DIDIER PIRONI : 25 ANS DEJA….

 

23 Aout 1987.

Ce dimanche là, je me trouvais en Angleterre sur le circuit de Brands-Hath, qui se situe au sud de Londres. Avec Jean Paul Driot, nous dirigions l’écurie GDBA Motorsport et ses deux pilotes, Michel Trollé et Paul Belmondo, qui y disputaient l’une des manches Britanniques du Championnat International de Formule 3000.

Soudain peu avant la fin du warm-up, Mike Doodson, l’un des journalistes Anglais les plus réputés, est venu me voir. Et, le visage livide, très calmement et doucement, il m’a alors murmuré à l’oreille :

 » Didier est mort. Didier Pironi vient de se tuer en offshore à Wight  »

Je suis resté muet…

Envahi par la tristesse car Didier était au fil des ans, devenu un ami.

Les années ont passé, les mois se sont écoulés, les jours ont passé.

Retour en arrière

Il y a 25 ans, vingt-cinq ans déjà, ce jeudi 23 aout que nos amis, Didier PIRONI, Bernard GIROUX et Jean Claude GUENARD, nous quittaient après l’accident mortel de leur COLIBRI, survenu à l’occasion de l’épreuve qu’ils disputaient autour de l’Ile de Wight, au sud de l’Angleterre.

Huit jours plus tôt, Didier avait gagné l’épreuve d’Arendal, en Norvège. Il repose depuis ce drame dans le petit cimetière de Grimaud dans le Var.

Aujourd’hui, jeudi 23 aout 2012, il y a donc 25 ans que ce drame est survenu. Plutôt que de rappeler comme tant d’autres ce que fut sa belle carrière de champion automobile, nous allons, nous, évoquer l’histoire de sa venue dans l’univers du Offshore.

Puisque nous étions à l’époque aux premières loges pour vivre sa reconversion !

 

LA NAISSANCE D’UNE NOUVELLE PASSION

 

L’histoire commence et se situe en novembre 1985. Je rentre de l’ultime Grand Prix de Formule 1 de la saison, celui d’Australie et qui venait de se disputer pour la toute première fois à Adélaïde.

Après une halte à Sydney pour assister à la très réputée Melbourne Cup – l’équivalent de notre Grand Prix de l’Arc de Triomphe – avec le pilote de F1, mon ami Philippe Streiff, dont j’étais le manager et qui venait de terminer troisième du Grand Prix d’Australie au volant de sa Ligier-Renault turbo, nous partons avec nos épouses pour Tahiti.

L’année a été longue.

Philippe a débuté début septembre en GP à Monza ou il a remplacé l’Italien Andréa de Cesaris, congédié par Guy Ligier. Auparavant il a réalisé une splendide saison avec son AGS en Formule 3000.

Et c’est la raison pour laquelle Guy Ligier et Gérard Larrousse, l’ont recruté grâce à l’aide financière de l’entreprise informatique Blanchet Locatop à l’époque premier distributeur HP (Hewlett-Packard) en France. Et que préside mon beau-père.

Pour ma part, j’achève moi aussi également une bien longue année. Étant attaché de presse de la FISA (Fédération Internationale du Sport Automobile) devenue depuis FIA, auprès de son tout puissant Président, Jean Marie Balestre, j’ai suivi non seulement toute la saison des GP. Mais j’ai également assisté à plus d’une vingtaine d’épreuves diverses (F 3000 – Endurance – Rallyes et Dakar).

Je suis sur la brèche depuis début janvier où j’ai suivi tout le Rallye Dakar… Alors quelques jours de détente avant de regagner l’Europe et la France nous feront le plus grand bien …

Après les vrombissements incessants des moteurs, nous nous retrouvons mi novembre au calme sous le chaud soleil de la Polynésie.

Et c’est là-bas que Philippe qui est submergé d’appels transmis par ses parents depuis leur résidence grenobloise de Corenc, apprend que deux d’entre eux, vont nous faire prolonger notre absence de Paris !

Le premier provient de notre ami Jean Pierre Fruitier. Lequel dirige une très importante entreprise de fruits et légumes en gros à Rungis, Frutex. Entreprise qui livre notamment les enseignes Carrefour et Euromarché.

Jean Pierre avant que Philippe ne signe avec l’équipe Ligier, était prêt avec le groupe Blanchet, à le soutenir pour qu’il rejoigne l’écurie de Giancarlo Minardi.

Donc le premier podium de Philippe, le comble de joie. Au téléphone, il nous invite à venir le retrouver en Floride. Très exactement à Key West, au sud de Miami.

 » Frutman  » c’est son surnom, va en effet y disputer le Championnat du Monde  » offshore  » avec son célèbre  » Rocky Euromarché  ». Un engin démentiel, diabolique…

Un offshore propulsé par deux moteurs Lamborghini, développant chacun plus de … 1000 chevaux !!!

Vous imaginez le monstre…

 

Du coup, huit jours plus tard, au lieu de regagner la France, après une escale à Los Angeles chez des amis, nous voici à pied d’œuvre à Miami d’abord, puis à Key West.

Là nous y retrouvons… Didier Pironi !

 

SOUVENIR… DE DIDIER.

 

En effet dix jours plus tôt, lui aussi a téléphoné à Philippe pour le féliciter de son podium d’Adélaïde. Et dans la conversation, il lui a glissé que nous filions assister à cette course démente, qu’est le Mondial offshore.

Du coup, alléché par cette manifestation unique, Didier a rappliqué dare-dare avec sa compagne, Catherine Goux.

Nous passons une semaine idyllique, tant Key West est tout comme Bora-Bora, un P’tit paradis.

Confortablement installés à l’hôtel Marriott, nous admirons tous ces engins, tous aussi rutilants et puissants, les uns que les autres.

 

 

Une anecdote croustillante me revient en mémoire. Un soir alors que nous dinons dans un restaurant Italien, le patron s’approche de notre table et questionne :

‘’C’est à vous les deux autos garées à cheval sur le trottoir ’’ ??

Il connait la réponse…

Fichtre, il n’y a parmi ses clients que des Français pour avoir eu le culot et oser se garer aussi mal dans un pays respectueux des lois. Du coup les deux loustics penauds (Didier et Philippe) foncent garer les belles Américaines.

Du moins, c’est ce que nous pensions avec Jean Pierre et nos épouses, sans oublier les femmes des deux lascars.

Cinq minutes passent. Dix bonnes minutes. Un quart d’heure s’écoule….

Personne. Ni Philippe ni Didier ne reviennent!

Curieux. Bizarre. Nous sortons dehors inspecter la rue.

 

 

Nous ne voyons rien. Du coup on appelle le patron. Qui immédiatement contacte la police. Laquelle répond

 » Ah les Français. Oui, ils sont bien chez nous dans une cellule ‘’ !!!

Et d’expliquer que nos gaillards, au lieu de bien ranger les voitures, ont effectués sous le nez de la police US, une marche arrière dans la rue et en sens interdit !!

D’où leur arrestation!

Après avoir diné calmement, peu après minuit nous sommes allés les récupérer

C’est donc au cours de ce séjour que Didier a eu le coup de foudre pour les compétitions d’offshore.

 

 

La saison suivante en 1986, il l’a faite comme équipier de Jean Pierre Fruitier sur le Rocky Euromarché.

Mais Didier était un leader pas un simple numéro 2. Du coup, il a déniché un généreux sponsor Philippe Midy patron de Banania. Lequel lui a permis grâce au sponsoring d’une autre de ses marques Colibri de se lancer seul dans cette nouvelle aventure, Didier s’étant découvert une folle passion pour ce type de compétitions.

Début 1987, il attaquait assisté de Jean Claude Guénard et parfois soit du journaliste sportif de TF1 et vrai casse-cou Bernard Giroux, soit de son ami Pierre Harnois alias Pôm, la saison aux commandes de son nouveau jouet baptisé du nom du sponsor : Colibri.

 

Après avoir brillamment remporté en Scandinavie, le Grand Prix d’Arendal prés d’Oslo, fin juillet, il débarque à Wight au sud de Southampton. Pour y disputer une nouvelle manche du Championnat.

Quelques jours auparavant de retour de Norvège, Didier nous avait réunis pour un déjeuner au très chic et sélect restaurant du Racing à la Croix Catelan et situé dans le Bois de Boulogne pour fêter son tout premier succès dans sa nouvelle discipline de prédilection.

Didier était HEU-REUX, souriant, aux anges.

Nous l’étions pour lui, après ces années de souffrance. Physiques et parfois aussi morales !

Je ne l’ai plus jamais revu….

Trois jours plus tard, le 23 août, Didier, Jean Claude et Bernard allaient malheureusement trouver la mort après que le Colibri lancé à une vitesse folle, eut décollé sur une mauvaise vague !

Les jours sont passés, les mois ont défilé. Et les années se sont écoulées. Mais je n’ai jamais oublié Didier et ce 23 août 1987.

Souvent je pense à lui lorsque je passe devant son domicile du 2 rue de Chézy à Neuilly. Je jette furtivement un œil vers le deuxième étage…

Et parfois, lorsque je me trouve sur la côte d´Azur, je m’arrête pour me recueillir sur sa tombe dans le petit cimetière de Grimaud qui surplombe la baie de Saint-Tropez

Didier était un chouette garçon.

Un mec bien, complètement ‘’ hors norme ‘’

 

Gilles GAIGNAULT

Photos: Bernard BAKALIAN- ELF

 

Aujourd’hui, le Colibri se trouve dans le magnifique musée de notre ami Michel Hommell, au superbe Manoir de l’Automobile, situé à Lohéac, en Bretagne

 

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