CYCLO YAMAHA EC.03 : ROULEZ BEAU-BO…

 

Ce cyclomoteur tout-électrique (donc immatriculation et casque obligatoires…) sera commercialisé en avril.

Une quarantaine de journalistes français ont été récemment intronisés dans cette nouvelle religion. autonewsinfo y était.

Comme tous mes petits camarades, je suis sous le choc.

Récit d’une entrée dans un autre monde. De façon non accessoire, voici ce qui vous attend.

La révolution internet à côté, c’est de la gnognotte…

 

 

LA RÉVOLUTION CULTURELLE

Au fait lecteur, ceci n’est pas un site internet comme les autres où l’on lit tout et donc rien en huit lignes. Mais si ma prose te gave, tu peux aller directement à la conclusion…

Bon, si tu es toujours là, on commence l’histoire…

Si l’on m’avait il ya vingt ans, voire dix ans qu’un jour je ferais ça, j’aurais au minimum traîné le médisant dans la boue ; ce que j’ai fait ?

Récit…

Au guidon de trucs rigolos, minuscules et silencieux, nous sommes en train de jouer la horde sauvage dans le quartier du Marais à Paris avec mes potes journalistes, nous qui essayons d’habitude des trucs bourrés de chevaux, d’électronique, de performances dignes des GP et le tout sur un circuit fermé…

Nous testons le dernier cri de la mode moto…

Une vraie révolution, qui sera longue, peut être difficile pour certains d’entre nous, parfois douloureuse, mais qui semble inéluctable.  Ce cyclo EC.03 (on prononce EC zéro trois, et non ECO 3), est la proposition de Yamaha à ceux (et surtout celles…) qui ne veulent plus entendre parler de voitures dans les centre villes et dans quelques situations très particulières où sa présence est une évidence.

On vous explique tout ça.

 

CHEZ LES AYATOLLAHS DE L’ÉCOLOGIE

C’est chez eux que nous avons essayé l’engin et nous ne sommes pas là par hasard. On les appelle bo-bo, pour bourgeois-bohême, ils habitent au centre des villes prestigieuses, comme Paris, ils ont une furieuse tendance verte avec option rose en matière politique, ils habitent les quartiers les plus chers, disposent de revenus importants, adorent tout ce qui est tendance…

Au Marais, à Paris, les immeubles (on dit aussi les hôtels, quand c’est plus grand) sont dotés de cours pavées, où les voisins papotent en prenant un thé (durable of course).

On y pratique le vélo, on s’habille de coton sauvage, on se nourrit de légumes bio. Les (grosses) voitures sont parquées au fond d’un parking qui vaut plus cher qu’un appartement et on les sort juste pour les vacances à La Baule

Public de choix pour la mobilité (le mot transport est réservé aux classes populaires…) non polluante.

C’est là que Yamaha, qui a réussi une très belle opération de présentation, a organisé le point de rencontre des journalistes et le départ pour une rando assez étonnante dans le quartier susdit. 

PRISE EN MAINS

Bon, on démarre et on roule…

Première erreur ! On ne démarre pas !

Le moteur est stoppé à l’arrêt, et il marche seulement quand on accélère. A l’arrêt, pas de bruit de ralenti. Il faut un peu de temps pour s’y faire…

La révolution culturelle commence comme ça. L’EC.03 est léger, 56 kg. Il est ultra-maniable.

Le trafic n’existe vraiment plus. Là où même une moto, voire un scooter, ne passent plus, on se faufile comme des chats, on est adroit comme un jongleur.

Il est joli, voire mignon, il est confortable, pratique, il n’est pas totalement silencieux mais diffuse un bruit soyeux (le romantique exacerbé qu’est tout journaliste y entendra peut être un peu du vent du nord sifflant dans les volets), et bien sûr, il est totalement non-polluant.

Yamaha a d’autres arguments de vente intéressants. Car l’on sait que si aujourd’hui, il se vend quelques centaines de ces engins par an en France, dans une dizaine d’années, on les trouvera par centaines de milliers.

Nous ne sommes plus vraiment dans le domaine de la moto, mais du futur très grand public.

C’est le début de la révolution culturelle annoncée. Alors, on écoute d’une oreille attentive.

UN VRAI CONCEPT, DE VRAIS ARGUMENTS

Même si le produit est « fashion » il a de vrais arguments de vente. Par exemple, le fait qu’il n’y aura pas de frais d’entretien. Les visites habituelles (et fort dispendieuses…) de révision, c’est fini.

Comme il n’y a pas de fluides dans le cyclo, on peut le transporter renversé, ou couché sans pourrir d’essence ou d’huile le plancher de la Mégane (Yamaha a vérifié, ça rentre…).

Accessoirement, on peut le mettre à l’intérieur du camping-car (déjà moins bo-bo, quoique…), sur le pont du bateau amarré sur les quais de Seine, et même dans son appartement, pas d’odeur, pas de fuites…

On rappellera que le plein coûte « peanuts », même si EDF augmente ses prix presque aussi vite que Total… 

Il est équipé d’un chargeur intégré et d’un câble de deux mètres pour se brancher sur les (rares) bornes électriques mises en place par les mairies.

On est quand même allés voir une borne, il faut une carte d’abonnement et il ya quatre prises par borne. Ce qui est peu.

On peut imaginer qu’un usager peu civil vienne mettre sa prise à la place de la vôtre et que vous vous retrouviez le matin la batterie non rechargée… « Homo homini lupus est », l’homme est un loup pour l’homme », et ce n’est pas prêt de changer !   

PARIS IN LOVE ?

Comme tout (vieux) journaliste qui se respecte, je me souviens qu’un film, « Vacances Romaines » (Grégory Peck, le plus beau mec de l’histoire de l’humanité, Audrey Hepburn, femme la plus « chicos » de ladite humanité) avait lancé la mode de la Vespa.

Pour un « Paris in love », impossible d’emmener votre fiancé(e), ce cyclo est à une place ! Il faudra donc deux EC.03 pour visiter amoureusement Paris, mais on l’a dit, le public visé a les moyens…

Bon, on n’emmène pas nos copines pour les tests de presse, donc pas de problème.

Alors ? D’abord on choisit le mode de roulage. Standard, qui permet de rouler 40 km avec une batterie pleine, ou « power » pour que ça pulse un peu.

Et là d’entrée, choix cornélien. Dans les rues calmes et encombrées où il faut se faufiler tel le serpent dans la jongle, le standard est au poil. Dès que l’on rejoint une vraie rue, où il faut se battre avec les bus et les taxis, on doit passer au power.  (Rappelons ici cette spécificité parisienne, les bus et les taxis ne freinent pas, ne vous évitent pas, ils ne vous klaxonnent même plus, ils vous roulent dessus…).

Donc pour le combat de rue, c’est « power ». Re-problème, sur ce mode, on n’a plus que 20-25 bornes de rayon d’action. Et au compteur, assez futuriste d’ailleurs, on regarde les barres de la batterie disparaître comme les économies à Noël !

C’est franchement crispant. On y reviendra.

En revanche, c’est génial à conduire. Nerveux, agile, on se demande pourquoi on n’a pas connu ça plus tôt. Beaucoup plus rigolo qu’une mob, plus nerveux aussi, plus léger (le cadre est en alu) c’est « rien que du bonheur ».

On se surprend à tester le truc en zigzag, sur des passages de gendarmes couchés, sur des ruptures de chaussée, bref sur les pièges de la conduite en ville, c’est bien fait, c’est rassurant.

Nous avons aussi fait un test totalement interdit, légalement et socialement en zone bo-bo. Nous avons pris une piste cyclable, avec un cyclomoteur !

Nous sommes même allés nous balader sur les bords de bassin à la Bastoche, au milieu des familles (c’est un mercredi) qui prennent le soleil.

Pas une remarque désobligeante, pas un regard de travers, on nous demande ce qu’est ce curieux engin, pourquoi on porte un casque…

Evidemment, pour des motards, ça c’est très révolutionnaire, de ne pas se faire insulter sur un trottoir. (Que le motard citadin qui n’a jamais pris un trottoir me jette la première pierre…). 

Grâce à cet EC.03, on redécouvre le « vivre ensemble », c’est une autre révolution. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille rouler sur les pistes cyclables, c’est interdit.

C’était un test social…

Et c’est amusant, quand j’ai repris mon vieux scooter 125 après cet essai, je l’ai trouvé lourdingue et has been…

Cela dit, je n’habite pas le Marais, je ne suis pas un bo-bo, je prends le périf tous les jours, j’ai vitre retrouvé mes sensations de vieux schnock et sachant que ça va encore durer quelques années, ça le fait bien… parce que l’électrique, c’est sûrement le futur, mais pour l’instant ce n’est pas que du gâteau.

Attention, à partir d’ici, on flingue.

LE PARADIS ELECTRIQUE C’EST POUR PLUS TARD

J’ai déjà écrit ici et je réitère ce que je pense de l’électrique en général. A une exception près.

Cette sorte d’idiotie, largement courue, consistant à proposer aux clients des voitures et des scooters façon manège de gosses  sous prétexte qu’ils sont électriques.

Ici, Yamaha fait dans l’élégant. Merci et bravo à eux.

Pour le reste, ce genre de véhicule deviendra un vrai véhicule quand les fabricants de batteries se seront décidés à sortir de l’âge de pierre.

Qu’aujourd’hui, on soit obligé de recharger pendant sept heures un truc qui pèse six kilos, et qui vous permet, si vous êtes très économe de votre conduite, de rouler quarante  bornes à tout casser est non seulement surnaturel mais encore carrément honteux.

Les constructeurs d’autos et motos sont pendus à ces fabricants de batteries comme le saumon l’est au fumoir, et rien ne bouge.

Gilles Gaignault pour autonewsinfo teste ces deux prochaines semaines, la toute première voiture 100% électrique, la Miev de Mitsubishi.

On vous tiendra …au courant !!!

Mais revenons à cet EC.03.

Dommage. alors, du coup, ce cyclo Yamaha EC.03 est équipé de batteries Lithium- Ion, ce qui est le must du truc mais encore antédiluvien.

Cela dit, même quand les batteries pèseront soixante grammes et dureront quatre cents kilomètres, il faudra toujours les recharger.

Donc, il faudra habiter à côté d’une borne et se lever toutes les dix minutes pour vérifier qu’un autre usager ne vous a pas piqué le « plug » autrement dit la prise.

S’il n’y a pas de borne près de chez vous, ce qui est logique (la Mairie de Paris se fout du monde quand elle prétend vouloir combattre la pollution, des bornes, il n’y en a pratiquement pas), il faut donc habiter un rez-de-chaussée donnant sur rue, bosser dans un rez-de-chaussée avec vue sur rue, pour faire passer le câble.

Sinon, il faut avoir avec soi un touret de cent mètres pour recharger…

C’est sûr qu’il vaut mieux habiter un hôtel particulier avec cour qu’un quarantième étage dans le 9-3 !

Voilà des considérations générales auxquelles aucun constructeur ne peut répondre pour l’instant. Yamaha a aussi raté un ou deux trucs.

A REVOIR

En ce qui concerne ce cyclo EC.03, nous avons noté aussi des choses qui fâchent. D’abord, c’est cher. 2400 euros. Il est vrai qu’après achat, quelques mairies en France, Paris, Aux les Bains et Villeneuve -lés- Avignon, vous proposent de vous rembourser 400 euros, mais sur le site de la Mairie de Paris, le déroulé des procédures est plus compliqué qu’un remboursement de trop perçu aux impôts !

Bref, bon courage…  je trouvais déjà que le Solex électrique, qui vaut moitié moins, n’était pas donné.

A titre indicatif, une mob de chez Piaggio coûte à peine 1000 euros. C’est un peu plus lourd que l’EC.03, c’est plus polluant, mais pour rattraper les 1400 euros de différence à l’achat, faudra en faire du kilomètre !

Et justement, le cyclo électrique, aujourd’hui, n’est vraiment pas fait pour « faire du kil ».

Côté pognon, battu le Yam !

J’ai aussi noté que la selle est plus faite pour les petits culs japonais que pour les fessiers de type européen. Ce qui n’est pas forcément grave, le grand public visé par l’engin est plutôt féminin.

L’élégance du dessin en serait une preuve. Et les copines qui nous accompagnaient dans notre balade parisienne n’ont pas noté d’incompatibilité avec la selle.

Comment dit-on bo-bo au féminin ?

Plus ennuyeux. A Paris, il ya des pavés. Mouillés, c’est plus glissant que le verglas, rien à faire, tu as beau t’appeler Sébastien Loeb ou Marvin Musquin (champions du monde français en auto et moto) tu risques ta vie.

Donc ça on oublie. Quand les pavés sont secs en revanche, c’est le syndrome Paris-Roubaix, ou bien tu passes entre 60 et 80 km/h, façon Paris-Dakar sur la tôle ondulée, ou tu n’as pas la vitesse requise, ce qui est le cas ici, et tu es secoué comme un olivier à la période de récolte.

« Désagréab’ » comme on dit à Paname.

Enfin, et là il ya un vrai manque, en tous cas sur les cyclos essayés, c’est qu’il n’y a pas de rétroviseur à droite. Je sais qu’en principe, on roule à droite mais à Paris, on roule partout.

Un seul exemple, tu es à côté d’un couloir de bus et tu veux tourner à droite. Si tu n’as pas de rétro à droite, un jour, on va te récupérer « aux quat’coins de Paris, façon puzzle » (Merci Audiard et Blier pour cette réplique culte qui colle bien à la situation).

Cela est à revoir d’urgence.

L’ESSENTIEL EN QUELQUES LIGNES

Bon engin, bien pensé, bien fichu, concept qui permet d’entrer dans un nouveau millénaire, sublimement adapté aux « bins » tragiques que sont devenues les villes occidentales, look marrant (il ya un sac de huit litres sur le cadre pour faire les courses au marché bio), conduite facile et rassurante, mais autonomie ridicule, prix  haute couture, confort plutôt pour poids plume.

TRUCS ETONNANTS

Dans le dossier de presse, il est indiqué quelles sont les villes les plus encombrées d’Europe.

Selon EUOBSERVER, voici le top five :

N°1 Bruxelles. N°2 Varsovie. N°3 Wroclaw. N°4 Londres. N°5 Edimbourg. Marseille est huitième et Paris seulement neuvième.

Finalement c’est bien Paris…

Alors Paris en deux roues c’est le bonheur ?

Lecteur, je te livre ici notre secret d’initiés. Paris, à moto, électrique ou pas, quand il fait beau, c’est carrément l’extase !

 

Jean Louis Bernardelli
Photos : Tommy Marin 

Moto

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