ESSAIS PRELIMINAIRES LE MANS 2011 : UNE JOURNEE CHEZ LES VERTS AVEC HENRI PESCAROLO

A l’occasion des essais préliminaires des 24 Heures 2011, nous avons pu passer la journée avec le Team Pescarolo, pour le retour du pilote le plus célèbre de l’endurance française sur ce qui est son « chez lui », le magnifique circuit du Mans (le grand, 13,471 km, avec, entre autres, les fameuses Hunaudières).

Journée très positive mais constat terrifiant.

Alors que le nouveau règlement des 24 Heures devait atténuer l’avantage considérable concédé aux moteurs diesel, on est loin du résultat annoncé ! 

Trés loin…

DEUX MONDES QUI NE SE RENCONTRENT PLUS

Cela commence dans le train, au départ de Montparnasse, au matin de ces essais. Les wagons sont pleins de fans qui se rendent au circuit (au fait, la SNCF, au lieu du tarif maxi, aurait pu prévoir des billets « Le Mans », c’est dans une autre vie sans doute que l’on aidait le sport…).

On discute ferme.

Et la vraie star de la journée, c’est clairement la voiture Numéro 16, celle de Pescarolo Team.

Pour les autres, les six voitures officielles Audi et Peugeot, on sait qu’ils feront les meilleurs temps de la journée, on se dit avec un sourire narquois que la victoire, en juin, sera juste pour le team qui n’aura pas fait de conneries.

La phrase du matin ?

« Derrière les six, si Pesca finit sept, il aura gagné Le Mans » !

Et on ne comptabilise pas la 908 Oreca !!!!

Ambiance ? Enorme !

Il faut dire que la totalité du personnel de l’entreprise Eolen, un nouveau sponsor de Pescarolo team, est à bord du train. 66 personnes plus les copains et la famille, c’est sûr qu’en ce début de journée, le cœur est vert…

Voilà la première des deux courses qui se disputeront ici. Une compétition qui est toujours la plus dure au monde mais qui garde un côté très humain.  

Et lorsque l’on arpente les stands, cette double course saute d’entrée à la figure, avant de lire un quelconque chrono.

D’un côté la bande des six (des sept d’ailleurs, Oreca engage une Peugeot de l’an dernier) et à des années lumière, les cinquante autres autos du plateau.

Cette impossibilité de rassembler deux mondes qui n’ont rien à voir, explose à l’œil le moins averti.

A l’entrée du stand du lion, aspect « club privé » mais encore élégant, avec quand même deux cerbères à l’entrée, et chez ceux d’Ingolstadt, c’est carrément d’un pompeux césarien total, avec entrée monumentale façon  muraille médiévale, signifiant aux manants, qu’ils ne sont pas les bienvenus.

Je ne suis pas venu depuis des lustres au Mans, je voudrais juste rappeler à ces messieurs que leur premier trésor, ce sont leurs clients et que les clients en question peuvent avoir envie, quand ils ont fait le déplacement, de voir un coin de voiture ou un bout de pilote…

Bon, c’était juste une remarque en passant…

INSIDE LES VERTS

Sur le stand des verts, Madie Pescarolo comme d’hab,  officie en maîtresse de maison, regrettant d’ailleurs l’exiguïté des lieux, mais avec une seule voiture, c’est le lot d’une écurie ne disposant pas de budgets pharaoniques.

On reparle de la récente victoire du team au Castellet. On évoque rapidement les souvenirs, on parle « chiffons » !!!

Madie est venue ici pour la première fois avec son père à l’âge de 10 ans, elle est ensuite entrée dans le monde des stands en 1976 et ne l’a plus quitté depuis.

Elle me parle de la maison louée dans les Hunaudières, ce qui est pratique à l’année, l’atelier est tout proche, et ce qui devient vital à l’approche des 24 Heures, où il n’y a pas une chambre à louer à 100 km du circuit !

Puis, elle s’occupe de protéger le stand.

Ici en effet, on sait écarter les curieux  et les fans avec beaucoup d’élégance, pour ne pas gêner le travail des mécanos, mais l’accueil est humain, on reçoit les amis avec toujours un petit mot sympa.

Sur les murs latéraux du stand figurent les noms des 1500 membres de l’association « Pescarolo 2011 », dont 900 ont fait un don financier.

On est dans une vraie passion.

Tout le monde arbore fièrement sa combinaison Stand 21, un matériel très en pointe sur la sécurité et l’élégance, fabriqué par des artisans de génie à Talant prés de Dijon.

La qualité est l’autre arme de Pescarolo Team avec la passion. Et ça marche !

C’est Emmanuel Collard qui a pris le premier relais. Christophe Tinseau m’explique que si tout va bien, chacun des trois pilotes du team tiendra le cerceau, 1h 20 le matin et autant l’après midi.

A dix heures trente, Collard rentre, la voiture est roulée à l’intérieur du stand.

« Elle est légère » dit-il, « si on ne fait pas gaffe, en rétrogradant, sur une bosse, on peut perdre la voiture ».

Tinseau le Solognot, me précise que dans le jargon des pilotes, une voiture légère signifie qu’elle a peu d’appui. Perdre la voiture ne signifie pas la détruire mais l’espace d’un instant, c’est la voiture qui va décider où l’on va, c’est désagréable

Peu d’appui ?

Claude Galopin, l’ingé qui officie dans le stand quand Henri est de l’autre côté, au muret, dit qu’il est heureusement surpris, en ligne droite, la voiture prend plus de 320 km/h, c’est mieux que ce qui était prévu.

Mais justement, pour aller vite, il faut diminuer l’appui…

Le dilemme cornélien des sports mécaniques modernes.

Et justement, en fonction des infos données par Collard, on décide d’augmenter un peu l’appui. Cet arrêt nous permet de parler avec Henri, vert…de rage.

Et il n‘est pas le seul dans les pits (les stands).

« La différence entre les « diesel » et les «essence » est énorme, encore pire que ce que l’on imaginait. Fait ch…  En ce qui nous concerne, comme on n’a pas couru ici l’an dernier, on a des réglages à trouver mais pour l’instant, pas de mauvaises surprises ».

Claude Galopin démontre de façon terrible, chiffres à l’appui, l’iniquité du règlement.

« C’est simple, dans le secteur 2 du circuit, celui où se trouvent les lignes droites, on prend six secondes. Je suis évidemment incroyablement heureux d’être là mais tout de même, c’est un coup à avoir envie de rentrer à la maison ! »

Il se tourne vers Collard. On est alors aux alentours de 3’42’’ au tour. « Elle vaut 38 ? » (Comprendre 3’38’’).

« Mieux que ça » répond Collard, bref le moral est bon et la voiture donne ce que l’on attend d’elle.

Clin d’œil amusé du vieux journaliste que je suis, quand on rentre les pneus qui viennent d’être changés, l’ingénieur de chez Michelin a un doute sur un trou dans la gomme.

Dans ce monde totalement dédié à l’ultra technique, pour vérifier qu’il n’y a pas de crevaison, l’ingénieur… a craché sur le trou !

Un truc qui doit remonter au Tour de France Vélo des années trente !

Et qui demeure toujours le plus fiable au monde.

Fin de matinée. La Pescarolo numéro 16 est la meilleure des « essence ».

Avec un chrono de 3’37’’640, elle devance la Rebellion Numéro 12 où officie le jeune Nicolas Prost. Et pourtant, Henri ne décolère pas.

Soupçon d’humour noir même.

« Tu crois vraiment que je viens ici pour me battre en septième ou huitième place ? Meilleur « essence » c’est bien. Je suis aussi le meilleur des voitures bleues avec des bandes vertes… En plus les autres (il désigne l’équipe Peugeot) qui font un concours de lenteur, ça m’énerve ! »

La comparaison est éloquente.

Les Audi, qui ont fait les meilleurs temps, puisqu’en effet Peugeot lève le pied, sont dix secondes devant. 10 secondes dans la vue au tour, cela fait une minute en six tours !

Ce ne sont effectivement plus les mêmes courses. Cela va vraiment devenir les 24 Heures…Deux Mans

BEAU MONDE ET BEAUX CHRONOS

C’est Julien Jousse qui prend le premier relais de l’après midi. C’est logique, il a fini la matinée et a donc roulé un peu moins que ses camarades.

«  La piste a évolué » dit-il, « plutôt dans le bon sens, il y a plus de grip, plus de gomme. On a changé de disques de freins, on a trouvé des trucs bien mais je ne veux pas divulguer de secrets d’écurie. On a aussi testé des trains de pneus sur plusieurs relais, c’est important de savoir si ça tient bien et longtemps. En fait, ce qui est bien, c’est qu’on est venus faire du kilomètre et on roule beaucoup. Et surtout, la voiture marche super bien. Je ne peux vraiment pas en dire plus… »

 Voilà un jeune comme il faut, rapide en piste et prudent au micro

Alors que Tinseau a pris le cerceau, les mondanités commencent.

Une nuée de photographes entoure le Président du Conseil Général de la Sarthe, Jean Marie Gevaux, nouvellement élu et depuis toujours, alors qu’il était député, selon Gilles Gaignault qui le connait bien depuis des lustres, très passionné de sports mécaniques.

On pourrait trouver cela normal dans la Sarthe, mais il semble que certains politiciens locaux ne soient pas de cet avis. On vit  parfois vraiment à l’envers dans ce pays…

En tous cas, la Sarthe, partenaire historique de Pescarolo, se devait d’être présente au rendez vous du retour du grand barbu sur SON circuit, c’est fait, les édiles sont passés en nombre à la suite du Président !!!

Tinseau rentre, on discute avec des grands éclats de rire, c’est le signe que tout va bien. On vanne Michelin, sur le thème « tu pourrais nous faire un pneu 2/3 soft ? ».

Juste avant de monter dans l’auto, Emmanuel Collard me dit que la séance du matin a été pénible, la piste était très sale.

« J’ai balayé comme on dit en rallye, les copains me disent que l’auto marche super bien, on va voir ça. Avec du grip, ce sera sûrement sympa ! »

Passent alors par groupes de dix, les salariés de l’entreprise Eolen, vus le matin dans le train de Paris.

Patron en tête de manif…

Il s’appelle Pascal Leblanc, il a créé son entreprise d’ingénierie il ya quatre ans, et entretemps il a créé 160 emplois…

Pas mal dans l’absolu. Et en plus, accro au sport mécanique. 

« Le team Pescarolo m’est très cher pour plusieurs raisons. Comme lui, nous sommes des petits et nous nous battons contre des très gros. Comme lui et son équipe, nous avons des valeurs d’excellence, d’honnêteté, ce sont des gens bien et c’est ce que nous voulons être. Et puis comme Henri, je suis totalement passionné, c’est ma règle de vie. Et grâce à lui, nous allons décrocher de la notoriété, et nous en avons besoin. C’est Joël Rivière (un des repreneurs du team avec Jacques Nicolet, tous deux présents sur le circuit) qui m’a proposé de me rapprocher d’Henri, à un moment où la boîte a besoin de se faire connaître. Je suis en même temps fier et heureux… »

Il ya donc du très beau monde autour de cette très belle histoire des verts.     

Et la journée se termine formidablement bien.

Emmanuel Collard a en effet profité d’une piste nettoyée, il descend le meilleur chrono de l’équipe de presque une seconde, avec un temps de 3’36’’683.

C’est le meilleur temps des voitures « essence », une seconde devant la concurrence, ce qui est carrément phénoménal, mais en huitième position au général, derrière les sept diesel. 

Le meilleur temps de la meilleure Audi est 3’27’’687.

Neuf secondes !

Ce n’est plus un gouffre, c’est un océan. 

Henri Pescarolo à la fin de cette journée préliminaire:

« C’est la journée absolument parfaite, celle dont on rêve dans une vie de pilote ou de manager. Pas un pépin, les pilotes ont été parfaits. Et pourtant… Cela fait cinq ans que je réclame que l’on fasse tous la même course. On peut multiplier les sous-catégories à l’infini, il reste que dans celle qui est la plus prestigieuse, c’est n’importe quoi. Et encore, l’une des deux marques (Peugeot) n’a pas forcé son talent. (Voir article Gilles Gaignault ci-dessus) ».

Outre qu’une complicité absolue me lie à « Pesca », je me pose quand même une question.

Pour cette journée d’essais préliminaires, on a enregistré 24987 spectateurs. C’est colossal.

Sont-ils venus assister à une démo de sept stars et cinquante figurants ?

Il est vrai qu’il en est des sports mécaniques comme des autres, il ya de grosses équipes et de moins grosses.

Seulement parfois, dans les autres sports, parfois, les petits arrivent à se faire les gros.

Je suis sans doute victime du syndrome « Asterix ». Et donc un peu frustré quand ce sont toujours les lions et les germains qui gagnent.

Bref, je  n’ai pas la réponse.

Dommage.

Jean Louis Bernardelli
Photos:
Patrick Martinoli – Thierry Coulibaly

Sport

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