RALLYE OILIBYA DE TUNISIE : LE GRAND BLEU DANS LE GRAND JAUNE…

Après deux jours de course, Schlesser « Le Grand Bleu » mène la danse devant l’armada BMW.

Le « GRAND » sait finalement tout faire, et tout faire bien.

Foncer à près de 200 dans les secteurs caillouteux, slalomer avec génie entre des montagnes de sable (le grand jaune),  grimper ces Himalaya de dunes quand il n’y a pas le choix pour enfin mettre ‘’le coup de la mise à mort’’ au bon moment sur 250 km de spéciale.

Finement joué !

On saura à la fin de la semaine s’il a su garder cette victoire au frais, face à de très bouillants pilotes BMW !

OF WIND, SANDS AND STARS

C’est le titre du roman de Saint Ex “Terre des Hommes” qui a été publié aux USA avant de l’être en France.

Et il résume magnifiquement les deux journées que nous venons de passer sur ce Rallye de Tunisie 2011.

Deux jours au lieu de trois, une étape a dû être annulée pour cause de vent de sable, lundi.

Avec des résultats surprenant.

Schlesser qui mène en catégorie auto, alors que son buggy deux roues motrices aurait pu ne pas être à la fête dans les énormes dunes que les concurrents ont dû franchir.

En moto, le polonais Przygonski, sur sa KTM, est allé chercher Rodrigues (Yamaha) et Lopez « Chaleco » (Aprilia) qui pensaient peut être que le rallye était forcément pour eux.

Et en camion, si Jacinto et son Man s’apprêtent à prendre de gros points dans le Championnat du monde, une méchante herbe à chameaux,  a failli casser le bel attelage.

Alors Saint Ex ?

« Wind ».

Le vent.

Un enfer, décrit ci-dessous. « Sands ».

Les sables. Superbes, rouges, ocres,  autour du sublime oasis de Ksar Ghilane, probablement un paradis quand le Sahara n’envoie pas ce qu’il a de plus hideux, son vent brûlant, jaunasse,  chargé de poussière.

Stars ?

Comme l’indique l’affiche de ce rallye, les Champions du monde sont au départ.

Ce qui est bien.

C’est l’arrivée qui va être forcément cruelle…
Mais d’abord l’enfer du jour…

BIVOUAC : DANTE N’AVAIT RIEN VU !

C’est un titre d’Albert Londres, qui voulait ainsi décrire l’enfer.
Pour les participants du rallye, au bivouac de Ksar Ghilane, qui doit être un endroit formidable quand il fait beau, l’enfer en question a commencé à trois heures du matin, avec un vent très fort qui s’est levé dans une sorte de ruée, une saloperie de ‘’zeff ‘’ brûlant venant droit du sud, du Sahara, la fournaise par rafales d’une violence insensée.

Au lever du jour, le camp est dévasté.

Pour évoquer cette fois Pierre Dac et Francis Blanche, cela ressemble à la prise de la Smalah d’Abd El Kader en 1843 !
Une dévastation.

Ce rallye était un truc énorme, 60 véhicules et 120 personnes côté organisation, à peu près autant pour les participants, leurs assistances, les véhicules des sponsors, parfois genre Tour de France, et la presse.

C’est devenu une pauvre petite chose, éparpillée dans la palmeraie de Ksar Ghilane pour chercher la protection dérisoire d’un massif végétal, d’un mur de feuilles de palmiers, ou simplement pour s’abriter derrière une paroi de tente torturée par les éléments, derrière une voiture ou un camion.

C’est interminable

Ce n’est pas du vent de sable, qui est une sorte coup de massue qui déchire le visage et ensevelit tout sur son passage.
Ici, c’est un envahissement de fines particules de poussière. En fait, c‘est un blizzard de sable.

Comme au Canada sauf qu’ici ces cochonneries de grains minuscules remplacent la neige qui elle, a un avantage : elle fond et ne rentre pas dans les narines…

On s’est levé d’autant plus de bonne heure que les tentes entamaient la Danse de Saint Gui, bref on est debout à cinq heures.

Et…on attend, rassemblés dans la structure de restauration du bivouac, totalement martyrisée mais qui a tenu, elle, miraculeusement le coup.

Il y règne une atmosphère de refuge de montagne !!!

Les deux fédérations concernées par le rallye, Auto et Moto, discutent à une table. Elles stipulent toutes deux dans leurs règlements qu’une course tout terrain ne peut se dérouler sans qu’un hélicoptère puisse décoller, afin de pratiquer en cas de pépin la fameuse « eva-san », l’évacuation sanitaire.

Et évidemment, pas d ‘hélico.

La violence des rafales, l’absence quasi-totale de visibilité au sol rendraient un vol extrêmement dangereux.

Dans une amélioration qui durera hélas peu de temps, on tente de faire partir une spéciale raccourcie.

Rien à faire. Journée perdue.

Alors que cette saloperie de sable traverse les paddocks à l’horizontale, nous faisons un tour, look détonnant en tête, chèche noué à la touareg pour protéger les lèvres et le nez, et lunettes de moto pour les yeux.

Un petit bar, à un kilomètre du bivouac, accueille ceux qui ont réussi à le dénicher dans les nuages jaunasses qui volent partout.

Et… petit moment de magie, les hôtesses Red Bull, qui ont amené ici, au fond du fond du monde, une « Mini » coiffée de son énorme canette, demandent à un jeune serveur comment on utilise ce fameux chèche.

Démonstration de toutes les façons de faire, avec cheveux courts, longs, chignon, etc…
Fashion, défilé façon Ksar Ghilane, j’oublierai le vent mais pas ces moments là !

CAMIONS : LA PORTUGAISE NON ENSABLEE…

On sait qu’Elisabete Jacinto est une artiste, une bijoutière de la trajo aux commandes de son pachyderme, un Man plein de chevaux…

On a vu à l’Africa Race de cet hiver qu’en revanche, le sable n’était pas son terrain de jeu favori, le camion manque encore un peu de puissance et elle doit dégonfler les pneus autant qu’elle le peut pour grimper les dunes pharaonesques du parcours.

Alors ?

Alors, il arrive que l’on déjante.

On déchante aussi d’ailleurs dans ces cas-là. Car changer un pneu sur un monstre comme celui-là, ce n’est pas de la tarte !

Charly Gotlib, son copi belge, raconte.

« Un pneu, si tout se passe bien, c’est quinze minutes. Mais le premier ennui de la journée, c’est en bas d’un dévers, dans une vallée de sable, on a tapé dans une touffe énorme d’herbe à chameaux. On a arraché la carrosserie avant droite et un pneu y est resté. Bon, le reste de la journée, normal… ».

L’herbe à chameaux !

L’autre merde absolue du Sahara avec le blizzard de sable.

Comment c’est ?

De loin, c’est de l’herbe. Un peu haute, façon les blés murs, ou les graciles roseaux en bord de rivière. Quand tu tapes dedans, c’est du béton. Parce qu’ici, où rien ne pousse, un végétal est vite une forteresse.

Pour arriver à broyer ça, il faut en effet des mâchoires de… dromadaires, il n’y a pas de chameaux en Afrique

Un chameau a deux bosses, un « drom » une seule.

Les deux bosses, c’est en Asie Centrale, les copains de Marco Polo…

Bon, en voiture ou à moto, tu effleures cette herbe, t’es à l’hosto.

C’est simple ? Pas assez ?

Bon. Herbe à chameaux=platanes, sauf que ça se voit pas aussi bien…

AUTOS : ATTAQUE SUR 200 BORNES

C’est simple, nous sommes allés au départ et à 20 kilomètres de l’arrivée, c’est l’avantage des épreuves en boucle.

C’est la BMW de Novitsky, en tête à l’issue du premier jour, qui est partie la première. Schlesser, deux minutes derrière.

La suite est écrite au premier « kil ». Le russe envoie du gaz dans tous les sens, la voiture balaye toute la piste alors que l’on est en ligne droite.

Le slave est clairement nerveux, voire violent. Schlesser derrière, vite, bien sûr, mais presque calme, alors que l’on imagine à quel point le pilote a envie d’en découdre.

Les « abeilles dans le casque » ?

C’est pour le russe. Et l’on imagine le scénario. Un Schlesser rattrape la BMW.

Classique. Il a donc récupéré la minute quarante cinq perdue la veille

En passages lents, dans les dunes, les traces du premier rendent la montée plus facile, à condition de ne pas se planter en haut, sur la crête.

Et après ces dunes terrifiantes, il ya des bouts droits, caillouteux certes mais plats. Avec des pièges partout, des petites dunettes, l’herbe à chameau décrite ci-dessus, les radiers, les grandes pierres coupantes qui viennent vous flinguer un pneu, sur le côté, en dérive dans les grandes courbes…

On passe alors de l’intelligence du terrain au pilotage pur.
Et là bien sûr…

Maestro Schless se permet non seulement de passer le russe, mais de lui flanquer trente secondes de plus, alors que répétons le, Jean Louis n’est pas sur le terrain favori des buggies.

Ce n’est rien trente secondes, surtout en tout terrain, mais le doute est maintenant dans la tête du russe…

Et derrière ?

Trois autres BMW, celles de Zapletal, Roma et Garafulic.
Inexistantes.

C’est de l’ordre de 40 minutes de retard ! Roma a terminé en trombe mais avec l’avant droit de la carrosserie en moins. Arrivederci Roma !

MOTOS : ON JOUE LA POLONAISE…

Donc, nous vous avions laissé sur une belle bagarre entre Rodrigues et Lopez, alias « Chaleco »  star du Dakar.

Yamaha contre Aprilia, pour une fois pas de KTM officielle pour venir égorger cruellement les espoirs et les recherches technologiques des autres.

Et pourtant !

La KTM privée de Jakub Przygonski va quand même venir jouer les éléphants dans le magasin de porcelaine. Il est parti quatre minutes derrière Rodrigues et deux minutes derrière Chaleco.

Il est six heures du matin, heure avancée par l’organisation pour cause de fraîcheur du sable, non pour s’y baigner mais parce que le sable du matin est porteur.

Pas de vent, lumière divine du désert, les poursuivants sont bien entendu favorisés, ils voient leur écart sur ceux qui sont devant,  ils voient leurs erreurs ou leurs hésitations, bref ils contrôlent et du coup ils sont moins fatigués. Il ya un guide devant quoi.

Faut suivre, c’est sûr, on va extrêmement vite, mais si l’on suit, c’est moins dur.

Comme en plus les deux devant se battent entre eux, ils voient venir le troisième homme un peu tard.

Trop tard.

Surexcité le polonais, super moto, super moral, super forme… et super chrono au bout.

Bilan, victoire de spéciale, et leader au général.

Le titre de Saint Ex cité en début de récit devient donc…

Of wind, sands and (new) stars…

Jean Louis Bernardelli
Photos : Alain Rossignol – Arnaud  Delmas Marsalet – Jorge Cunha.

 

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