Dans le milieu français de la course automobile, le GRAFF Racing est très connu pour ses participations dans les championnats hexagonaux en monoplace : Formule Ford ou Formule 3.
Il faut dire que le boss Jean-Philippe GRAND après une belle carrière (courses de côte, Champion de France en circuits sur Lola en 1982 et 1983, Champion de France Formule Ford en 1984 plus 10 participations aux 24 heures du Mans) s’est ingénié à bâtir une structure solide et véritable pépinière d’éclosion de jeunes talents au point de glaner tout simplement pas moins de …27 titres en 26 années d’activité, avec des pilotes comme Christophe BOUCHUT, Soheil AYARI, David TERRIEN, Jérémie DE SOUZA, Patrick GAY notamment !
La monoplace régnait donc, quasiment en maitresse absolue du côté de Chinon, au sud de Tours, même si en 1993 et 1994, le Team Graff – Gra pour Grand et FF pour François Fayman – avait fait rouler des Alfa Roméo d’usine ou FORD Mondéo.
Comme le dit simplement Jean-Philippe GRAND, qui nous reçoit alors que l’on s’affaire dans les ateliers, pour partir vers Zandvoort en Hollande, disputer la dernière épreuve de la saison européenne du Championnat d’Europe FIA GT3
« Génétiquement on se sent plus proche de la monoplace, mais pourquoi avons nous abandonné la monoplace ? C’est tout simple, parce que la France a abandonné la monoplace. Pour ma part je regrette que la Fédération n’ait pas réunit une table ronde des principaux acteurs pour chercher en commun le pourquoi du déclin de la monoplace et les solutions à envisager pour y remédier. »
De manière très rationnelle, Jean Philippe GRAND nous démontre que pour une logique d’entreprise afin de diminuer les frais fixes il est important de pouvoir coupler deux disciplines aux calendriers complémentaires.
Ce fut le cas en 2007 où le Graff a fait de la Formule Renault et de la Porsche mais l’évolution du règlement a fait que le championnat français de Formule Renault, par exemple, est mort de sa propre mort.
Le manager poursuit en se tournant vers l’avenir :
« Aujourd’hui, il faudrait trouver des solutions pour avoir une Formule Ford qui soit pas chère, très démocratique, un autre échelon qui pourrait être la Formule Renault, plus élitiste et qui permettrait de mettre les meilleurs pilotes nationaux en évidence par rapport aux championnats internationaux. Il faudrait maintenir ce championnat dans le contexte national et que les voitures aient un certain nombre d’années en les rachetant aux équipes européennes. Vous voyez bien qu’il s’agit d’une réflexion globale, ainsi je vais vous dire , je pense que le sport automobile , depuis une bonne dizaine d’années, vit bien au-dessus de ses moyens. On va droit dans le mur. Ça coute toujours de plus en plus cher et rien ne se passe.»
Après cette analyse globale nous revenons sur le virage pris l’an dernier par le Graff Racing qui a couru sur des Corvette (en provenance du Championnat de Tchéquie), avant de porter, cette saison, le flambeau AMG avec les superbes Mercedes SLS et leurs mythiques portières papillon !
Les Corvette donc ont été achetées pour la saison 2010 à une antenne Callaway en Allemagne. Cette entité se situant au niveau d’un préparateur, n’a pu donner que le service d’un préparateur… c’est-à-dire : difficultés pour l’approvisionnement en pièces, disponibilité de personnels…
Malgré tout, la saison se soldera par une deuxième place (frustrante, nous verrons pourquoi dans un prochain sujet avant la présentation de la finale du GT Tour) au championnat de France et une troisième au championnat d’Europe.
Par suite de contacts du manager d’Olivier Panis avec AMG, le Graff Racing se porte sur les rangs pour acquérir en vue de la saison 2011, 2 voitures sur les 20 construites pour la compétition.
Dès septembre 2010, un acompte est versé et une véritable collaboration est entamée avec AMG-Mercedes.
Avec enthousiasme, entre un coup de fil, une demande de précision quant à un dossier de la part de son assistante, le boss nous commente cette relation avec le constructeur allemand :
« Mercedes avait préparé de très longue date leur arrivée dans cette compétition GT, et le moindre détail avait été prévu et optimisé. Aujourd’hui la communication que nous avons avec le constructeur c’est simple, on se tient très régulièrement en relation avec les ingénieurs, nous disposons d’un interlocuteur privilégié en la personne de Thomas Jäeger. Nous avons à disposition des ingénieurs qui viennent si l’on rencontre des problèmes sur les voitures, le service pièces détachées est exemplaire… Les voitures son extrêmement fiables et nous disposons vraiment d’un service exemplaire qui n’a aucune commune mesure avec ce que nous avions connu l’année dernière. Chez Callaway Allemagne.»
Afin de bien démontrer l’implication totale du constructeur dans cette affaire, Jean-Philippe GRAND, précise :
« Pour vous donner un ordre d’ idée de la manière de faire d’AMG, quand ils ont livré les voitures, ils ont loué le circuit Paul Ricard pendant 2 jours, ils ont livré toutes les voitures en même temps à tout le monde et il y avait de nombreux ingénieurs présents pour voir si l’on rencontrait des problèmes pour faire rouler les voitures. Vous voyez, ainsi on est passé de l’amateurisme éclairé et compétent avec Callaway, à la relation professionnelle avec un constructeur. »
Avant de parcourir les locaux techniques d’une clarté et d’une propreté quasi chirurgicales, nous nous faisons détailler le fonctionnement de la structure.
En fait le travail de l’équipe d’une dizaine de salariés peut être réparti en trois parts inégales. Avec les deux championnats (France et Europe) un calendrier compressé entre fin avril et fin octobre et des transports parfois assez lointains, la part logistique est une charge importante et délicate à traiter.
Ensuite, toute la partie maintenance, régie par une véritable check list de travaux systématiques à faire après chaque course ou en fonction d’un certain kilométrage, requiert environ 10 jours de travail, entre chaque épreuve.
Enfin, il ne faudrait pas oublier toute la partie d’optimisation des performances des voitures qui passe par une latitude de choix importants au niveau : des ressorts, des barres, des amortisseurs, les hauteurs de caisse, les cinématiques de suspension….
Ce secteur garant de l’évolution positive des voitures est supervisé par un ingénieur free lance, Renaud Dufour, chargé d’établir les programmes en la matière, exécutés ensuite à Chinon sous l’autorité de l’ingénieur maison.
N’oublions d’inclure les essais de validation et l’on comprendra que la charge de travail est lourde pour toute l’équipe que l’on a pu voir à l’œuvre avec calme et méthode, quasiment à l’allemande, serions nous tenter de dire, tant il semble que la rigueur et l’organisation teutonnes, aient colonisé les ateliers des bords de la Vienne.
Le chef d’orchestre (pardon, le chef d’équipe) de cet ensemble mécanique, Pascal RAUTURIER, non seulement connait parfaitement sa partition, mais est capable de faire travailler tout ce petit monde en parfaite harmonie et avec beaucoup d’efficacité.
La programmation des déplacements (14 courses cette saison plus les essais privés) est effectuée par la polyvalente Laurence et l’organisation du travail par le chef d’équipe.
Malgré leur engagement, leur maitrise technique et leur sang froid le manager confesse :
« Je peux vous dire souvent c’est très chaud, on est souvent dans l’urgence, en juin -juillet, il y avait quasiment des courses tous les week-end, je vous laisse imaginer la tension.. . »
A propos du recrutement des pilotes, nous nous faisons préciser les choses. Effectivement, comme nous le pensions, tous les pilotes du Graff Racing sont des pilotes payants.
Chaque saison le Team reçoit des sollicitations et choisit celles qui sont le mieux adaptées aux programmes et aux ambitions de titres.
Et puis, il existe aussi des fidèles comme Renaud DERLOT qui a été Champion au Graff, en Formule Ford en Formule Renault et en Porsche !
Mike PARISY, était déjà présent aussi en 2010, alors qu’Olivier PANIS et Eric DEBARD, ont frappé à la porte de l’écurie l’an dernier, et tout le monde était content de les faire rouler dans l’équipe du Graff.
A la veille d’aller disputer la dernière course du championnat d’Europe – où il jouera le titre– nous demandons à Jean Philippe GRAND, de nous parler de cette organisation qui semble se porter beaucoup mieux que le Championnat de France.
« Oui le championnat d’Europe est un super championnat, d’abord parce que la FIA est performante pour faire les équivalences de performance et c’est elle qui définit les règles et elles le sont bien. La FIA est très bien assistée par Stéphane RATEL qui fait un super boulot. La FIA, c’est pas des marrants, mais au niveau organisation, il n’y rien à dire, c’est carré, c’est professionnel et c’est un grand plaisir de disputer le championnat d’Europe.
Et, il enchaine:
« Actuellement nous sommes seconds de ce championnat, à quatorze points du premier et il reste cinquante points à distribuer. Pour doubler nos chances au championnat, on a décidé de désolidariser l’équipage. Ainsi Mike PARISY, second au championnat sera associé à Grégoire DEMOUSTIER et Philippe GIAUQUE lui aussi second et normalement associé à Mike PARISY, sera associé pour la dernière épreuve à un pilote « usine » fourni par Mercedes-AMG, c’est-à-dire Thomas JÄEGER. Le pilote écarté, Joackim LAMBOTTE, étant conscient de ses limites et de l’intérêt supérieur du Team, accepte tout à fait cette décision stratégique.
Il n’empêche que malgré cette gymnastique dans la composition des équipages du Graff Racing, le patron précise :
« Vous savez, quoiqu’il en soit nos chances de victoire sont malgré tout très limitées. En effet quand vous gagnez des courses vous récupérez des handicaps, là cela ne se traduit pas en poids mais en temps lorsque vous ravitaillez. Ainsi, lors de la première course nous devrons nous arrêter 15 secondes de plus que nos adversaires, à cause de notre victoire lors de la dernière course en Slovaquie. 15 secondes sur une course d’une demi-heure, c’est énorme ! Mais enfin nous verrons bien. Connaissant bien le circuit de Zandvoort, je pense néanmoins que notre voiture devrait y être à l’aise. Enfin nous verrons bien… ! »
Pour l’heure, chaque mécanicien connait sa partition sur le bout des doigts et évolue avec méthode, sans précipitation.
Le truckiste peaufine certains rangements, le chef d’équipe se concerte avec le patron, les voitures blanches rutilent sous la lumière, les stickers, tous conçus selon une charte graphique AMG-Mercedes attendent d’être collés alors que les caisses de pièces détachées et d’accessoires sont bouclées.
Les puissants camions vont être chargés dans quelques heures et prendre la route pour Zandvoort.
Aucune précipitation, tout le matériel sera prêt et embarqué selon une planification rigoureuse, tout semble bien huilé.
L’équipe et le manager savent bien qu’en course tout est encore possible et même si le titre devrait être difficile à décrocher, la première condition pour que cela puisse advenir, est bien d’être prêt à l’heure.
Nous pouvons assurer les fidèles lecteurs que le GRAFF Racing, sera dans les temps à Zandvoort et vendra chèrement sa peau en course les 15 et 16 octobre.
Toute l’équipe est tendue vers cet objectif ultime même s’il restera encore la finale du Championnat GT Tour, fin octobre au Paul Ricard, que l’écurie chinonnaise abordera dans d’autres conditions d’esprit, que nous présenterons, dans un prochain sujet.
Texte : Alain Monnot
Photos : Alain Monnot et Team grâce à l’obligeance de notre confrère François Fayman