JEAN FRANCOIS KRAUSE OU L’HISTOIRE D’UNE PASSION DEVORANTE…

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 » Lorsque j’étais petit et que l’on me demandait ce que je voudrais faire plus tard, je répondais toujours : dessinateur dans  » Tout l’univers « !

Jean-François Krause, est né le 7 Octobre 1962 et à l’âge de dix ans, un événement va influencer son devenir déjà bien décidé.

Il nous raconte :

 » Je me souviens que tout a commencé en Juin 1972 lors de la mythique épreuve des 24 Heures du Mans ou mon père m’avait emmené voir ces fameuses Matra et leurs pilotes qui étaient les idoles du moment : Beltoise, Cevert, Pescarolo… Tout cet univers constitué de bruits, d’odeurs et d’images fortes me fascina: sous mes yeux se déroulaient les joutes fantastiques des chevaliers des temps modernes…

Une passion venait de naitre !

Je dessinais déjà beaucoup, influencé par les heures passées dans la lecture des romans de Jules Verne. Le monde des sports mécaniques allait devenir l’un de mes sujets de prédilection. J’avais envie d’un métier qui me permettrait de réaliser des textes et des images racontant des histoires de courses automobiles entre autres « .

Après deux année de découvertes à l’école des Beaux Arts de Cambrai (1979 à 1981) Jean-François intègre l’Institut d’Arts Visuels d’Orléans.

Il poursuit :

 » Je ne suis pas certain qu’à l’époque mon entourage saisissait ce qui m’animait et il a été rassurant pour moi, qui doutais énormément, de trouver sur ma route des enseignants comme Jean-Gabriel Monnier en illustration ou Michel Picard en photographie. Avec ce dernier je pouvais partager ma passion de la course, lui qui écumait les circuits armé de ses boîtiers photographiques depuis bien longtemps.

Aux images de bolides en action, je préfère celles au cadrage plus serré qui montrent avant tout l’intimité qui existe dans un cockpit. J’aime ces instants où le temps semble suspendu, quand le regard et les pensées du pilote se perdent loin vers la piste, au milieu de la fureur de la course. J’aime m’imprégner de cette atmosphère si particulière qui règne dans les stands et m’attarder sur l’alliance fragile et éphémère passée entre l’homme et la mécanique, quand ils ne font plus qu’un. Lorsqu’il fallut que je choisisse un sujet de travail pour mon diplôme de fin d’études aux Beaux Arts, c’est bien évidemment celui sur les sports mécaniques et l’automobile en général qui s’imposa ».

 

En Juin 1985, Jean-François Krause obtient son DNSEP, option communication visuelle, tout comme un autre artiste, hélas, dernièrement disparu et issu de la même école :

Didier Bécet, dont Autonewsinfo, avait rendu hommage en début d’année. (voir sujet dans rubrique vernissage)

A l’évocation de cette disparition, Jean-François est encore bouleversé et avoue avoir  » pris un coup au moral » en ayant perdu ce bon pote de promotion…

Ainsi va la vie quelquefois bien cruelle qui nous renvoie au tourbillon vertigineux des années écoulées si rapidement.

Nous poursuivons cet entretien à l’étage de la maison où Jean-François a installé son atelier. Lequel est situé à St Jean Le Blanc, en banlieue Sud Orléanaise.

 » En attendant d’être illustrateur-auteur indépendant , je travaillais à la Bibliothèque d’Orléans à quart-temps car le directeur m’aimait bien et connaissait mon goût pour les vieux livres et l’histoire avec un grand H. Ce job me permettait de subvenir à mes besoins tout  en prospectant dans le domaine de l’édition et de l’automobile. Fin 87, j’ai eu l’opportunité de faire ma première exposition à la banque Hervet , car j’avais un copain: Christian Beaudin (aujourd’hui photographe naturaliste) qui travaillait en sérigraphie (Série 15) et qui aimait mon boulot. Il avait convaincu son patron d’éditer ma première série de gravures. Au vernissage de l’expo, une incroyable  surprise m’attendait : le célèbre pilote Jean-Pierre Beltoise était là !  Je n’en croyais pas mes yeux !

En fait, à cette époque il avait deux magasins de miniatures automobiles dans Paris et Christian Beaudin qui collaborait dans ce domaine avec lui, m’avait fait l’immense plaisir de parrainer mon expo par l’idole de mon enfance. J’étais redevenu le gamin du Mans 72 . En quelque-sorte, la boucle était bouclée… »

 

Pourtant ce soir là du 15 Décembre 1987, sans le deviner, cette rencontre avec Jean-Pierre Beltoise propulse le « petit  » Jean-François, dans le monde des adultes.

Il faut préciser aussi que la naissance de son premier enfant : Colin (en hommage bien sur  à Colin Chapman, le créateur des célèbres Lotus), s’annonçait.

 » Jean-Pierre, qui est devenu plus qu’un ami depuis, m’avait dit lors de cette soirée : j’ai un stand à Rétromobile au mois de Février 88. Le salon dure dix jours et je te donne un mètre d’exposition . Tu te débrouilles et tu y présentes ce que tu veux. Ce fut le tremplin de tout ce que je fais aujourd’hui car j’y ai rencontré les gens avec qui je travaille encore à ce jour, et qui, à l’image de Dominique Pascal, sont devenus également des amis . Une rencontre déterminante parce qu’il était le rédac’ chef de la revue  » L’automobiliste  » éditée par Adrien Maeght et tout en collaborant aussi à l’Automobile Magazine, Dominique débutait en 1991 une collaboration avec Michel Hommell: Auto Collection. Quand a fallu un dessinateur, il a tout de suite pensé à moi et de fil en aiguille il m’a mis sur le coup de toute sa production de livres. De son côté, Michel Hommel voulait lancer une série de magazines sur l’histoire et c’est à la cantine de l’éditeur que le staff me dit : nous cherchons un cartographe doublé d’un illustrateur. J’étais également un passionné d’histoire et j’ai trouvé là mon intérêt de vivre de mes dessins et de mes écrits. Michel Hommell est surtout connu pour être l’homme des célèbres revues Échappement et Auto-Hebdo mais il avait aussi cette  passion un peu cachée avec l’histoire qui est devenue une branche très forte du groupe. Ainsi, à la fin des années 90, fut lancé le titre sur Napoléon 1er. qui  » cartonna « .  Depuis, je n’ai pas arrêté car suivirent  » 14-18 « et   » le Second Empire  » qui connaissent également un succès énorme. Professionnellement, je ne pouvais pas rêver mieux car je suis vraiment dans l’élément que je souhaitais. »

 

Mais Jean-François cela te demande un travail de recherche énorme et une documentation incroyable , comme en attestent les étagères qui débordent ?

« Côté recherches, j’avais de l’avance parce que je n’avais pas dix ans que je ramassais déjà du papier sur l’automobile, l’histoire et des tas de sujets qui m’intéressaient. J’ai aussi mes entrées sur Paris dans les différents services des archives des armées si j’ai besoin, mais cela demande aussi du sérieux, de la réserve et le ménagement de mes interlocuteurs que je sollicite souvent . Je suis rentré dans l’édition par le biais de l’illustration car j’avais accumulé ces tas d’archives sur la guerre de 14 ou l’auto. Au début, on commence par faire une légende, un encadré puis finalement un feuillet de 1500 signes puis des articles entiers et des bouquins. Le dessin demande beaucoup de temps. L’exemplaire du char d’assaut Renault, c’est une journée et demie de boulot soit environ vingt heures ! Les planches qui demandent une semaine de travail, personne ne veux les payer ! Au niveau de mes prestations, je pense que je suis raisonnable car mes clients n’ont jamais discuté le prix ! Un bon client comme celui qui m’a demandé l’affiche du  Grand Prix historique de la ville d’Angoulême, c’est rare car le travail est long, donc… coûteux. A Mulhouse, le Musée National de la collection Schlumpf a fait édité une très belle série de cartes postales de qualité de mes planches représentant la Citroën Traction-avant 11 BL cabriolet, la Simca Aronde Grand Large, la Panhard PL17 et l’avion Cargo Bristol Freighter ou la DS 21 Palace et la Ferrari 250 TR 60….

Dans ce registre, Dominique Pascal et Patrick Lesueur, avaient été contactés par Hachette pour lancer la première collection de fascicules comme: « Un siècle d’automobiles » ou « Voitures Françaises de collection » et ils avaient besoin d’illustrateurs et d’auteurs. Cela fait douze ans que nous travaillons ensembles sur le sujet et des dizaines de thématiques sont sorties comme la saga des Alpine ou des 4CV.

Avec Alain Bienvenu nous avons repris complètement le premier dictionnaire des pilotes de Grands Prix édité chez Massin et écrit par Dominique Pascal qui a été le directeur de collection chez ETAI pour la célèbre encyclopédie de la Formule 1. Ce dictionnaire remis à jour fut le  septième volume de la saga des ouvrages écrits par les plus belles plumes de l’époque comme Christian Moity, Johnny Rives ainsi que les regrettés Gérard Grombac et José Rosinski « .

 

Tes projets à court et long terme ?

 » A une époque, nous avions deux ans d’avance sur les collections car nous savions qu’entre 50 et 70 numéros allaient sortir. Aujourd’hui, en matière d’automobile nous avons toujours des projets chez Hachette ou chez d’autres éditeurs, mais tout se décide un peu au dernier moment…c’est l’air du temps ! Un projet reste des fois quatre ans dans un tiroir … Une nouvelle série de revues sur l’histoire : Versailles est sorti l’an dernier et le Groupe Hommell a plusieurs projets de magazines et d’édition d’histoire auxquelles je participe. J’aimerais, si j’en avais le temps, créer un blog plutôt qu’un site , où je parlerais de la peinture, de mes dessins …de tout ce que j’aime. »

Quels conseils donnerais- tu à un jeune qui voudrait vivre comme toi de ta passion ?

Travailler, travailler, encore travailler et montrer son travail. Être partout, car de là peut naître LA rencontre qui sera décisive pour le chemin à venir, comme le fut celle de Jean-Pierre Beltoise pour moi. »

 

Entre deux recherches et deux dessins qui prennent magistralement formes sous les rayons de la lucarne de son univers magique, Jean- françois Krause quitte ses « vieux papiers »d’un autre siècle, ses crayons et ses pinceaux pour transmettre, à son tour,  son enthousiasme juvénile et son immense talent artistique à de jeunes universitaires de Politech’ .

Heureux étudiants, car JFK reste le même compagnon d’un devoir sans cesse remis en question et que l’on a toujours et surtout plaisir à revoir même trente ans plus tard.

Jean-François Krause : contact 02.38.51.17.26

 

Texte et photos : Michel Picard

 

L’ARTISTE… EN PLEIN BOULOT !!!

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