu’il est devenu le plus jeune pilote à gagner cinq GP d’affilée, battant « Mike the Bike » Hailwood, et ce qu’il dit est un missile dans le camp des autres…

« Cette saison, je  n‘ai jamais été à 100% du début à la fin d’un GP, dans aucune des cinq courses déjà courues. L’an dernier en revanche, oui, c’est arrivé. On peut avoir l’impression que c’est facile mais nous bossons comme des malades pour obtenir ces résultats. Pour le GP de France, j’ai pris les premiers tours  un peu par-dessus la jambe, j’étais trop relax, et du coup quand Lorenzo m’a passé il m’a jeté hors de la trajo…  Après, j’ai vu que Valentino était en tête et ma seule pensée a été d’aller le chercher. En fait, j’ai adoré cette course, j’ai dépassé plein de pilotes et je pensais que Rossi vendrait sa peau très cher. Il a fait une erreur et je suis passé tout de suite. Cela dit, ça ne sera pas toujours comme ça, l’an dernier, au Mugello et à Barcelone, je me suis épuisé alors que Jorge et Valentino étaient au top. Au Mugello, Valentino arrivera complètement rajeuni.  Pour Lorenzo, je ne sais pas ce qui lui arrive. Ce que je crois c’est que pour gagner, il faut t’amuser sur la moto, comme le fait Valentino. Quand Jorge va retrouver le plaisir, il reviendra vite devant ! »

 

ROSSI : FINIR DERRIERE MARQUEZ EST ACCEPTABLE !

MOTO GP 2014 - GP de FRANCE au MANS  - VALENTINO ROSSI

 

Valentino préfère voir le verre à moitié plein que le verre à moitié vide…

« Pour moi, finir derrière Marquez est acceptable. Je sors de trois années pendant lesquelles je me suis épuisé, je n’étais pas satisfait. En revanche, maintenant je m’amuse et je pilote bien. Bon, être second n’a pas le parfum de la victoire, mais en ce moment, face à un Marquez qui a un pilotage de folie, je me sens plus tranquille. Marc  me rappelle ma jeunesse, mais il est encore meilleur. On comprend qu’il en a encore sous le pied, il suffit de regarder comment il est parti dans le GP de France, il sait exactement gérer la course. J’ai fait ça aussi. J’aurais adoré l’affronter quand j’avais son âge. Mais à vrai dire, je me sens plus fort qu’à 22 ans, je suis en forme, j’ai amélioré mon pilotage. C’est mon 150ème podium et je suis encore rapide. Au GP de France, j’ai fait une seule erreur mais au moment crucial. Au début, j’ai tout fait à la perfection, le dépassement de Bradl, de Dovizioso, j’ai ensuite mis du gaz pour avoir un peu de marge mais j’étais vraiment limite. Quand j’ai ralenti, Marquez est arrivé. Je me suis loupé au freinage. Sans cela, on se serait amusés beaucoup plus longtemps, dommage !  Bon, Honda est encore au-dessus de notre Yamaha, en ce qui concerne le freinage, et la position en courbe, ils ont aussi une électronique supérieure et du coup une meilleure accélération en sortie de courbe. On s’améliore mais c’est plus ou moins réussi en fonction des circuits. Le Mugello, ce sera même une question d’honneur et ça arrive au bon moment. Lorenzo y a gagné les trois dernières années, donc la M1 est performante. C’est maintenant qu’il faut arrêter la bande des Espagnols… Pour Jorge, il a fait l’an dernier ses plus belles courses, tout ce qu’il veut c’est gagner, il est frustré et ça lui rend les choses plus difficiles. »  

 

Quand on lui demande si du coup, Lorenzo pourrait quitter Yamaha,  comme lui, Rossi l’a fait, il répond qu’il s’est trompé, qu’il avait mal vécu l’arrivée de Lorenzo, qu’il pensait que Yamaha devait lui être reconnaissant à vie.

Ils lui auraient donné le meilleur matériel et il a pris la mauvaise décision.

Il espère que Lorenzo restera…

Formidable, Rossi se sent tellement bien qu’il en devient généreux…

Bon, ne jamais oublier qu’un bon pilote est toujours un peu de mauvaise foi.

Il faut lire ces interviews à la lumière de ce postulat.

Mais même en triant, il reste que mon ami pilote a incroyablement raison, on ne gagne que quand on n’a que ça en tête, le plaisir.

 

JEAN LOUIS BERNARDELLI

PHOTOS TEAMS, MOTOGP, THIERRY COULIBALY

 

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