DE LA MECANIQUE GENERALE A LA RESURECTION DES MOTEURS DE COMPETITION D’ANTAN OU LA PASSION GENIALE DE CHRISTOPHE PAILLER

Lors de  notre reportage dans l’atelier de restauration  »Auto Classique », le chef d’atelier, nous avait lâché en guise d’au revoir, tout en nous montrant un superbe moteur Bugatti, tout juste  livré sur palette :

« Vous qui aimez les belles mécaniques, vous devriez  aller à la rencontre de Christophe PAILLER, c’est à lui que nous confions les moteurs à reconditionner  et  il réalise des  prouesses… »

Nanti de ce conseil  et de l’adresse, nous prenons donc rendez-vous par téléphone. Même si pour notre interlocuteur, notre site et mon nom lui sont parfaitement inconnus, le sésame  » Auto Classique » , suffit à ouvrir largement la porte de l’atelier de mécanique générale, tournage fraisage et rectification, sis, au 37 route de Loches, dans la charmante bourgade de Bléré, en Indre et Loire.

Quand nous entrons dans l’atelier, très vaste et comportant de nombreux secteurs de travail avec une kyrielle de machines, nous avons le sentiment de changer d’époque et de revenir dans le monde artisanal remontant à une cinquantaine d’années.

Des publicités anciennes accentuent cette impression, alors que l’homme qui nous accueille est  bien de  notre époque. Regard clair et vif, Christophe Pailler répond avec beaucoup de sincérité et d’engagement à nos questions.

Très vite il nous est sympathique et nous nous interrogeons  pour savoir dans quel puits de science et de technique il s’est plongé pour maitriser avec  une telle assurance tous les paramètres des moteurs les plus complexes et les plus anciens qui jalonnent  notre déambulation, entre les machines, les réserves, le garage personnel et le bureau.

Christophe PAILLER, n’est pas très disert sur son parcours.

Après un CAP d’ajusteur-outilleur obtenu en Touraine, c’est déjà « la bricole » sur des moteurs de moto, puis le conscrit se plonge dans les moteurs des chars Panhard, avant de travailler dans l’armement et la mécanique générale.

Un habitant de Bléré, pour lequel il se penche déjà  sur des véhicules anciens lui indique alors (en 1982) , qu’un bonhomme va céder son entreprise de tournage, fraisage.

C’est  donc là, que voici 30 ans, Christophe PAILLER s’installe et d’entrée de  jeu se lance dans la restauration des moteurs. Il investit  fortement en matériel et à part Michel MENIER, qui lui confie ses  voitures de collection à préparer, personne n’aidera  notre  »Géo- trouve tout » à démarrer son entreprise.

Il a un caractère fort, des idées novatrices et une vraie passion, alors il avance seul avec sa passion et son génie en bandoulière.

Pourtant une clientèle aussi spécialisée que celle des  véhicules anciens et le plus souvent de  compétition, ne se  constitue pas très facilement. Celui qui dans les  forums  est  souvent maintenant qualifié de spécialiste du mouton à cinq pattes, ou qui n’hésite pas à se dire un habitué des moteurs tordus, se lance afin de se faire connaitre dans des défis tout à fait exceptionnels.

Par exemple, celui  très novateur de construire de A à Z un moteur 8 cylindres à double arbre, à compresseur et embiellage à rouleaux, ou encore de reconstruire totalement une Bugatti  à partir d’un tas de pièces et de la présenter à la Coupe de l’Âge d’or  et au rallye du Mont Blanc.

 BELLE LIGNE BUGATTI…

Le bouche à oreille va alors fonctionner. Des ateliers de restauration  vont référencer notre «  sorcier » dans leurs listes de sous-traitants, des particuliers (très souvent étrangers pour les  véhicules d’exception, de Belgique Suisse et des  Pays bas) vont avoir à connaitre des réalisations «  Pailler », et les commandes, les plus délicates, ne vont pas tarder à se faire jour.

Quand l’ingénieur Jean Jacques HIS de Renault Sport,en arrive à sympathiser avec notre tourangeau, ou quand  notre ami et  regretté confrère José Rosinski vient en Touraine essayer les voitures d’exception (Maserati, AC Cobra et  la GT 40 1055), on peut penser que Christophe PAILLER, a gagné la partie.

C’est sans aucun doute la réalité, pourtant après 30 années d’exercice, on sent  bien qu’il manque quelque chose. La transmission de cet immense savoir et de cette  fabuleuse expérience ne se fera  pas.

Après avoir espéré  un temps, pouvoir assurer  une sorte de continuité de cette entreprise tout à fait particulière, celui qui travaille 12 heures par jour et ne  prend des week-end que depuis très peu de temps, a vu renoncer celui en qui  il  fondait quelque espoir,  et ce à cause d’un travail trop prenant.

Avec regret Christophe PAILLER conclut ce délicat sujet de la transmission d’expérience par ces mots :
«  Dans l’immédiat je n’ai pas trouvé quelqu’un de très intéressé  dans ce domaine là … il y a beaucoup d’heures à donner, faut pas rêver, c’est des heures et des heures et des heures  perdues souvent, ça n’est pas  les 35 heures … »

Avant de revenir  dans l’atelier  pour une séance photo, passage par le bureau  pour  nous  montrer des réalisations complètes à partir d’images stockées sur ordinateur.

Des moteurs Delage, Delahaye, Bugatti ont été  « revisités » de manière à leur redonner  jeunesse et performances. Le moteur Guyot d’Indianapolis 1922 avec sa conception originale des échappements, son embrayage multi disques représenta un travail très abouti.

Le coup de cœur du mécanicien un peu particulier, est sans aucun doute  pour cette splendide Delage du grand collectionneur américain Peter MULLIN, que Christophe Pailler a remise en condition et  a eu le grand honneur de faire  rouler  en ouverture de l’avant dernier Le Mans Classic.

A ce propos,  une partie (française) de cette prestigieuse collection  californienne sera exposée  au  salon Rétromobile, du 1er au 5 février 2012, au parc des expositions à Paris.

 

 

Pour les puristes et tous les amateurs de beaux moteurs nous avons relevé au gré de  notre visite  quelques travaux très particuliers et fort diversifiés. Qu’on en juge plutôt : un Austin Healey 3000, un Toyota, à chemises, un OSCA 1500 MT4, un moteur d’avion très spécial le Gipsy du Tiger Moth , un Bugatti 1930  dont  on tirera 170 chevaux, un Bugatti 3, 3 litres  dont il convient de refaire notamment  le bagage des  sièges de soupapes dans des cylindres de 210 mm de profondeur  pour 70 de diamètre ; avec 3 soupapes par cylindre  vous pouvez imaginer  le travail !

La remise en état  ou l’amélioration des vilebrequins (Mini Austin Cooper) ou le régulage d’une ligne d’arbre de Bugatti 8 cylindres sont en chantier.

Comme on  le voit  tout est possible dans cet atelier de «  mécanique générale ». Tout jusqu’y compris un chantier tout à fait bluffant. Partant d’une fonderie brute, Christophe Pailler va ré usiner  totalement un 4 cylindres Bugatti 37 puis  le préparer de manière  à en obtenir  quelques 100 chevaux.

Performance d’artiste à propos de laquelle  on s’interroge  quant  aux  difficultés rencontrées ou aux risques encourus.

 

Voici la réponse :

« Déjà il faut  faire  une recherche, un  peu l’historique  du moteur, avoir les données  de base : cylindrée,  les puissances et surtout  l’emploi à venir du moteur :   une réfection de moteur standard  ou  quelque chose de plus performant  en changeant pas mal d’éléments. Ça c’est l’orientation que l’on prend dès le départ avant d’attaquer quoique ce soit. On doit tenir compte également de la faisabilité en fonction  de la demande du client, de  la conception du moteur et de son  architecture  capable ou non de supporter  une évolution  poussée  à la demande du client. Dans ce cas  là,  il y a  obligatoirement une prise de risques, si l’on va  chercher des  chevaux supplémentaires  on  fragilise  nécessairement la base. »

 

 

Mais  en cas d’absence  de  documentation suffisante comment  pratiquez-vous ?

« Il faut  bien savoir que l’on est là  pour dépanner  des  clients qui ont une demande. Et  bien  en l’absence de documentation suffisante, on cherche, on fait un peu  comme on  le sent, il faut alors  créer…On connait  les jeux théoriques qui régissent  toutes  les fonctions mécaniques d’un moteur. Après il existe des  exceptions selon certains  moteurs, nous devons également tabler sur les coefficients de dilatation des métaux d’aujourd’hui et  puis on se lance… Je  vous l’accorde, on peut se faire des frayeurs, passer beaucoup d’heures, certaines  perdues mais tout ça reste de la mécanique avec ses lois immuables !  Quand on sait faire un moteur, quelque soit la difficulté posée, on s’immerge dans la situation et on ne fait plus attention à la complexité des choses…»

Beau résumé de ce que l’on pourrait appeler l’expérience et la compétence  mais  qui confine ici  au génie, tant les résultats avérés sont exceptionnels.
Christophe Pailler peut aussi  bien  piloter un avion ancien  comme le T6, exploiter sa  forêt, mais pour boucler la boucle, la voiture ancienne et la compétition ne sont  jamais très  loin,  même pour ses loisirs

Alors  quel programme perso en 2012 ?

«  En 2012, le grand truc, je pense que ça  va être le Mans Classic avec l’Aston Martin que  vous avez vue tout à l’heure. »

 

Cette prestigieuse épreuve  permettra au mécanicien tourangeau et de se faire plaisir et de rencontrer  des  clients  actuels ou potentiels.

Gageons qu’il leur démontrera,  comme à nous, que son expertise confine à de la sorcellerie, ce qu’il réfute, préférant mettre en avant sa passion d’abord et un peu d’expérience.

Belle leçon de modestie ! Grand coup de chapeau à cet orfèvre de la mécanique, qui grâce à une procédure de  validation des acquis de l’expérience, pourrait revendiquer le diplôme d’ingénieur motoriste avec la mention Très Bien !

Texte et Photos : Alain Monnot

UN VÉRITABLE ATELIER A L’ANCIENNE, DISCRET …

Sport