24 HEURES DU MANS : ARTE RAPPELLE LA TRAGEDIE DU 11 JUIN 1955

Samedi 11 Juin 1955. 24 Heures du Mans

Une date indélébile pour le sport automobile

Peu avant 18 heures 30 et alors que la course est lancée depuis plus de 2 heures 30, un accrochage terrible va provoquer la mort de prés d‘une centaine de spectateurs

Jusqu’à ce jour, cet épouvantable accident des 24 Heures du Mans 1955, demeure l’un des plus tragiques accidents, survenu en sport automobile.

Cette course était la quatrième manche du Championnat du monde des voitures de sport 1955.

Remportée par la Jaguar, la Numéro 6 de l’équipage Mike Hawthorn-Ivor Bueb, la course a été marquée par un accident qui coûta la vie au pilote français Pierre Levegh qui conduisait la Mercedes Numéro 20, ainsi qu’à 82 spectateurs dans les tribunes

Suite à une excellente enquête – il y a quelques années –  de notre sémillant confrère et ami Michel Bonté, grand reporter au quotidien Sarthois ‘’ Le Maine Libre ‘’ nous pouvons revenir sur ce drame et apporter quelques explications avant le film que propose en soirée (20 heures 40) ce mercredi 13 avril 2011, la chaine Arte

La principale attraction de ces 24 Heures du Mans 1955 est le retour des fameuses et célèbres « Flêches d’Argent », surnom donné aux bolides de la firme Allemande de Stuttgart, Mercedes.

Victorieuse le 15 juin 1952 avec l’équipage Hermann Lang-Fritz Riess, lesquels l’emportent devant leurs équipiers Théo Helfrich-Helmut Niedermays, Mercedes était absente lors des deux éditions suivantes en 1953 et 1954.

Leur grand retour au Mans, un an après leur ‘’ come-back’’ victorieux en Formule 1, est donc tout particulièrement attendu.
Aux habituelles Jaguar, Maserati et Ferrari, Mercedes débarque avec trois bolides.

La firme à l’étoile a conçu une toute nouvelle voiture, la Mercedes-Benz 300 SLR. Un prototype basé sur la Mercedes W196, dominatrice et couronné Championne du monde avec l’Argentin Juan Manuel Fangio, en Formule 1, en 1954.

Cette SLR en reprend notamment le moteur 8 cylindres en ligne, avec un cylindrée toutefois porté de 2 500 cm³ à 3 000 cm³.

Trois SLR sont engagées dans l’épreuve sarthoise:

La Numéro 19, pilotée par le sacré tandem que constitue l’Argentin Juan Manuel Fangio et le Britannique Stirling Moss. Il s’agit de l’équipage « vedette » de l’épreuve.

Fangio est le Champion du monde de F1. Déjà sacré deux fois Champion du monde (1951-1954), le natif de Balcarce est en route vers son troisième sacre qu’il décrochera le 11 septembre, lors de l’ultime GP de la saison, dans le temple de Monza.

Quant à Stirling Moss, s’il n’a pas encore gagné en Grand Prix, il est considéré comme l’un des pilotes les plus prometteurs de sa génération et comme Fangio, représente également les couleurs de Mercedes en Formule 1.

De plus, Moss vient de remporter avec cette 300 SLR les très prestigieuses Mille Miglia à Brescia, pulvérisant par la même occasion, le record de l’épreuve !

C’est dire si cet équipage fait figure de grandissime favori de ces 24 Heures 1955

Deux autres 300 SLR sont engagées.

La Numéro 20, pilotée par l’Américain John Fitch et le Français Pierre Levegh de son vrai nom Pierre Eugene Alfred Bouillin mais le pilote court sous ce pseudonyme.

En hommage à son oncle Alfred Velghe, pilote automobile de la fin du XIXe siècle qui courait sous l’anagramme « Levegh », Bouillin avait choisi de reprendre son pseudonyme.

Ces deux pilotes Fitch et Levegh, n’ont pas la même notoriété que les deux précédents cités mais ce duo n’en est pas moins l’un des favoris du public manceau. Lequel n’a pas oublié et se souvient de l’exploit réalisé trois ans plus tôt, en 1952 par Levegh. Sans équipier, le Français avait tenu tête près de 23 heures, face aux Mercedes, avant d’être malheureusement victime d’une casse moteur de sa Talbot.

Au moment de finaliser ses équipages pour l’édition 1955 du Mans, l’inoubliable directeur sportif de Mercedes, Alfred Neubauer, n’a pas oublié l’exploit du Français et en l‘incorporant à l’équipe Mercedes, il lui offre à bientôt 50 ans – il est né le 22 décembre 1905 à Paris – son bâton de Maréchal !!!

Et, enfin la Numéro 21, confiée au tandem Franco-Allemand, André Simon – Karl Kling.

Seul manque, le Niçois Jean Behra qui s’est blessé auparavant au volant d’une DB

Le début de course tient toutes ses promesses, offrant au public venu en masse, une formidable bagarre entre la Ferrari de  Castellotti et la Jaguar du priometteur Anglais Mike Hawthorn (futur Champion du monde de F1 en 1958 et ce devant… Moss)

Justement l’équipage ‘’ vedette ‘’ Fangio-Moss sur la Mercedes Numéro 19 a complètement raté son départ. Les deux équipiers vont néanmoins régaler le public, rattrapant leur retardr sur les hommes de têtes, à coup de records du tour, et de passages plus qu’audacieux au milieu du peloton, dont les pilotes semblent effarés par le rythme effréné du trio de tête.

Survient l’heure des premiers ravitaillements. La célébre horloge Dutray du circuit des 24 Heures indique qu’il est 18h28.

C’est alors que survient ce qui reste la plus grande tragédie du sport automobile mondial

Les pilotes de tête, Mike Hawthorn (Jaguar) et Juan Manuel Fangio (Mercedes) se livrent à un duel dantesque.

Eugenio Castellotti, pourtant pilote officiel Ferrari au volant de la nouvelle Ferrari 121 LM spider Scaglietti d’usine et qui fait équipe avec Paolo Marzotto, vu le rythme effroyable, a renoncé, au fil des heures et des boucles, à suivre le rythme infernal des deux hommes de tête.

Mike Hawthorn (photo) qui mène la course, renseigné par son stand, apprend que Fangio malgré son début de course loupé mais qui se montre le plus rapide avec sa 300SLR

D’ailleurs 200 mètres seulement séparent les deux bolides !

Mais entre la Jaguar Type D qui porte le Numéro 6 de d’Hawthorn, et la Mercedes, Numéro 19 de Fangio, on trouve la Mercedes Numéro 20 du Français Pierre Levegh. Laquelle ‘’ Fléche d’argent ‘’ qui en fait occupe la sixième position, vient donc de se voir  reléguée à un tour par le leader, Hawthorn.

Dépassé par Hawthorn un peu avant le virage de Maison Blanche, Levegh se retrouve dans le sillage de l’anglais quand celui-ci déboule à fond dans la zone des stands.
C’est là qu’intervient l’affreuse fatalité diront les uns, la « faute » du pilote trop fougueux diront les autres.

Venant de la gauche de la piste, Hawthorn va alors brusquement couper la trajectoire de l’Austin-Healey, la Numéro 26 que pilote le Britannique Lance Macklin, pour se précipiter dans son stand, tous freins bloqués.

Mais l’inattendu coup de volant vers la gauche que donne dans l’urgence Macklin, surpris par la surprenante manœuvre d’Hawthorn, a pour effet immédiat de « fermer la porte » à l’infortuné Levegh.

Du coup, sa Mercedes harponne l’arrière de l’Austin Healey et décolle, catapulté vers les fascines et les tribunes. La voiture se disloque sous la violence de l’impact et le train avant et le moteur sont projetés au milieu des spectateurs, y semant la mort.
Fangio qui suit et par miracle, parvient incroyablement à se faufiler au beau milieu des débris qui jonchent la piste.

Peu après, l’immense Champion Argentin expliquera que Levegh lui avait fait tempérer son ardeur quelques instants auparavant, lui faisant signe de patienter avant de le doubler. Geste qui a très probablement éviter à Fangio le pire et notamment de se retrouver mêler à la catastrophe

Au stand Jaguar, décontenancé par les conséquences de son « empressement », Mike Hawthorn, a réellement du mal a reprendre la volant.

Quant à Mercedes, son retrait officiel interviendra au beau milieu de la nuit, à 2 heures du matin et ce alors que le tandem Fangio – Moss comptait deux tours d’avance sur l’équipage de la Jaguar, la paire Hawthorn-Bueb.

Ce retrait sera longtemps interprété comme une sorte d’ aveu de culpabilité pour la firme à l’étoile. Laquelle aurait ainsi tenté de dissimuler certaines irrégularités dans ses voitures.
L’enquête officielle conclura pourtant à la conformité des 300 SLR.

Parmi les témoignages, plusieurs vidéos de l’accident, accusaient Hawthorn, d’autres l’innocentaient.

Trois semaines après l’accident, Fangio témoignait devant la commission d’enquête. Il témoigna donc en invoquant la fatalité.
Mais pour beaucoup d’observateurs, il y avait avant tout malheureusement, une accumulation de faits entrainant cette catastrophe.

On a longtemps critiqué les organisateurs, l’ACO (Automobile Club de l’Ouest) de ne pas avoir stopper immédiatement sa course

Mais les dirigeants de l’époque avaient pour leur défense invoquer – à juste titre – qu’en laissant continuer la course, cela avait d’abord évité la panique parmi tous les spectateurs restant présents, ne risquant donc pas ainsi d’encombrer les routes et ce pour laisser la voie libre aux multiples véhicules de secours.

Dans les tribunes sur le lieu de l’accident, des dizaines et des dizaines de spectateurs avaient été fauchés par les débris de la Mercedes.

Un spectacle de désolation avec des corps inertes et des blessés qui gémissaient.

On dénombra 82 morts parmi les spectateurs et l’accident coûta également la vie à l’infortuné Pierre Levegh

Finalement, la course alla à son terme. La victoire au gout amer revenant à la Jaguar de Mike Hawthorn –Ivor Bueb qui l’emporta avec cinq tours d’avance sur l’Aston Martin DB3S de Peter Collins-Paul Frére.

Depuis plus d’un demi-siècle de nombreuses thèses s’affrontent pour tenter d’expliquer les causes de ce drame.

Allant, de la compétence de Pierre Levegh à piloter ce monstre de puissance qu’était sa Mercedes-Benz, a la conformité de sa 300SLR suspectée d’embarquer un carburant hautement explosif !!!

Suite à la récente découverte d’un film amateur montrant l’accident sous un angle totalement différent, un documentaire a tenté de reconstituer avec précision l’enchaînement des évènements.

C’est ce nouveau document que nous propose et diffuse ce mercredi soir à 20 heures 40, la chaine Arte.

Ce nouvel éclairage basé sur un film amateur montrant la catastrophe a été apporté en 2010 par la BBC à Londres, dans un documentaire intitulé ‘’Deadliest crash, the 1955 Le Mans disaster’’

Il y a une bonne trentaine d’années alors que nous séjournions en Bourgogne au Château d’Auberive chez Teddy Culbert, lors d’un Grand Prix de France de F1 disputé sur le circuit de Dijon-Prenois, nous avions diné avec Lance Macklin. Il nous avait expliqué, selon lui, l’inattendue, folle et dangereuse manœuvre d’Hawthorn.

Seule responsable de la suite des terribles événements !

Quant à Fangio, lui aussi nous a un jour, en 1985, raconté sa version.

Laquelle était identique à ce qu’il déclara trente ans plus tôt aux enquêteurs, évoquant exclusivement la fatalité !!!

Notre ami, l’ancien pilote devenu par la suite confrère, le regretté Paul Frére (photo)- futur vainqueur des 24 Heures en 1961 avec Olivier Gendebien sur Ferrari – nous narrant, que seule la trop grande différence de vitesse entre la Mercedes et la petite Austin Healey, pouvait éventuellement être retenue, estimant qu’Hawthorn n’avait pas pris de risques inconsidérés !!!

Il en est encore aujourd’hui, parmi les survivants rencontrés, plusieurs fois aux 24 Heures ‘’ modernes ‘’ qui parlent eux, de… destin !!!

Gilles Gaignault
Photos : Bernard Cahier (archives) – Jean Pierre Herlin

Sport

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