Tout spectateur ou lecteur intéressé par les courses d’endurance se pose la question de savoir comment une grande firme comme Michelin, qui équipe cette année 38 des 56 voitures engagées, peut réussir la gageure de servir avec équité les deux grands Teams que sont AUDI et PEUGEOT.
Cette question, nous l’avons posée à Nick SHORROCK, directeur de la compétition du manufacturier Clermontois qui a eu la grande amabilité d’accepter de nous rencontrer en salle de Presse en cette nuit mancelle, un peu avant 1 heure du matin .
Voulant d’entrée de jeu prendre de la hauteur, notre interlocuteur rappelle que Michelin est dans le sport automobile depuis près de 100 ans et que cet engagement, en raison d’un lien très fort entre pneu de compétition et de série, nécessite une très grande crédibilité qui passe par des partenariats sportifs équitables.
Nick SHORROCK poursuit :
« A nous de mériter la confiance qui ne se construit pas du jour au lendemain, il faut souvent plusieurs années. Pour ma part, j’ai un seul objectif en la matière : satisfaire les attentes de tous nos partenaires, qu’ils soient vainqueurs ou moins bien classés. »
Avec précision et courtoisie, le patron de la compétition de Bibendum nous explique comment pour les deux grands rivaux, le travail de définition des produits est conduit.
Premier grand principe : comprendre les besoins de chacun des teams. Pour cela, à partir des données techniques fournies par les constructeurs des protos LMP1, les analyses du manufacturier conduisent à la conclusion qu’on a besoin de deux pneus différents pour Audi et pour Peugeot.
Affinant un peu plus l’analyse (charge sur l’avant, sur l’arrière et diverses contraintes), on arrive ainsi à déterminer ce que cela demande comme type de pneu. Alors que l’an dernier les dimensions étaient : 33x68x18, on est passé à 36x71X18 cette année.
En second lieu, pour atteindre les performances attendues, les innombrables combinaisons possibles entre structure et gomme, permettent de développer le pneu définitif, en laboratoire.
« Pas un mètre sur la piste ne sera parcouru avec un pneu qui n’ait pas été validé en interne sur machines tant du point de vue de la vitesse maxi que de l’endurance », poursuit notre interlocuteur.
Lequel enchaine :
« Nous arrivons à proposer près de 50 solutions que les teams testent, ce qui nous permet alors de mieux situer les besoins réels et validés des uns et des autres. Nous disposons ainsi d’une sorte de menu à la carte avec des panachages possibles, nombreux.
Chez Audi, comme chez Peugeot, un technicien Michelin récolte les infos des uns et des autres ce qui nous permet alors de disposer d’une base de données très riche. De là, nous tirons des certitudes dans le bon ou le mauvais sens. Fort de cela, nous allons pouvoir restituer à chaque team des informations qui lui sont spécifiquement dédiées. Ce traitement équitable de nos partenaires leur permet alors par réductions successives des choix, d’arriver en mars à des choix définitifs qui conduiront à des simulations en piste de 30 heures ! »
Le circuit des 24 heures avec ses portions de piste et de routes aux revêtements très disparates pose bien entendu des problèmes particuliers, mais Monza peut se montrer un circuit plus exigeant alors que Sebring servira pour la validation des pneus course.
Toutes ces données spécifiques sont connues et prises en compte afin d’ajuster au mieux les produits mis à disposition des teams.
Au delà de la conception et la fabrication des pneumatiques de course, Michelin, avec engagement et passion a également pour objectif de donner les bons conseils au bon moment.
Quand, par exemple, le Docteur ULRICH demande au technicien attaché au team s’il faut changer les enveloppes ou non à un moment crucial d’une course et qu’il assumera en personne le choix proposé, on voit bien combien la crédibilité du travail de tous les personnels Michelin est forte chez les partenaires.
La confiance réciproque est totale pour cette 79 ème édition des 24 heures du Mans.
Les 100 personnes présentes sut le circuit de la Sarthe dont 30 techniciens mettent tout en œuvre pour que les clébres couleurs jaune et bleu, soient encore à l’honneur à l’arrivée.
7000 enveloppes sont à disposition dont 30% de pneus pluie.
En raison du nombre d’heures déjà passées sous voiture de sécurité, tout le stock ne sera pas utilisé cette année mais chaque technicien dans chaque team aura à cœur de proposer à tout moment la bonne décision en fonction des produits disponibles et des conditions de piste.
De cette manière Michelin démontrera, si besoin était, qu’il sait coupler –très souvent avec bonheur– équité et compétitivité.
Texte : Alain Monnot
Photos : Patrick Martinoli