LE LAB : SERIAL SAUVETEUR …

C’est une exception française et une réussite absolue.
Le LAB, qui se consacre à la sécurité automobile est financé par plusieurs constructeurs, en l’occurrence Renault et PSA Peugeot-Citroën.

A l’occasion de ses quarante ans, il s’est offert une journée portes-ouvertes.

Anne Guillaume, directrice du LAB, Nicolas Berthelon, directeur adjoint et tous les chefs de projet étaient là pour montrer le savoir faire de la boîte.

Univers étonnant ! 

Le LAB analyse les données d’accident, se rend sur les lieux avec les véhicules d’intervention, expertise les épaves (15 000 depuis sa création !) torture et jette des mannequins dans tous les sens (mais surtout en frontal et en latéral), projette des voitures dans les murs, modélise sur écran d’ordinateur un corps humain sous le coup d’un choc, fait partie d’un (petit) réseau mondial de recherche, et surtout, il fait avancer la sécurité de l’automobile à pas de géants.

Visite guidée. 

DEBUT DES SEVENTIES, LE MASSACRE…

Certains d’entre vous n’ont pas connu cette période, ou ils n’avaient peut être pas l’âge de se préoccuper d’accidents sur la route.

Mais les week-ends à 200 tués le bout, étaient courants !

En 1972 par exemple, année record, 16545 tués sur les routes, soit une moyenne de 50 par jour !

En 2010, on est à moins de 4000. Alors que la circulation a largement doublé !

La ceinture de sécurité, la limitation de la vitesse, l’airbag, ont été de gros facteurs de baisse.

Le LAB, créé en 1969, intervient sur l’amélioration constante de ces éléments… et de bien d’autres, en particulier sur la déformation de la structure des véhicules.

Ceci a fait tomber les statistiques d’encore une bonne moitié. Ce qui devrait ranger cette société dans la catégorie des protectrices de l’humanité!

Comment on se fait mal, pourquoi on se fait mal, comment éviter l’accident puis, si accident il ya, comment en limiter les conséquences sur les humains, vaste programme mais des résultats incroyables.

 
BOUM TOUT DOUCEMENT…

On commence donc par évoquer les chocs lents, aux alentours de 10 km/h.

En principe, pas de conséquences corporelles chez les occupants de la voiture mais il reste la possibilité de toucher un piéton.

Le truc consiste à monter des zones « molles » à l’avant de la voiture pour deux raisons. En cas de choc léger à l’avant, contre un autre véhicule ou un obstacle, les destructions seront limitées à cette zone et donc coûteront moins cher en réparation.

Car la sécurité et le coût moindre des réparations peuvent aussi être un argument de vente…

L’autre raison de ces zones molles est l’éventualité de renverser un piéton. On a par exemple doublé le capot avant des voitures pour amortir le choc de la tête du malheureux qui vient de se faire faucher.

L’avant de la voiture est aussi pensé pour que le choc avec les jambes du piéton fasse le moins possible de dégâts (au piéton bien entendu…).

C’est vite dit et écrit mais on n’imagine pas le boulot qu’il ya eu pour collecter les statistiques d’accidents, les reproduire à l’identique, y ajouter des mannequins qui coûtent des fortunes (et qui doivent être envoyés en vérification tous les six ou sept crashs, les accidents simulés coûtent aussi cher que les vrais !) et calculer les solutions proposées.

Mais le résultat est là.

N’en profitez pas pour vous jeter sous une voiture pour le vérifier, d’autant plus que ces réalisations techniques ne concernent que les véhicules récents… 

BOUM PLUS VITE…

A des vitesses supérieures, le jeu consiste à ce que la structure moteur encaisse tout, quitte à diriger l’onde de choc vers l’arrière de la voiture (en particulier via l’échappement !) mais ce qu’il faut c’est que l’habitacle soit indemne.

Et que ses occupants le soient aussi, contrairement aux accidents comme « dans le temps » où l’on se retrouvait avec le moteur sur les genoux, expression que les scientifiques appellent une « intrusion ».

Avec les derniers développements des systèmes de sécurité, au LAB, on vous montre fièrement une voiture projetée (et dont l’avant est pulvérisé) contre des rails à 60 km/h (vitesse d’impact) d’où le conducteur sortirait en rigolant …à condition d’avoir bouclé sa ceinture à limiteur d’efforts et de disposer d’airbags latéraux.

Deux éléments essentiels sur lesquels le LAB travaille.

Pour les airbags latéraux, sachez qu’un tiers des accidents survient sur un choc latéral, et que les dits airbags diminuent les risques de blessure à la tête de 50%, et encore de 30% au niveau du bassin.

Le limiteur d’efforts sur la ceinture de sécurité est une autre avancée phénoménale. La ceinture, obligatoire depuis 1973, a diminué par deux le nombre des tués. Avec des statistiques étonnantes. Le domaine dans lequel elle est le plus efficace est celui du tonneau ! (90%).

Elle est encore salvatrice, mais moins en cas de choc frontal. (50%) Cela dit, en retenant le corps en cas de choc, elle fait des dégâts.

Elle faisait des dégâts… Retour à notre conducteur rigolant au sortir de sa voiture pulvérisée…

Le LAB a trouvé de sacrées solutions.

LUTTE ANTI SOUS-MARINAGE

Des découvertes récentes permettent ce genre de prouesse technique. En particulier le fait d’avoir vaincu le sous-marinage.

Ce terme signifie que vous glissez vers le bas à travers votre ceinture ventrale, qui ne s’appuie plus sur l’os iliaque, qui est une vraie forteresse, mais plus haut sur l’abdomen beaucoup plus fragile, causant des lésions importantes.

Contre cela, deux solutions fournies aux constructeurs. Le siège qui ne s’arrache pas et ne glisse pas et la pré-tension.

En plus de vous défoncer l’abdomen par sous marinage, la ceinture à l’ancienne peut aussi vous transformer les côtes en morceaux.

Quand il ya un choc sur la ceinture de sécurité « a l’ancienne », celle-ci bloque totalement le corps tout le temps de l’impact, elle peut donc au passage vous briser quelques os.

Pour savoir ce que peut encaisser le thorax lors d’un choc retenu par la ceinture, le squelette a été modélisé sur ordinateur par les biomécaniciens du LAB.

Spectacle fascinant, mais c’est effroyable ce que le thorax, et donc les côtes et le sternum, peuvent dérouiller !

Au-delà des côtes cassées, le corps bloqué en haut glissera vers le bas. Sauf si la ceinture est en pré-tension, ce qui s’appelle aussi un limiteur d’effort.

Cela  signifie qu’au-delà d’une certaine violence, qui se traduit en decaNewton, (le nouveau nom du kilogramme force) la ceinture va se détendre très lentement vers l’avant. (Au-delà de 400 daN, autrement dit 400 kg de force). Et du coup, pas de sous-marinage!

Et pas de côtes cassées. Gain en matière de lésions, 40%. Ça parle, c’est sûr.

Comme les chiffres. 

LES CHIFFRES QUI PARLENT, LES CHIFFRES QUI FÂCHENT…

On demande forcément jusqu’à quelle vitesse on peut, en combinant toutes les technologies connues aujourd’hui, heurter un obstacle avec une chance raisonnable de s’en sortir.

Réponse, entre 90 et 100 km/h. Il s’agit ici d’une vitesse d’impact. Il arrive, en cas de gros soucis, que l’on ait le temps de ralentir le véhicule avant de faire boum et c’est toujours ça de gagné.

Mais sachez que si vous tapez à plus de cent, votre cas ne relève plus de la sécurité mais du miracle.
Il y en a… 

Un autre secteur du LAB s’occupe tout particulièrement des enfants. Beaucoup de conducteurs disent que leurs enfants sont leur premier souci.

On sait qu’au dessous de 18 mois, la tête de l’enfant est proportionnellement beaucoup plus lourde que celle de l’adulte.

D’où la nécessité d’accrocher le siège de l’enfant dos à la route. En cas de choc, pas de mouvement vers l’avant, la tête est soutenue en permanence. Par la suite, une fois face à la route, l’enfant devra être assis sur un rehausseur, faute de quoi la ceinture l’étranglerait.

Ces bonnes choses étant dites, tombe le chiffre qui fait mal. 75 % des dispositifs de retenue pour enfants sont mal installés !

Voilà un paradoxe qu’a pu établir le LAB à travers 600 comptes-rendus d’accidents impliquant des enfants.

Pourtant, aujourd’hui, les systèmes Isofix obligatoires rendent l’accrochage du siège bébé aussi facile que d’ouvrir une porte!

Et bien non, il faut toujours avoir fait Polytechnique pour attacher correctement un gosse, enfin semble t’il puisque c’est si souvent mal fait !

C’est ce que disent les chiffres.

Le problème est ici récurrent, il s’agit des comportements. Votre ceinture peut être incroyablement performante, si elle n’est pas bouclée… idem pour les enfants… cela dit, il ya disons une grosse vingtaine d’années, l’auteur de ces lignes, votre serviteur comme l’on dit dans les grandes maisons (c’est le cas d’autonewsinfo) après avoir acheté l’équivalent de la Rolls des sièges-bébé et vainement tenté, trois heures durant, de le « brêler » (fixer un chargement chez les aventuriers…) comme indiqué sur la notice en hungaro-finnois, a finalement décidé que la meilleure sécurité était de conduire comme un gentleman…

Père indigne qui a écouté en souriant les statistiques du LAB indiquant qu’aujourd’hui, les chargés de famille attentionnés sont toujours aussi maladroits…

 
 
SECURITE PRIMAIRE

Retour aux calculs…

C’est quand même, nonobstant les comportements erratiques des utilisateurs, l’une des forces du LAB, qui donne aux fabricants les moyens de créer des systèmes plus sûrs (et plus faciles…).

Les statistiques fiables sont la base d’une vraie démarche scientifique.

Dans le cadre de la recherche fondamentale en sécurité, le premier objectif est de connaître le maximum de détails sur les accidents.

Depuis sa création, le LAB a décortiqué 15 000 véhicules accidentés, impliquant  27 000 personnes et concernant 70 000 blessures.

Un trésor.

Qui a permis aussi de reconstituer, façon jeu vidéo, comment les accidents sont arrivés et de se spécialiser dans un autre domaine, la sécurité dite primaire, autrement dit comment éviter l’accident.

On travaille beaucoup sur les aides électroniques à la conduite, et l’avenir sera fait de feu rouges se signalant sur le tableau de bord, de signaux émis par les véhicules arrivant en sens inverse, de bip-bip signalant que l’on passe de l’autre côté de la chaussée etc… (on connaît déjà sur les rallyes-raids un système permettant, dans la poussière, au véhicule qui est devant de savoir qu’il ya un autre véhicule dans le nuage derrière lui). 

Les systèmes anticollision existent depuis longtemps en aviation, anti un peu tout d’ailleurs, mais on imagine bien qu’il ya des dizaines de millions de voitures en circulation pour quelques milliers d’avions, les infrastructures seront donc infiniment plus lourdes.

L’automobile a mis aussi  en place un nombre incroyable d’aides à la conduite et pourtant… il ya toujours des avions qui se ramassent et des voitures qui sortent de la route.

Ce que l’on appelle en aviation « le facteur humain », et donc l’erreur humaine est à la base de 90% des accidents, les automobilistes ne feront évidemment pas mieux.

Il n’empêche, quand l’automobile tuera aussi peu que l’avion, on aura vraiment fait un TRES grand pas en avant…
 

SECURITE SECONDAIRE

Cette recherche là consiste à protéger les personnes en cas d’accident.

Quand on demande aux gens du LAB ce que sera l’avenir, on nous répond de façon… vague !

Disons que l’on ne se précipite pas pour répondre et que l’on se regarde parfois l’un l’autre pour savoir qui va parler…

C’est assez logique, on entre petit à petit dans ce qui peut être assimilé à un secret industriel. Le LAB, rappelons-le, est financé par des constructeurs….

Bon, on insiste… dans un labo, un ingénieur évoque une possibilité que les deux systèmes, ceinture de sécurité et airbags pourraient fonctionner ensemble. Bref, qu’il ya ait échangé d’informations par capteurs entre les deux systèmes.

De façon plus nette, on nous indique que le LAB est en train de cherche à créer un air bag à gonflement différencié, selon le gabarit de la personne à protéger, il y aurait donc des capteurs sur le siège pour savoir si le passager est grand, gros, lourd, etc…

On nous parle aussi de harnais, un peu ce qu’utilisent les pilotes en compétition, qui serait une piste à suivre…

Bien sûr, les quatre et cinq points sont de gros éléments de sécurité mais terriblement compliqués à boucler. Par ailleurs, ces systèmes ne fonctionnent que serrés à bloc.

Et l’on sait qu’un système trop contraignant ne sera pas utilisé. Sur ce point le LAB reste très évasif, il est logique, en dehors du secret cité plus haut, que les constructeurs qui financent le LAB bénéficient d’infos avant les journalistes.

A propos, ces « louvoiements » tournent carrément à la langue de bois, voire à la langue coupée, quand on demande le budget du LAB ou pire, le coût que représente la sécurité dans la fabrication d’un véhicule.

Mais les éléments du  coût de revient d’une automobile sont mieux gardés que la formule du Coca Cola ! dans ce domaine comme dans les autres, la sécurité est une spécialité du LAB, celle-ci rappelle un peu Fort Knox !   

Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’en quarante ans, le LAB a reconstitué le même accident avec plusieurs véhicules d’époque, espacés de dix en dix ans, on est passé du hachoir à la forteresse.

C’est ce que permet la technique. Ensuite, c’est au conducteur de prendre son destin en main. Sur ce point, il n’existe pas de statistiques. 

Dommage… 
 
Jean Louis Bernardelli
Photos : Le Lab

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