BABY BOOMER’S ADVENTURE, LES COPAINS D’ABORD…

 

Une virée sportive entre copains…  et encore beaucoup plus que cela, une histoire d’autos qui ont une âme et d’équipages qui ont mille vies… 3000 KM en 9 jours, sur des voitures d’avant 1990, avec un road-book à l’ancienne, des décors absolument fabuleux car le tracé est d’abord choisi en fonction de cela, il est choisi par des connaisseurs de la piste dans ce pays absolument sublime qu’est le Maroc, avec pour base la convivialité et le plaisir, on est dans un registre peu connu des sports mécaniques et du voyage, l’hédonisme.

 

UN CONCEPT ?

YANN DUFFILLOT

YANN DUFFILLOT

 

Yann Duffillot, créateur de l’évènement, a travaillé dans le voyage toute sa vie, il aussi fait trois fois le Dakar en 1982, 1984 et 1986, il y a rencontré Claude Mareau, qui a gagné l’épreuve avec son frère en 82 et aujourd’hui, le vainqueur du Paris Dakar suit toujours ce Baby Boomer’s  Adventure au volant soit de sa R20 soit de sa 4L, véhicules qui ont fait de la fratrie Marreau des stars du Rallye-Raid.

 

CLAUDE MARREAU

CLAUDE MARREAU

 

En fait, l’idée initiale est peut-être venue des jeunes du 4L Trophy, qui partent par milliers à la découverte d’eux-mêmes dans le désert (et la tête dans les moteurs !).

Le succès de cette épreuve a fait penser à Yann et à quelques potes, que … pourquoi pas eux, les anciens du Dakar et autres accros de voyage sportif.

Le 4L Trophy est affaire de volonté et d’envie, cela ressemble aux premiers Dakar de Sabine. Et c’est aussi ce que veulent retrouver les baby boomers… Aujourd’hui, impossible de réunir, pour un privé, les budgets colossaux nécessaires aux seules ambitions d’une participation au Dakar pour le fun.

Donc le choix des autos, plus pour leur âme que leur performances sportives, permet de participer à ce Dakar Revival, très justement baptisé du nom de la génération qui a créé cette histoire, cette légende même, avec des budgets raisonnables, de la mécanique à faire soi-même (l’organisation a quand même deux mécanos dédiés…) et des chronos qui sont pour chacun ce qu’il a envie de faire, allumer, flâner, s’exclamer quarante fois dans la journée que c’est superbe, s’éblouir, s’épater, se donner uniquement du plaisir…

On est donc loin de la procession commerciale que l’ex-évènement de Thierry Sabine est devenu !

Mon ami Arnaud Delmas-Marsalet avait envie de vivre l’expérience, moi aussi, et c’est parti, de Bordeaux…

 

LA LONGUE MARCHE…

 

C’était un temps où avant le grand frisson de l’aventure, on traversait la France en plein hiver depuis le Trocadéro jusqu’à la Méditerranée, longue approche, très longue, vers l’inconnu du grand sud.

Puis, il fallait traverser le « Mare Nostrum » des Romains, débarquer en Afrique du Nord, perdre des heures à passer des douanes plus obtuses  que l’Inquisition du Moyen-Âge, puis recommencer la longue route vers les premiers signes désertiques, si loin de ces côtes bordées d’orangers et figuiers de Barbarie en fleurs !

Bref, le désert se méritait avec une route d’approche longue comme un jour sans pain et des signes précurseurs de l’arrivée du rêve.

Le Baby Boomer’s Adventure reprend cette idée là, le départ est donné de Tanger mais les concurrents font route de conserve, comme on dit dans la marine, à partir de quelques points en Europe.

J’ai choisi Bordeaux, où m’attendait donc mon fidèle complice Arnaud,  avec son « drom », un Toyota préparé comme un  bijou aux couleurs de son magasin de Périgueux, « La Compagnie Saharienne », où il vend et prépare Toyota, Range Rover, Land et motos BMW…

Un artiste du désert et un artisan de génie.

L’idée est de descendre toute l’Espagne jusqu’à « Gib », le rocher de Gibraltar, et la ville de Tariffa qui est à côté.

Puis une toute petite traversée vers Tanger, la ville de tant de films, de mystères et de trafics, et à l’arrivée le pèlerinage à l’hôtel Menza, où Keith Richards et Anita Palenberg firent trembler les murs de leur amour coupable naissant…

Retrouver les Stones avant de plonger vers le Grand Sud, voilà de quoi fantasmer…

Bien sûr, chose que je fais à maintenant  depuis des dizaines d’années, j’aurais pu rejoindre le rallye en avion, passer en deux heures du froid incroyable qui règne sur la France aux 52 degrés qu’il doit faire dans la journée à Erfoud, porte du Sahara.

 

 

Mais j’avais envie de voyage initiatique, j’ai donc rejoint ceux des concurrents et organisateurs qui partaient de Bordeaux, c’est un peu comme le Monte Carlo d’antan, on fait des parcours de concentration depuis partout en Europe avant d’attaquer les choses sérieuses.

1400 bornes pour aller de Bordeaux à Tariffa, par l’autoroute donc mais pas par n’importe quel chemin.

On le verra, on peut donc, malgré l’autoroute et ses radars, ses bistrots nases et ses distances interminables voyager tout le temps, tout au long de cette longue marche d’approche, découvrir des trucs incroyables, se souvenir d’autres belles histoires, un peu en fait l’équivalent de ce que l’on peut vivre en traversant les USA par la Route 66, à 90 km/heure, avec un souvenir inoubliable à chaque heure du jour à condition d’être curieux.

En fait, le génie de cette génération baby boom est là, la curiosité.

Et on s’en donne à foison !

Carnet de bord… très résumé !

D’abord les Landes, couvertes d’ajoncs qui émergent d’une terre noire, que je suppose acide, qui ressemble à s’y méprendre à la taïga russe du Silk Way Rally où nous irons en juillet, et où les pins pleuvent comme des petits pains…

Arrivent au loin les formidables Pyrénées, les panneaux sont peu à peu écrits en Français et en Basque, cette langue incompréhensible paraît-il proche de ce que l’on parle dans les pays baltes et finnois…

On est déjà très loin là…

Car ces Basques ont découvert l’Amérique bien avant Christophe Colomb, et en ont conquis les cœurs avec leur Jaï Alaï, la pelote  célèbre dans tout le sud des USA…

On traverse la frontière franco-espagnole côté atlantique et on reste un bon moment avec les Basques…

C’est chez eux que l’on découvre  un truc jamais vu…

L’autoroute est tellement sportive qu’elle fait deux épingles !

Oui, des épingles sur autoroute, ça laisse rêveur…

Et c’est loin d’être fini…

Viennent à chaque col des forêts d’éoliennes, chacun son truc moi je trouve leur mouvement très élégant.

Suggestif même…

On décide, on l’a d’ailleurs expliqué à un chauffeur de car, qui emmenait des Français au Maroc, qu’il faut éviter Madrid, sinistre dans ses banlieues, encombrée comme un intestin de touriste ayant chopé le féminin du mot…

On tire vers le Portugal, et on passe par Valladolid, célèbre pour sa controverse, où Las Cases défendait la cause des Indiens, sa thèse étant qu’ils avaient une âme, qu’ils étaient donc des humains qu’il fallait respecter, Sepulveda affirmant mordicus le contraire devant le légat du pape.

C’est que l’on était arrivé au pire génocide de l’histoire de l’humanité, cent millions de morts en cent ans après l’arrivée de Colomb aux Amériques.

Las Cases a gagné et l’on a (au moins en théorie) proscrit le massacre d’êtres humains.

Las Cases a aujourd’hui une toute petite rue à Paris, Sepulveda a un boulevard à Los Angeles large comme le périf parisien et long de plusieurs kilomètres…

Passe donc Valladolid…

Voici venir sur l’horizon, dans un ciel d’une incroyable violence, une nouvelle chaîne de montagne, la Sierra de Gredos, haute de 3000 mètres, le col passe à deux mille, à la limite de la neige…

Dans la descente apparaissent les oliviers.

On double les camions du HRC qui emmènent le matériel et les motos de Marquez et Pedrosa à Jerez de la Frontera, à l’extrême sud du pays.

Dépasser plus de quinze millions de dollars, c’est pas tous les jours !

Quand je te dis lecteur, que quand tu veux être curieux et que tu es avec des gens de qualité, le temps ne compte plus..

Petite pause à Merida et c’est reparti…

Quatre cent bornes au programme, on entre dans cette région qui tire son nom, Al Andalus, d’une langue et d’une civilisation arabes qui en ont fait sa richesse, on sort d ‘ailleurs de l’autoroute, alors qu’il y a un bateau à ne pas rater, mais oublier l’Alcazar de Seville serait une honte…

 

SEVILLE

SEVILLE

 

En plus, la ville est d’une élégance absolue, une sorte de décor de cinoche pour Zorro…

En revanche, pas vu le fameux barbier…

Un stop sur une aire de l’autoroute parce que L’Alfetta des Rodriguez est arrêtée.

Collecteur d’échappement cassé, on répare avec une canette de Coca serrée par deux colliers…

Et oui, quand on a fréquenté les pistes africaines, on ne se laisse pas arrêter comme ça !

 

ALFA ROMEO "COCA"

ALFA ROMEO « COCA »

 

C’est donc reparti, on passe Jerez de la Frontera, où se déroulera le MotoGP ce week-end, on voit au loin des villages dont les façades ouest sont peintes en blanc éclatant, on sent qu’ici, en été, le cagnard doit cogner…

Apparaissent à l’horizon, avant que l’on voit la mer, les grues géantes du port  d’Algésiras et vision étonnante, l’énorme rocher de Gibraltar… vu de l’arrière, forcément puisque l’on arrive par la terre…

Bateau, depuis le petit port de Tariffa, direction Tanger, à peine une heure de traversée…

On parle avec un concurrent incroyable, ils le sont tous d’ailleurs…

Amedeo est italien, il a 75 ans, sa 4L est un bijou, elle est comme neuve, avec rampes de phares sur le toit, tripmaster près du volant car il voyage seul, en « ironman », les pelles et les plaques de désensablage, les mâts de tente… destinés à tendre une toile pour faire de l’ombre si l’on doit mécaniquer en plein soleil, il y a même la caméra Go Pro sur la planche de bord pour filmer la piste.

 

AMEDEO SAVIOLI

AMEDEO SAVIOLI

 

Il suit tous les événements 4L en France et en Europe…

Des mecs comme ça, Renault devrait les faire membres d’honneur !

Tanger…

J’y suis venu dix fois il a plu dix fois mais entre les averses, la lumière est incroyablement violente.

Mais l’hôtel Menza, on y fait juste une visite, pas les moyens d’y dormir, est plein de souvenirs, de Churchill aux Stones en passant par Fangio…

Hôtel suranné, décor sublime, endroit plus qu’inoubliable, au dessus de la Medina qui à elle seule est un voyage en soi.

 

 

Soirée au bord de la mer, il fait froid mais cela reste somptueux, une des plus belles villes que je connaisse avec ses maisons coloniales décrépies.

Le lendemain, encore six cent bornes au compteur mais on touchera les premières pistes…

 

L’ODEUR DE LA POUDRE

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Yann Duffillot et ses traceurs ont fait un boulot exceptionnel en recos…

Le road-book est enfin compréhensible, avec tous les codes de l’époque, ce qui permet à Arnaud d’initier son fils Lucas à la nav…

Direction Midelt, au pied de l’Atlas, par une région connue, on y fait du ski, on y trouve des forêts de cèdres sublimes, habitées par des cohortes de singes, on roule sur une sorte de  Causse, façon Jura Suisse, c’est la région d’Ifrane et d’Azrou, c’est couvert de prés, de troupeaux de moutons…

 

 

On dépasse deux fois… le camion d’Elisabete Jacinto, le MAN qui roule en rallye raids, en particulier le Maroc et l’Africa Race, elle est venue tester des trucs mais elle est d’autant moins prête à en parler que lors de notre première rencontre, elle s’était fait gauler en excès de vitesse à une sortie de ville…

Et oui, l’histoire par le petit bout de la lorgnette, c’est parfois surprenant !

On est à 2000 mètres d’altitude, dans une atmosphère inconnue même des connaisseurs du Maroc…

Ces premiers kilomètres de piste, ils ont roulé près de 2000 km pour en sentir l’odeur, les vibrations, le danger aussi car ils ne sont pas tous spécialistes du truc…

 

 

Quelques uns prendront la roue de Claude Marreau mais à part notre Italien Amedeo, peu suivront le rythme…

En tête, roule l’AX de Thomas Parenteau, vrai pilote, sa coéquipière, journaliste espagnole au très illustrissime « El Mundo », fait en revanche son apprentissage et de la navigation et de la peur, mêlant petits cris d’étonnement et demandes de grâce pour l’auto…

L’Alfetta de la famille Hernandez roule la furia, vite et propre.

D’une façon générale, nous sommes étonnés de la vitesse de passage de certaines autos, pas vraiment faites pour ça…

 

 

Au soir, bien des pilotes me diront quand même qu’ils n’ont pas eu beaucoup de temps pour voir les paysages décrits comme magnifiques par les coéquipiers, c’est que la conduite c’est assez prenant !

La pluie récente, bénédiction pour les fermes des alentours, a transformé certains radiers en saignées d’un mètre de profondeur, il ne fait pas mettre les roues n’importe où…

Mais voilà, un seul mot, l’extase…

C’était attendu et c’est au rendez-vous.

Sur la trace du Grand Sud, le Baby Boomer’s Adventure de Yann Duffillot relève de l’initiation et c’est ce que tout le monde est venu chercher.

Bon, le soir,  il y a de la mécanique à faire mais cela fait partie du deal, on sait en partant que chaque pierre qui touche se paie comptant mais que chaque ravine évitée rend content…

La suite ?

Erfoud, les dunes de Merzouga, nouvelle initiation, dite « Les bacs à sable »…

En fait ici, chacun est son propre héros.

Belle histoire !

Nous en sommes forcément, autonewsinfo  est toujours là quand c’est inoubliable.

 

JEAN LOUIS BERNARDELLI

PHOTOS ARNAUD ET LUCAS DELMAS-MARSALET

 

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