RALLYE OILIBYA DE TUNISIE : VENT D’EST A TATAOUINE…

Des polonais à moto, des russes en auto…

L’Europe de l’Est est à la mode en arrivant dans cette ville de Tataouine, synonyme pour toute une génération de « toulabatrailoin »…

En bref, le motard leader s’appelle Jakub Przygonski,  et en tête des autos on trouve Leonid Novitsky.

Le métier de journaliste des sports mécaniques va devenir costaud, au niveau des interviews et de la prononciation !

TATAOUINE EXISTE, ON L’A RENCONTREE…

On se marrait avec Schlesser, la veille de cette étape. Son père, mon père, et donc nous-mêmes, pour symboliser un endroit perdu dans le monde, ou en ce qui me concerne pour évoquer une rue paumée de la banlieue parisienne, nous utilisions l’expression « C’est à Tataouine ».

C’est devenu un tic de langage, comme l’on dit que tel endroit est « à dache » ou à Petaouschnock.

Alors forcément, quand on y va, gros sourire et même gros fantasme, certains ont rêvé de Katmandou, moi c’était plutôt le Grand Sud.

Nous sommes donc, allez voir sur une carte, c’est étonnant, très  en bas et très à droite de la carte du pays, bref au sud-est, pas loin du tout du reste, de la frontière Libyenne !

Du coup l’armée est très présente sur le rallye, avec de gros moyens. La sécurité des voyageurs et des touristes qui choisissent la Tunisie est un atout crucial de l’économie de ce pays.

Alors on ne lésine pas. Au passage, cela prouve aussi que la révolution est solide. Nous ne nous lancerons pas sur le sujet, nous avons choisi de dire aux Tunisiens que nous sommes avec eux, basta.

Pour sa quatrième étape, la plus au sud du pays, menant le rallye de Ksar Ghilane à Ras El Oued, près de Tataouine, les résultats sortent un peu de l’ordinaire. Les Champions sont là.

Mais pas tous, loin s’en faut, en haut de l’affiche.

MOTOS : ON SE MET AU POLONAIS…

Le Team polonais « Orlen » est à la fête à Ras el Oued…

Mais d’abord le triste fait du jour. Le motard Chilien Lopez »Chaleco » est tombé. Il roulait assez fort dans un groupe de quatre motards, en tête du rallye.

Evacué par hélico sur l’hôpital de Djerba, les médecins du rallye, avant les radios, ont diagnostiqué une cheville et une main gauches cassées.

Au niveau du thorax, probablement des côtes cassées et une douleur dans le dos. C’est évidemment sérieux. Mais il n’est pas dans le coma, et surtout, aucune paralysie, tout bouge impeccablement.

Ouf !

Quatre motards vont rester avec le blessé, arrêtant leur course. Jordi Viladoms, Helder Rodrigues, les pilotes Yamaha, ainsi que le Polonais Przygonski et l’italien Manuel Lucchese.

A l’arrivée, le collège des commissaires moto déduit évidemment les temps perdus par ces pilotes au chevet de leur pote, ce sont les mouchards des GPS qui indiquent ces temps.

On m’a même dit que le premier arrivé sur les lieux, le Polonais, a lancé immédiatement, comme un vrai pro, la procédure d’urgence, en déclenchant en particulier la balise de détresse du blessé, permettant à l’organisation de situer immédiatement qui est tombé, à quel endroit précis de la spéciale etc…

Après calculs, Viladoms (photo) gagne la spéciale, devant Przygonski, Rodrigues, Czachor et Dabrowsky.

La Pologne est à la fête !

Et au général, Przygonski est en tête, quatre minutes devant Rodrigues, trente trois minutes devant Czachor. Suivent Dabrowsky, quatrième et Viladoms, cinquième !

Nous allons donc très logiquement discuter le bout de gras avec les mécanos du Team Polonais.

Je trouve Woyciech Szczevanski et Zbignew Radzikonski en train de travailler sur les motos.

« Notre secret ? Le mot d’ordre aujourd’hui était « doucement ! ». C’était une spéciale très dangereuse. Ensuite, il ya une grande coopération entre la logistique et les pilotes. Nous sommes sept au total, trois pilotes, trois mécanos et un manager. Nous recevons un gros coup de main d’Orlen, un pétrolier Polonais, et de KTM Pologne. Enfin, et cela compte au résultat, il ya l’expérience. Jacek Czachor par exemple, a fini dix Dakar. Et comme nos pilotes roulent beaucoup ensemble, cela fonctionne ! ».

Et alors, lecteur, tu te demandes en quelle langue on a parlé ?

D’abord, les Polonais sont les européens les plus doués pour les langues étrangères. Une amie de Varsovie m’a dit un jour qu’à force de voir passer les invasions, de se faire écraser par les allemands d’un côté, les russes de l’autre, au point, fait quasiment unique sur notre vieux continent, de ne plus exister du tout à un moment de son histoire, la Pologne a dû s’ouvrir largement aux cultures voisines !

En quelle langue alors ?
Chttt…il faut bien que je t’épate encore un peu non ?

AUTOS : LA PISTE RUSSE

Leonid Novitsky, ci-devant pilote officiel BMW, a plusieurs raisons de vouloir décrocher ce rallye.

Il est Champion du Monde  de la discipline et veut le rester… Mais aussi, il ya quelques années, il a été victime d’un accident incroyable, en Tunisie, à pleine vitesse, à pas loin de deux cent kilomètres heure, des tonneaux à n’en plus finir, son équipier blessé grave, lui qui a failli y rester… ce genre de truc, ou ça bloque ou ça motive…

Et là, ça le pousse clairement.

Jean Louis Schlesser, la veille, au dîner du bivouac, était assez lucide.

« Demain, pour gagner, il faut avoir de la reprise. Des chevaux qui arrivent en quantité quel que soit le régime moteur. Et ça, malheureusement, ce n’est pas notre point fort. En toute logique, je serai troisième. Avec un peu de chance, je me battrai pour ne pas être doublé ».

Et il me voit regarder d’un air étonné son coéquipier russe (tiens ?) qui chiffonne consciencieusement chaque feuille de son road book du lendemain.

« C’est pour être sûr se ne jamais arracher deux pages en même temps. Après il les lisse mais elles ne collent pas. »

Mine de rien, en lisant autonewsinfo, vous en apprenez des choses !

Nous sommes en début de spéciale le lendemain. Très roulant mais effectivement, pas de bouts longs, il faut sans cesse freiner la mort sur les dunettes qui traversent la piste et relancer comme des malades.

Vingt cinq kilomètres après le départ, Schlesser a déjà perdu trente secondes. Novitsky, derrière, est déchainé. Sur ces pistes très caillouteuses, il y a beaucoup de poussière. Il voit donc le sillage de Schlesser, parti deux minutes devant lui.

Comble de malchance, ce jour-là, il fait un temps sublime, la visibilité est à des kilomètres. Une sorte d’hallali se prépare.

Un peu plus tard, apparaît la BMW de Nani Roma, qui a fait un gouffre la veille en cassant du matériel et qui a donc les dents longues ce matin là.

Les moteurs des BMW « remplissent » de façon phénoménale. Un chant de victoire…

Nous voyons aussi passer la BMW du tchèque  Zapletal (il y en a quatre au total) qui jardine (qui s’est perdue), qui revient sur nous en hors piste et se flanque dans un creux de sable.

Bloqués !

Et sous nos yeux ébahis fonctionne alors la magnifique kolossal teutonne technologie…

Un vérin hydraulique sort sous la voiture, un peu comme ce qui existe sur les voitures qui courent en endurance quand elles changent de pneus.

Ici, le vérin s’appuie sur une plaque de surface très importante, pour ne pas s’enfoncer dans le sable, et remonte l’auto, la sort de sa gangue de sable.

Une fois, deux fois si besoin, petit coup de gaz, on bouge de quelques centimètres, largement assez pour repartir…  hop !

Sortis d’affaire !

Tout cela pour dire que la cavalerie germanique est assez invincible en ce jour.

Bilan : Roma vainqueur de la spéciale, devant Novitsky à trois minutes. Schlesser, conformément à son pronostic, est troisième, avec presque cinq minutes dans la vue.

L’étape suivante fera près de quatre cents kilomètres de long. Ce sera évidemment là que les tactiques n’auront plus court, il faudra juste ouvrir les gaz et les yeux, en grand !

Au général, Novitsky est repassé en tête devant Schless’, et ce pour une minute et dix secondes.

Ça va charcler !

C’EST NOUS LES AFRICAINS QUI REVENONS DE LOIN…

Refrain dont il faudra trouver l’air sur Youtube !

Cela sent sent son légionnaire et en arrivant à Tataouine, en voyant le panneau « Welcome », j’ai pensé aux centaines de militaires indisciplinés qui allaient casser des cailloux sur les routes du coin, dans les tristement fameux « Bat’ d’Af’ ».

Les temps ont vraiment changé. Même si l’Afrique se mérite, on y va aujourd’hui avec bonheur.

J’ai passé la journée avec un mec formidable, Arnaud Delmas-Marsalet, alias « Monsieur la compagnie saharienne » dont je vous ai déjà parlé en novembre dernier lors du Rallye du Maroc.

Préparateur de voitures destinées aux raids, installé à Périgueux, il va bientôt sortir aussi une série limitée de BMW préparées « Afrique », avec une technologie énorme, en particulier une antenne satellite qui se déploie à l’arrière pour être branchée sur Internet dans le monde entier !

Bref, il aime le désert, les voyages, l’auto et la moto.

Son Toyota est un rêve de pistards. Il suit les rallyes en donnant des coups de main aux organisateurs, juste pour le plaisir. Maroc, Tunisie, Dakar, Raids BMW, c’est en plus un spécialiste du pilotage dans les dunes, où il barre comme sur un voilier dans une mer forte ! I

Il arrive que l’on sorte la pelle, c’est encore du plaisir. Avec lui, on a fait aussi le bon Samaritain en ramassant un russe (qui s’appelle Pavlov !) bloqué sous son quad retourné, on a fait les bons vivants en sortant à huit du mat, (on se lève ici à cinq heures) beaujolais et spécialités gourmandes de son coin (il a évidemment un frigo à bord), on a photographié des animaux du désert (il est dingue de faune), on a fait virer de bord un troupeau de cent chèvres qui allait traverser la piste devant les bolides du rallye, on a servi de balises pour des motards totalement paumés dans le chouf, bref, ce garçon est le plaisir de vivre.

Un mec à connaître d’urgence…

[email protected] et www.compagniesaharienne.com.

Dans les jours qui viennent, retour vers Tozeur.

Géant!

Jean Louis Bernardelli

Photos : Alain Rossignol – Arnaud Delmas-Marsalet

Sport

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