MOTOGP: STONER, LE DESTIN D’UN JEUNE (PAS SI JEUNE!) DIEU…

 

Casey Stoner a donc terminé sa carrière dimanche à Valence.

Ce garçon aura été un missile sur la piste, un météore dans l’histoire et un humain dans ce monde de robots qu’est celui des GP.

Trois raisons de le regretter, mais trois raisons qui ont fait de ce pilote, qui n’a à son actif que deux titres mondiaux, un moment inoubliable chez les passionnés de vitesse.

 

STONER, CET INCONNU…

 

GP de France 2011, au Mans.

En flânant derrière les stands, du côté des camions, en compagnie d’un ami, je remarque avec amusement qu’il ya des milliers de fans qui attendent de voir, ne serait qu’une seconde, leur idole Valentino Rossi, qui fera d’ailleurs le lendemain le premier des trois podiums ramassés en deux ans!

Devant les camions de Stoner, Pedrosa et Dovizioso, personne ou presque.

Quelques fans, que Stoner vient voir.

On se présente, on parle un peu.

Il nous dit en souriant que la vedette ici, ce n’est pas lui, qu’il adore ce circuit Bugatti, et petit à petit, on parle un peu..

On parle d’Australie…

On évoque ce pays tellement attirant, tellement violent par son immensité, ses sècheresses à faire pleurer le Ténéré de honte, ses inondations à humilier l’Amazonie, ses saloperies de bestioles, dans la péninsule de Cairns, dans le nord, on trouve sept des dix serpents les plus dangereux au monde…

Il se marre… enfin des mecs qui comprennent un tout petit peu son pays ! (Le rugby finalement, ça m’ a aidé partout… )

 

 

Et puis on parle boutique…

Le Monde des GP, l’emmerde en fait.

Ce garçon surdoué, ne me donne pas de détails, on se connaît depuis deux minutes et trente secondes, mais c’est clair, il rêve plus du bush de son immense pays désert que des stands étriqués des GP et de l’étroitesse d’esprit, de ceux qui y règnent…

Voilà, sans le savoir et sans rien imaginer, j’ai probablement su un an avant tout le monde que ce jeune dieu du guidon se posait des questions…

Mais je n’ai rien vu venir, c’eût été quasiment impoli d’imaginer que le pilote imbattable de 2011, ait envie de poussière, de crottin de cheval, de routes en ligne droite sur 400km…

En fait, ses photos le disent assez, c’est un gosse.

 

 

Qui joue à 300km/h, qui gagne des millions de dollars, qui fait des trucs sur sa moto totalement incompréhensibles, mathématiquement, il ne peut pas rester sur les roues et pourtant…

Le gosse s’amuse sur la moto et s’emmerde dans les stands…

En fait, quand j’y repense, je lui ai dit que j’avais bossé sur la F1 pendant des années, où les pilotes étaient des dieux, pouvant parfois être des hommes  mais où le milieu de ce sport était à chier, arrogant, on y fait des ronds de jambes avec du pognon que l’on n’a pas gagné et les journalistes, dont j’ai fait partie, allaient chercher un plat de spaghetti à genoux, si on leur offrait de déjeuner sous…  la tente Ferrari !

Il a peut-être fait quelques rapprochements…

Bon, nous a t-il seulement écoutés, il était là pour gagner un GP de plus et rien d’autre après tout…

 

PORTRAIT D’UN « DEUX EX MACHINA »

 

Il est né un 16 octobre 1985 à Southport, sur la côte ouest Australienne.

Forcément sur la côte puisque toute l’Australie habite sur la côte, autour d’un désert grand comme quinze fois la France…

Quand on est sportif australien,  c’est ou  le surf, ou la voile, ou le rugby…

Lui c’est la moto.

Toute sa famille d’ailleurs est fan de moto.

Son père Colin, sa mère Bronwyn, sa soeur Kelly, l’accompagnent dans ses compétitions locales…

Il a commencé à quatre ans,  et à six ans, il est Champion d’Australie.

Puis il enchaîne les titres, à quatorze ans, il est 41 fois Champion d’Australie, dans différentes catégories, il lui arrive d’en disputer cinq dans la même soirée, sur cinq motos différentes.

 

COMMENT ON APPREND A GLISSER EN AUSTRALIE

 

Et toujours en dirt ou en long track, des courses sur terre donc…

Autrement dit, tout son caractère divin est déjà en place.

Comme  autrefois Agostini, il dispute plusieurs Championnats le même jour.

Comme les pilotes Américains qui ont tout raflé avant lui dans les GP de vitesse sur route, il a commencé par glisser sur la terre…

Comme Mozart, à quatre ans, il était déjà un prodige et papa voulait en faire un dieu.

Un exemple?

Un week-end,  il a douze ans, il roule en long track dans une course de Championnat, il ya cinq catégories avec sept courses chacune.

Il court au total 35 courses dans le week-end et en gagne 32!

Mais voilà, en Australie, on roule surtout sur terre…

Pour le goudron, faut aller voir ailleurs.

 

QUAND STONER ENTRE DANS LA CREME ANGLAISE

 

D’autant plus qu’en Australie, il faut avoir seize ans pour rouler en vitesse sur route, alors qu’en Angleterre on peut commencer à quatorze ans.

Direction l’Angleterre, la famille suit avec enthousiasme.

C’est le dernier trait de caractère de Stoner, celui qui me crevait les yeux en 2011…  et je n’ai rien vu venir.

Casey est un déraciné, qui n’a fait que courir depuis l’âge de quatre ans…

Du coup, en fait, le jeune retraité qui part aujourd’hui a déjà 24 ans de course dans les pattes!

Pas la même chose!

SPEED KING…

 

Bon, l’Angleterre.

La meilleure école qui soit, qu’il s’agisse d’auto ou de moto…

Le petit génie a tout de suite des sponsors et des victoires.

En 2000, son premier Championnat sur route est le Challenge Aprilia 125 et il est Champion d’Angleterre.

En 2001, il s’engage en Championnat du Monde de Vitesse! Il a seize ans!

Deux petites courses en 125 et il marque déjà des points.

En 2002, il passe direct en 250, sur Aprilia.

Douzième, il n’a pas l’habitude…

IL redescend en 125 en 2003, toujours sur Aprilia, trois podiums, une victoire à Valence et la huitième place au général.

 

 

Sur une KTM en 2004, nouvelle victoire à Sepang et cinquième au général.

Retour à la 250 en 2005.

Sur une Aprilia, cinq victoires mais sur la route du titre, il tombe sur un os qui s’appelle… Dani Pedrosa!

Alors il monte en MotoGP en 2006, il roule sur une Honda du Team LCR, un podium, une pole, une seconde place en Turquie et sur une moto satellite, pas une usine…  et il termine huitième.

En 2007,  il passe chez Ducati et explose les compteurs.

 

 

Dix victoires sur dix-huit GP, il colle 125 points en fin d’année à Pedrosa et 126 à Rossi! Tout simplement … GÉANTISSIME  !!!

Rossi, alors sur Yamaha, qui lui reprend le titre l’année suivante, après un duel terrifiant toute l’année.

 

Mauvaise saison 2009, mauvaise santé? Déjà le ras le bol? Polémiques?

Il ne prend pas le départ sur trois courses…

Quatrième au général, et idem l’année suivante.

Il entre chez Honda Usine en 2011, parce que les japonais ont compris qu’un mec capable de faire gagner une Ducati est un surdoué…

Année totale.

 

 

Onze pole, dix victoires et le titre.

Il est devenu un dieu, mais le gosse déraciné rêve du bush…

En 2012, deux éléments motivent son annonce fracassante, au GP de France.

Il s’en va!

Il est père de famille et se rend compte que les Honda, passées aux 1000cc, sont chiantes à faire gagner, le dribbling est impossible à régler.

L’enfant, sa sublime femme Adriana, qu’il connaît depuis un bout de temps, le bush, le ranch, les courses de bagnole un peu ploucs en Australie mais pleines de chevaux et de passion – La Formule V8 Supercar –  face à l’ennui dans les stands, les gens des GP qui l’emmerdent, le tout avec un paquet de millions à la banque…

 

ADRIANA…

 

Éventuellement la blessure grave qui le laisse sur un fauteuil roulant comme Wayne Rainey, qu’il voit sur les circuits…

Ou la mort, cette salope qui frappe les meilleurs, les Senna, les Simoncelli…

 

J’y repense et Éric Mahé, aujourd’hui manager de Randy de Puniet, qui connaît très bien Stoner, me l’a redit il y a quelques mois, sa vie devenait un enfer.

Normal qu’il se barre.

C’est incroyable tout de même, certes, il est un poleman de génie, un pilote missile, mais avec deux titres mondiaux, il est déjà dans la catégorie des dieux et on l’a écrit, il est officiellement une légende de la moto.

Il va nous manquer, mais à y bien réfléchir, de la part de l’être humain qu’il est toujours resté, c’était inéluctable.

Casey Stoner, bienvenue chez les vivants…

 

JEAN LOUIS BERNARDELLI

Photos :  ARCHIVES PERSONNELLES STONER, TEAMS  et MOTOGP.

 

ROSSI-STONER : DEUX DIEUX…

 

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