PESCAROLO : EN FRANCE, LA COURSE AUTO TOURNE AU CATACLYSME!

Coup de fil au « grand » pour qu’il raconte sa fin de saison et ce qui va se passer l’an prochain.

Comme d’habitude, on reste scotchés au téléphone parce qu’Henri est à la fois un grand frère, un héros, un sachem, un expert, un ami et de façon non accessoire, il est le parrain de notre avion Big Frog qui a gagné Reno, il ya quinze jours.

Avec Henri, on ne passe pas du temps, on le survole…

Et souvent, les bons points sont accompagnés de sentences extrêmement bien vues.

Résumé de la conversation. Attention, ce n’est pas toujours tendre…

UNE SAISON 2011 « PAS TROP MAL! »

Tu nous racontes un peu ta fin de saison? le titre « pilotes » est gagné, tu rates le titre « constructeur  » d’un point, c’est rageant j’imagine?

 » On a eu un trou en août qui m’a permis de laisser les gars prendre des vacances pour la première fois depuis qu’ils sont sortis de l’ANPE… En septembre en revanche, beaucoup de boulot avec Silverstone et Estoril. Silverstone où au passage, Michelin nous a joué un mauvais tour, les Rebellion, les voitures qui sont nos adversaires directs au championnat, avaient les mêmes jantes que les Peugeot, elles ont pu monter des gommes plus softs que les nôtres. Du coup, elles nous collaient cinq dixièmes au tour, tu multiplies par  190 tours et tu vois le résultatNon seulement on n’a pas marqué beaucoup de points mais on en perd un de plus comme des cons, au dernier ravito, on laisse passer une bagnole qui nous prend le point qui nous manque en fin de Championnat pour être titrés! »

Bon, Silverstone à oublier alors. Heureusement, Estoril se passe mieux?

« Estoril, c’est pas mal d’émotion, c’est la fin d’un Championnat dans lequel Pescarolo s’est beaucoup impliqué depuis des années, on a gagné deux fois, deux fois deuxièmes… Là c’est simple, il nous faut tout. La victoire pour décrocher le titre pilotes et le titre constructeur, titre constructeur pour lequel il nous faut aussi la pole, qui rapporte un point. On arrive remontés comme des pendules, les challenges, on adore ça! »

Cela dit, à propos de challenge, l’année est plutôt positive non?

« Cette année, on s’est bien débrouillés. Parce que Rebellion, c’est un team extrêmement fort. Châssis Lola, moteur Toyota, ça cause! Ils ont aussi de super bons pilotes. Et on arrive contre eux alors que depuis un an, Pescarolo n’existe plus! Sachant que cette année nous avons gagné deux fois et que eux ont fait deux pôles, je trouve que l’on a fait un bel exploit. C’est marrant d’ailleurs, mes mécanos ont eu une part très importante dans ces succès. C’est simple, sur un ravito-changement de pneus, on met 15 secondes aux Rebellion. Du coup, quand mes pilotes ne faisaient pas tout à fait ce que j’attendais d’eux, les mécanos étaient là pour gagner du temps!  

 

Cela dit, en fin de course à Estoril, tu ne fais pas partir Christophe Tinseau, un de tes pilotes les plus légitimes…

« Tu n’imagines pas à quel point ça m’a fait ch… Bon, c’est simple, d’abord on n’a pas fait la pôle, et donc la victoire est obligatoire., au moins pour le titre pilotes.  Normalement, à ce stade de la course,  ce doit être un peu décanté, on doit avoir un peu de mou. Dernier ravito. Et en fait, à quarante-cinq minutes de l’arrivée, on est alors au sommet de la guerre, on se bat au couteau avec la Rebellion de Boullion. Il a enchaîné deux relais, je n’ai guère le choix. Car d’une part, un changement de pilote prend un peu plus  de temps et surtout, on ferait partir un pilote qui est à froid contre un mec qui est chaud bouillant. J’en ai discuté avec Christophe, on est vite tombés d’accord pour faire continuer Jousse sur un deuxième relais. C’est sûr, je m’étais engagé, auprès de mes trois pilotes (Christophe Tinseau, Emmanuel Collard, Julien Jousse) à les faire courir, en dehors des 24 heures du Mans. Mais trois pilotes sur une course de six heures, c’est bâtard, ça ne le fait pas. Sauf quand on est franchement devant, ce qui n’était pas le cas. On était vraiment à la seconde près! Bon, on gagne le titre pilotes, sauf pour ce malheureux Christophe, on perd le titre constructeur d’un point. Ce n’est pas idéal, mais ce n’est pas trop mal. « 


L’année prochaine, les LMP1 n’ont plus le droit de courir en LMS. Donc tu feras forcément le Championnat du Monde?

Je ne sais pas où je serai l’an prochain… J’essaie de convaincre mes partenaires de me suivre en Championnat du Monde. Le problème est que la voiture en France, c’est devenu politiquement incorrect, ça tue et ça pollue. Tu vois des partenaires français dans les courses d’endurance, à part les miens et ceux d’Oreca? Rien.  »

Et, Henri lâche:

 Économiquement, politiquement, c’est un désastre. Un cataclysme. Je rencontre des patrons de grosses boîtes qui adorent le sport auto, qui voudraient y devenir sponsors mais leur Conseil d’Administration leur interdit.  »

Avant de poursuivre: 

Le LMS va devenir la D2 (deuxième division) donc je n’ai pas envie d’y aller.(Henri fait allusion au fait que l’an prochain, les voitures LMP1 seront interdites en Championnat LMS). Cela dit, si je vois débarquer trois jeunes pilotes qui viennent avec des financements, je repenserai la question. Mais à priori je veux faire le nouveau Championnat du Monde. Les budgets vont grimper puisque les écuries vont voyager partout, on ne sait pas encore comment on sera aidés.  »

Avant de nous expliquer:

En fait, de façon certaine, il ya quatre écuries qui vont faire le mondial, Peugeot, Audi, plus les deux qui se financent sur leurs fonds propres, Strakka et OAK. Pour les autres, c’est en pointillé. Cela fait sept ans que je crie à l’ACO qu’ils nous tuent. Les règlements qui sortent nous accordent seulement de faire de la  figuration. Oui, mon objectif est bien le Championnat du Monde. Je ne sais juste pas comment je vais y arriver…  » 

 

Voilà. Quand j’ai raccroché, le moins que l’on puisse dire est que j’étais mal à l’aise. Je me suis alors souvenu que le pré-règlement de l’ACO prévoyait une réduction de 40 cv des moteurs diesel et que de façon très rapide, cette modification a été retirée….  

Veut-on vraiment que le Championnat du Monde qui se met en place dans l’endurance devienne aussi insipide que l’a été le dernier GP de F1 à Singapour, joué au bout de cent mètres de course?

Je commence à avoir un peu de bouteille dans ce sport. je me souviens, en endurance, de formidables luttes entre des écuries aussi prestigieuses que Jaguar, Ferrari, Ford, Aston Martin, Matra…

L’engouement mondial pour les 24 heures était total.Au moment du départ, le  monde s’arrêtait!

Aujourd’hui, on a l’occasion de multiplier ce genre d’évènement. Ce serait terminé avant de commencer ?

Jean Louis Bernardelli

Photos : Patrick Martinoli – Thierry Coulibaly

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