En ce samedi matin sur les bords des routes, dans les parkings, des têtes hirsutes émergent des tentes ou sortent des camping-cars, la température est fraîche, le soleil semble vouloir dévorer une petite brume et va dissiper une humidité ruisselante sur les vitres des voitures.
Dans les teams les mécaniciens effectuent les ultimes vérifications. Sur la piste les anciennes gloires des grands prix s’entre déchirent en piste comme à la belle époque. Les courses d’encadrement des 24 heures vont se succéder dans la matinée tout en laissant une plage de 45 minutes pour le warm-up de la dernière course de la saison du championnat du monde d’endurance.
Il s’agira pour les 56 équipages autorisés à prendre le départ de contrôler, une dernière et ultime fois avant le baisser du drapeau à 15 heures, le fonctionnement de la moto en configuration course.
En premier lieu, il est un point qui reste à confirmer et qui mérite toute les attentions. En effet la consommation est souvent un paramètre déterminant quant à la stratégie de course. Les paramètres de température et d’humidité ont une incidence sur la combustion, mais le pilotage spécifique de chacun des équipiers peut entraîner des écarts.
Ainsi, il convient de maîtriser au mieux tous ces éléments et nous avons constaté avec quel soin les préposés à cette question au sein du SERT, tenait à fournir au boss des chiffres fiables pour établir sa stratégie.
Lors du warm up, on va confirmer la consommation au tour pour chacun des pilotes et tester avec une précision au centilitre le moment ou le témoin rouge indiquera qu’il ne reste plus qu’un tour de carburant dans le réservoir. On se borde ainsi totalement de toute mauvaise surprise.
Les festivités d’avant départ se déroulent face à un public nombreux et enthousiaste.
Le départ intervient sous un franc soleil.
Une empoignade sévère oppose Greg LEBLANC et Vincent PHILIPPE pour prendre le commandement. Le pilote SUZUKI s’imposait en passant dans un trou de souris, mais les choses n’allaient pas longtemps demeurer en l’état. En effet, après 15 minutes de course Vincent PHILIPPE perdait l’avant et rentrait au stand.
La YAMAHA N° 94 chutait également par deux fois et d’autres chutes s’égrenait dans cette première de course. On s’interrogeait sur les causes de ces incidents de course un peu anormaux. Sans doute la température de piste était-elle très supérieure à celle connue tout au long de la semaine et les gommes ont-elles mal apprécié ces différences et les conséquences, on va le voir, furent plus qu’importantes.
Chez SUZUKI, sans doute par excès de précipitation, on renvoie la N° 1 en piste qui revient bientôt au stand. Le carter moteur est fêlé. Une réparation à froid est entreprise et comme il faut attendre 10 minutes pour que la soudure prenne. Après un relais assuré par Julien DA COSTA, celui-ci indique avant de descendre de machine que le moteur chauffe.
La moto rentrée dans le stand, les mécaniciens tentent de juguler le problème. Ils ne débutent pas par un changement de radiateur, mais devront bientôt s’y résoudre.
Les minutes s’écoulent inexorablement et tout le monde s’interroge à ce moment là, si l’agonie ne va se poursuivre longtemps encore, sans doute.
La YAMAHA N° 94 ne subissait pas les mêmes dommages et pouvait à nouveau dérouler son programme initial qui avait été prévu pour viser la plus haute marche.
Mais d’autres prétendants pouvaient alors avancer paisiblement leurs pions. Au premier rang de ceux-ci, bien entendu, la KAWASAKI N° 11 tournait en tête et Gilles STAFLER se montrait très prudent quant à une suprématie qu’il sait plus que tous souvent aléatoire.
Après trois heures de course la Kawasaki semble bien tenir la situation en mains. Derrière, talonnent à un tour deux motos très régulières qui n’ont pas focalisé sur elles l’attention au cours des divers essais mais qui semblent bien avoir adopté les vertus de l’endurance: ne pas vouloir absolument réaliser des temps , mais tourner selon un tableau de marche calé sur un pilotage secure pour chacun des coéquipiers.
La BMW N° 99, et la HONDA N° 77 ne tentent pas d’aller reprendre le tour qui les sépare de la KAWA. Par ailleurs il semble bien que la BMW ait misé également sur « des économies d’énergie » pour gagner 2 ou 3 ravitaillements par rapport à la concurrence.
Alors sur le coup de 19 heures, une chute de Fabien FORET fait rétrograder sérieusement la KAWASAKI . Les cartes semblent quelque peu redistribuées et l’on voir réapparaitre la YAMAHA du YART en troisième position derrière la BMW et la HONDA.
Dans cette première partie de course tout public un peu attentif aura remarqué une belle prestation de la SUZUKI N° 2 du Team R2CL.
Nous rencontrons Raphael CHAUSSE, magasinier à la ville et manager à la piste. Lui aussi est un passionné, un fidèle à SUZUKI et un inconditionnel de l’endurance depuis 2009.
Avec une base à Sartrouville, une bande de copains et une belle brochette de pilotes: Guy MARTIN star du TT et déjà présent au Mans en 2007; Gwen GIABBANI étoile de l’endurance depuis des années et Dylan BUISSON 6 Bol d’or et 24 heures, et une organisation hors pair, le team flirte avec le podium.
Le manager nous précise ses intentions:
» Nous roulons selon notre rythme de croisière. Nous allons attendre, que les choses se décantent. En tout cas notre objectif est de prendre de gros points. »
Précisons qu’avant cette épreuve la N° 2 occupe une cinquième place au championnat du monde.
La nuit est doucement tombée mais la température n’a pas encore vraiment baissé. Les commissaires veillent scrupuleusement sur les allumages des phares et feux rouges, le balai des filés lumineux est entamé.
Les positions sont loin d’être figées en tête, même si la BMW semble bien tenir son rôle de leader avec environ 2 tours d’avance sur la YAMAHA du YART et la SUZUKI N° 2.
Soudain à 20h 40, un coup de tonnerre retentit !
5 machines s’empilent sur la HONDA N° 77 qui tape avant le virage du musée. Dans ce carton sévère, nous décomptons la SUZUKI N° 411 la KAWASAKI N° 66, la KAWASAKI N° 24 et la KAWASAKI N° 46.
Une nouvelle voiture de sécurité est à nouveau lancée en piste.
C’est alors le moment de revenir sur la descente aux enfers de la SUZUKI N°1.
Après la chute et les conséquences déjà énoncées, ce qui devait arriver, arriva. Pour maintenir en vie, la bête blessée, au SERT, on n’eut d’autre alternative que de changer le joint de culasse !
Pourtant, il est sans doute impossible de penser que le SERT puisse encore accrocher une 13 ème couronne mondiale. Des conditions précises seraient requises pour ce miracle, à savoir que la YART soit au pire 8ème et que la YAMAHA GMT 94, soit, elle au pire 4 ème….
Autrement dit, demander … l’impossible !
Il est tout aussi impossible de passer sous silence la bagarre, tout aussi féroce qui oppose les teams engagés en catégorie Superstock.
A ce sujet, nous faisons le point avec l’ancien multi Champion du monde d’endurance, Hervé MOINEAU, team manager de la SUZUKI de Motors Events, la N° 50:
« Tu as vu des candidats sérieux à la victoire comme la N° 72 du Junior team, la Penz N° 13, la Louit Motos N° 33 ou encore la Synergie Force N° 3, ont connu des problèmes; Pour ce qui nous concerne, le tableau de marche est respecté. Nous avons juste connu un léger souci par excès de précaution à propos du ravitaillement. les pneus passent bien . Les pilotes sont concentrés et de donnent pas le maximum. Ils seront en capacité de porter l’épée en cas de besoin si un concurrent revenait sur nos talons en cas de souci ou d’incident. »
La concurrence en Superstock, a donc un peu changé de camp avec comme nouveaux interlocuteurs: la YAMAHA G Sports, N°9 et la SUZUKI Atomic Motos, N° 68.
La YAMAHA N° 94 semblait quant à elle, un peu maudite, aussi. Le support de couronne arrière se montrait défaillant. Le changement était rapidement effectué mais on voyait le podium un peu s’éloigner, d’autant plus d’ailleurs que la KAWASAKI N° 11, ne se privait pas d’aligner des chronos très réguliers.
A minuit les dix premiers étaient dans l’ordre:
1 – BMW N° 99 avec 299 tours
2- KAWASAKI N° 11, à 2 tours
3- YAMAHA N° 7, à 2 tours
4- SUZUKI N° 2, à 4 tours
5- YAMAHA N° 94, à 4 tours
6- SUZUKI N° 50, à 6 tours et premier en Superstock
7- KAWASAKI N° 18, à 7 tours
8- HONDA N° 55, à 7 tours
9- YAMAHA N° 14, à 8 tours
10- YAMAHA N° 9, à tours et second en Superstock
On ne peut s’empêcher de penser que la course est loin d’être jouée car le rythme des uns et des autres varie notamment avec un pilote par équipe, un ton en dessous des autres, sauf sur la YAMAHA 94, très attirée par le podium.
Pourtant un petit tour par les stands vers 1h 30 du matin, nous permet d’apporter un point de vue visuel de l’état d’esprit qui règne dans les teams.
Chez BMW, c’est apparemment le calme plat, on semble réciter une leçon de manière sereine. Chez KAWASAKI, tout espoir de victoire n’est pas envolé, on a le sourire même et l’on pense avoir une belle carte à jouer avec une machine dont on semble assuré de sa fiabilité.
Chez YART, Ludo chef mécanicien, confie bien simplement se caler sur la YAM 94 pour ajuster la cadence et attendre le lever du jour pour savoir ce qu’il conviendrait de faire éventuellement pour décrocher le titre mondial.
Chez SUZUKI, on croise les doigts en sachant que les choses dépendent plus des aléas éventuels de et de la N° 7 et de la N° 94 que des temps au tour de ses pilotes.
Oui, on vous confirme chers lecteurs que cette course tient toutes les promesses que nous vous avions laissé entrevoir, et croyez-nous, la course est loin d’être jouée.
Alain MONNOT
Photos: Gilles VITRY et Thierry COULIBALY