AFRICA RACE : VERS LE CAP DES TENEBRES

JEROME PELICHET

 

L’arrivée de la spéciale du cinquième jour se situe près du Cap Bojador, ancien Cap des Ténèbres pour les navigateurs portugais qui tentaient de contourner l’Afrique au quinzième siècle, et dont les hauts fonds, il n’ ya pas deux mètres d’eau à plusieurs kilomètres de la côte, envoyaient leurs navires aux enfers…

Bel endroit pour une belle journée, sur une piste jamais empruntée par un quelconque Rallye-Raid, une belle trouvaille de René Metge lors de ses recos. Pélichet en auto, Shibalov en camion, l’autrichien Rabenlehner à moto, une arrivée d’étape parfois étonnante à cause d’une navigation très difficile.

Mais avant d’attaquer cette journée, je veux absolument vous montrer le cadeau de nouvel an de notre photographe Alain Rossignol…

 

UNE HISTOIRE MERVEILLEUSE, RACONTÉE PAR ALAIN ROSSIGNOL…

ALAIN ROSSIGNOL C’EST LUI DANS L’HELICO…

 

Mardi soir, alors que je fnissais mon papier quotidien sur l’Africa Race, j’ai écrit une formidable histoire, de celles qui ne peuvent arriver que dans un univers hostile comme le désert quand deux adversaires en bagarre de folie rangent un moment les couteaux pour que l’histoire puisse continuer….

Ainsi donc, il ya eu dans la catégorie camions, un duel terrifiant enre le Kamaz russe d’ Anton Shibalov et le Man de la jeune  portugaise Elisabete Jacinto.

Lorsque le Man a dépassé le Kamaz, ils ont roulé comme des dingues, jusqu’à 150 km/h parfois.

Et le Man a accroché une touffe d’herbe à chameau, un truc qui n’a l’air de rien mais dont la base est aussi dure que le béton armé.

Et le Man s’est couché.

Notre photographe Alain Rossignol était là.

Il nous a envoyé toute la séquence en photo.

Le Kamaz arrive et pourrait évidemment se dire que la spéciale est gagnée pour lui.

Il s’arrête, sort les sangles et redresse le Man…

L’histoire peut continuer!

 

Voilà, on peut maintenant en venir à cette journée de mercredi.

 

LE MENU DE LA JOURNÉE,PRÉPARÉ PAR LE CHEF RENE METGE…

 

Au briefing, René le grand sachem a annoncé la spéciale du jour… 332 km.

« La dernière étape avant la journée de repos et surtout, le dernier secteur sélectif au Maroc. Une spéciale qui commence, comme tous les jours depuis le début de cette 5ème édition du rallye par une piste rapide avec des passages mous. Les concurrents vont longer un long moment l’Oued Hamra en empruntant une bonne piste souvent étroite alternant terre, sable et gravillons mais très peu empierrée avec souvent des séries de petites bosses qui imposent de rester vigilant. Un très beau passage complètement inédit avec des falaises sublimes. Les caméramans de la télévision vont se régaler. Les véhicules quittent définitivement l’Oued pour une piste gravillonneuse plutôt rapide avant d’attaquer la montée d’un très beau col et de descendre dans une dépression, grandiose.La deuxième partie de l’étape est différente, avec des pistes rapides jusqu’à l’arrivée mais au début et à la fin, ce sera une belle partie de navigation rendue difficile par le manque de relief. L’arrivée sur Boujdour est roulante. Adieu les rochers et la piste mauvaise des autres années. Cette 5ème étape nouvelle à 50% est beaucoup plus agréable à rouler avec, en plus des paysages inédits et sublimes comme c’est souvent le cas au Maroc. »

Ce qui donne, sur la carte, ceci:

 

 

En rouge, la spéciale, en noir, la liaison jusqu’à Dahkla.

 

MOTOS: LE JOUR DES AUTRICHIENS

 

8h 45, Norbert Dubois vainqueur de la spéciale la veille, part donc le premier et n’a pour se repérer que le road-book et, sur les sols meubles, les traces de la voiture des ouvreurs passés la veille pour vérifier une ultime fois les indications du road-book.

Camille Martens le suit, puis Patrick Arnoult.

Sur les premiers km de la spéciale, on roule très vite, 150 km/h, c’est du tout droit et bien matérialisé.

Fontyn double Arnoult.

Pour attaquer à des vitesses folles le matin à la fraîche, il faut tout de suite être dans le jeu, et certains le peuvent, l’expérience aidant, d’autres se disent que Dakar est encore loin…

Parce que ce n’est jamais du bitume et un trou de 10 cm à ces vitesses…

On roule en effet le long d’un oued qui va se jeter en mer près de Laayoun, 300 km plus loin, sous une falaise impressionnante.

Dubois, Martens et Fontyn ont pris une avance considérable en une demi-heure, en roulant à fond.

Il ya un moment des hésitations chez certains pilotes, on cherche la voie à gauche, vers le sud, et seuls Dubois et Fontyn foncent toujours le long de l’oued… Plein ouest, vers la mer…

 

LE JARDINAGE OU ENCORE A L’OUED RIEN DE NOUVEAU…

 

Martens les a laissés partir, après une fausse incursion vers le sud.

Puis, c’est Fontyn qui lâche le rythme, Dubois est seul devant.

Et envoie incroyablement, il est, après une heure et demi de course, à pratiquement 20 km devant Fontyn, son second…

Déchaîné le Dubois.

Sauf qu’il loupe vraiment la piste à gauche, vers le sud, et que quand il revient sur ses pas, il n’est plus en tête…

Le pilote Belge Martin Fontyn et le Français Patrick Arnoult eux, ont pris la bonne voie.

 

ATTENTION, JARDINAGE INTERDIT…

 

Jardiner, chez nous les pistards, c’est se paumer et tracer des sillons dans tous les sens en essayant de retrouver sinon le droit, le bon chemin. ..

 

PATRICK ARNOULT

 

Fontyn et Arnoult se retrouvent devant…

Au ravitaillement, alors que Fontyn et Arnoult font le plein et avalent une pâte de fruits, derrière, ça jardine encore assez fort.

Lesage, Martens et Dubois sont partis au mileu de nulle part…

Et sont carrément paumés.

Et c’est Christophe Conreau qui arrive, probablament étonné, troisième au CP-ravito.

Sachant que Martens et Dubois menaient la danse au classement général, il ya du changement dans l’air!

Quand ils repartent, le terrain est totalement différent. Une sorte de sable dur totalement plat sur lequel on va pouvoir rouler vite, mais c’est totalement plat avec des traces(animaux, bergers, prospection minière..) dans tous les sens.

Pour un navigateur, c’est l’horreur.

Pour un pilote moto tout seul, c’est deux fois l’horreur…

Parce que l’on roule vite sur un terrain plein de saignées parfois profondes.

Bref, surveiller le road-book, la nav, le cap, le tripmaster, et en plus rouler au-dessus de 110 km/h sur un terrain miné, c’est assez… inoubliable mais surtout totalement casse gueule…

 

MARTIN FONTYN PREND LA TETE AU GENERAL

 

Et en plus c’est là que les deux autos de Schlesser et Pelichet vont les doubler, dans un nuage de poussière…

Et pour certains motards, ce sont les camions qui vont les doubler.

Parfois, tu trouves la vie dégueulasse!

Fontyn et Arnoult ne se quittent pas d’une tétine (de pneu tsss…tsss…) alors que derrière, mais à pétaouchnok, Dubois met un gaz pas possible pour rattraper ses deux grosses bourdes de navigation.

 

MARTIN RABENLEHNER

 

Mais pas loin des deux leaders, on trouve les Autrichiens Rabenlehner et Pelzmann, partis 18 et 16 minutes derrière Fontyn au début de la spéciale, donc le scratch n’est pas joué…

D’autant plus qu’Arnoult s’arrête, très peu de temps, mais l’Autriche, pilotes et motos puisqu’ils sont sur des KTM, est bien partie pour le scratch!

Quant à Martens, non seulement il n’a jamais été dans le coup mais en plus il s’est paumé…

Le scratch, dans l’ordre, pour Rabenlehner, Pelzmann,  Arnoult, Fontyn, Coureau.

Le général pour Fontyn.

 Classement général motos au cinquième jour:

1 ; FONTYN Martin,B,  KTM. 2 . MARTENS Guillaume, NL,  KTM à 4’58. 3.  DUBOIS Norbert, F,  KTM , à 19:46.4. ARNOULT Patrick, F,  HONDA à 22:20.5. LESAGE Pierre, F,  KTM ,à 1h32′. 6 . PALACIOS Joseph, F ,KTM à  01h:50:24.7. CONREAU Christophe, F,  HONDA à 02:12:09 .8. KINIGADNER Klaus, KTM, AUT, à 03h:10:49. 9. BLOEB Gregor, KTM,AUT à 03h:23:19. 10. RABENLEHNER Martin, KTM, AUT, à 3h:28:57.11. PELZMANN Klaus, YAMAHA, AUT, à 3h:56:41.12 . HORWATH Christian, AUT,YAMAHA,à 4h:39:34.

 

AUTOS ET CAMIONS: PELICHET ET SHIBALOV,LA REVANCHE

JEROME PELICHET

 

Schlesser est parti le premier, à plus de 150 km/h, Pélichet et Zapletal sur les talons.

J’ai écrit hier soir que Loomans ne serait plus dans le rallye, son coequipier a dû rentrer d’urgence chez lui pour un problème familial.

Dommage,  Jacky Loomans est non seulement un grand amateur de ce rallye mais aussi un très bon client au cerceau.

Le suivant du groupe de trois est donc Ferreira, qui envoie pas mal mais pas assez pour être avec les autres…

A l’endroit où les motards ont hésité, et donc laissé des traces discordantes, Pélichet fait un crochet vers le sud, où il est suivi par Zapletal…

Schlesser et Esquirol continuent en longeant la falaise, vers l’ouest, comme Dubois une heure plus tôt chez les motard et c’est la bonne voie.

Erreur vite réparée par Pélichet et Zapletal quand ils voient le buggy bleu s’éloigner sur leur droite.

Nous revoilà en trio…

Derrière, Jacinto et Shibalov sont partis, dix et onzième, le Man est donc deux minutes devant le Kamaz.

 

LE MAN DE JACINTO

 

Inutile de préciser que sur un billard (plein de bosses quand même…) comme celui du départ, on a roulé à pleine bourre, les camions sont (officiellement…) limités à 150 km/h.

Shabylov passe devant Jacinto, il en a marre de rouler dans sa poussière et avec ses milliards de chevaux, à la ré-accélération après un passage d’oued lent par exemple, il est évident qu’il redémarre comme un missile.

Donc à chaque fois qu’il faut ralentir, ce qui sur une piste rapide signifie monter debout sur les freins, à la ré-accélération, le Kamaz reprend un peu de terrain au Man.

 

KAMAZ EN GLISSE!!!

 

Pourtant, Jacinto revient au cul du Kamaz. On roule depuis une heure et demi et il ya moins de 500 mètres entre les deux mastodontes.

Devant, le trio d’autos de tête devient duo, Zapletal est allé faire un peu de tourisme sur les traces des motos qui ont jardiné une heure avant…

Et au contrôle, Schlesser et Pélichet ont reformé le duo infernal.

Contrôle?

Alias CP.

Ou encore contrôle de passage…

 

 

Juste un clin d’oeil amical à ceux qui tiennent ces contrôles, qui partent aux aurores ou vont s’installer la veille au milieu de nulle part, attendent des heures en plein cagnard, mais toujours souriants, heureux d’être là.

Il ya vraiment des gens formidables sur ces rallyes.

Ce contrôle là, pas celui de la photo, est situé sur une route où circulent les camions de phosphate d’une mine située pas loin.

La partie ouest de la route est blanche de dépôts arrachés des bennes par le vent, sur des kilomètres…

Hallucinant!

 

LE PHOSPHATE VAUT CHER MAIS IL DEGUEULASSE LE DESERT

LE PHOSPHATE VAUT CHER MAIS IL DEGUEULASSE LE DESERT

 

Cette région du Sahara Occidental fait du Maroc un des premiers producteurs au monde de phosphate, depuis que la région a été rattachée au pays, il ya plus de trente cinq ans, dans des conditions assez Rock’nd roll…

Après cette route, on entre donc sur cette partie de la spéciale totalement plate et sans repères.

Quand le duo de tête dépasse le duo de motos de tête, Arnoult et Fontyn, Schlesser laisse Pélichet devant lui.

 

 

Pas beaucoup, mais devant.

On est à cent km de l’arrivée.

C’est quand on s’approche de la fin de spéciale que Jean Louis Schlesser remonte et passe l’auto dont il ne sépare pas depuis le début du rallye…

On roule très vite, bien au dessus de 160km/h, le mouchard GPS ne donne qu’une indication toutes les trois minutes, impossible d’en connâitre tous les détails.

Quant on passe la ligne d’arrivée, on a roulé à cent de moyenne…

Selon le jargon de pistard, ce cinquième jour, on n’a vraiment pas amusé le terrain!

Jean Louis Schlesser raconte à l’arrivée…

« Une étape très difficile en navigation, archi-difficile même. Mais mon navigateur a été le meilleur, pas une erreur. On a roulé avec Pelichet comme d’habitude, et on a ouvert sur la quasi-totalité de la spéciale. En particulier là où c’était difficile, comme ce matin le long de la falaise. Alors c’est sûr, les autres qui se sont trompés se sont vite rassemblés sur nous. Et puis, il y a eu un contrôle qui était mal placé. Le temps que je lui explique où il devait se trouver, Jérôme est parti devant. Il a encore jardiné un peu mais il sait que Cyril Esquirol, mon navigateur, est hyper-fiable alors à distance il s’est calqué sur nous. Sur la fin je le passe et le distance un peu mais comme il est parti deux minutes derrière nous, au pif, il doit gagner l’étape d’une minute…  » 

Une minute treize exactement.

Sur le buggy de Schlesser, même le pilote est une horloge!

Bon,  les camions.

 

 

Une demi heure plus tard, Shabilov et son Kamaz coupent la ligne d’arrivée.

Jacinto est quelques minutes derrière, on pensera qu’elle a été « gentlewoman driver » puisque sauvée par son adversaire hier, comme ça l’histoire se finit bien…

Le scratch auto pour Pélichet, Schlesser, Grigorov, This et Zapletal. Le premier  camion est Shibalov, sixième au scratch, devant Jacinto, huitième.

Demain jour de repos et l’album photo de Monsieur Rossignol, artiste  et artisan photographe de talent.

Classement général auto au cinquième jour:

1 .SCHLESSER Jean Louis, ESQUIROL Cyril ,SCHLESSER.2. PELICHET Jerome,PANSERI Xavier, TOYOTA à 10:01. 3 . ZAPLETAL Miroslav,MARTON Maciej HUMMER à1h:36:40.4. VAN CAUWENBERGE Joost,CASTELEIN Jacques, TOYOTA à 1h:46:06 . 5 . SHIBALOV Anton,YAKOVLEV Evgeny,SOTNIKOV Dmitry KAMAZ,à 2h01:.6 . FERREIRA Paulo,MONTEIRO Jorge, NISSAN ,à 02h25:07.7.  JACINTO Elisabete,MARQUES Jose, COCHINHO Marco, MAN, à2h31:49.8. GRIGOROV Anton,MISHIN Sergey, OSC , à 02h:33:37. 9 .FROMONT Yves, FROMONT Jean, BUGGY,à 03:h01:25. 10. GE Gaetan,HAQUETTE Didier, QT à 03h:36:19. 11. TOMECEK Tomas,MORAVEK Vojtech, TATRA.12. FLORIN Gilles,COTEL Herve, COTEL.13 . ESSERS Noel,LAUWERS Marc,BOERBOOM Ulrich, MAN .14. MARTIN Patrick,METZ Jean, VOLKSWAGEN .15 .AIVAZIAN Marc,LUANS Eric, TOYOTA .16. KOVACS Miklos,CZEGLEDI Peter,TOTH Tamas, SCANIA.17. JORDA Guillaume,LORMAND Xavier, PROTO.18. SAZONOV Yuriy,SAKHIMOV Arslan, BOWLER.19 . THIJS Vincent, BRANDS Ruth, MITSUBISHI.20.SAUKANS Maris,DZENIS Uldis, OSC EXP.21. SHAGIROV Kanat,MOROZ, Alexandr TOYOTA.22. BURTON Louis,DUCHESNE Arnaud ,COTEL.23. CHAPOT Remy,PAGET Michael, POLARIS . 24.MOGNIER Gerald,VAUTIER Jean, francois PEUGEOT.25. ABOUYOUSSEF Abdelhamid,NOURELDIN Mahmoud, VOLKSWAGEN.26. BUNEL GOURDY Thierry,BUNEL GOURDY Sophie PROTO. 27. AURIOL Hubert,FORTHOMME Jean Paul, PROTO.

 

JEAN LOUIS BERNARDELLI

Photos : ALAIN ROSSIGNOL

 

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