AFRICA ECO RACE 2011 : ETAPE 3. LE JOUR DE SCHLESSER

L’Iritrak permet de visionner en « live » sur le site internet de l’organisation de l’Africa Eco Race, le déroulement de cette course du bout du monde.

Et l’on découvre que Jean Louis Schlesser, comme nous l’avions prévu hier jeudi, à la suite de ses problèmes de colonne de direction, aurait aujourd’hui la rage et ferait de grandes choses.

Il passe successivement six des sept concurrents partis devant lui, puis, en grand tacticien, laisse Jérôme Pélichet « ouvrir » devant, en prenant les risques, en balayant la piste et surtout en voyant en permanence le buggy « Monster » Schlesser, dans ses rétros.

C’est la tactique habituelle en Rallyes de Championnat du monde, celle de Loeb en particulier, mais ici, on le fait sur des spéciales de 400km !

Du grand art.

 

MAGIC AFRICA

Sublime étape !

On roule à la limite de la frontière algérienne, en bordure de cet immense Erg (océan de dunes) qui s’appelle le Sahara, on passe très au sud de Zagora, la perle du désert marocain, et l’arrivée est au sud de Foum Zguid, paradis des fans du voyage.

Le traceur du Rallye, René Metge, est un vrai poète de l’Afrique.
De El Mdouara à Wad Tassint (un wad est une vallée) 416 km de spéciale extrêmement roulante, en particulier sur un Chott (lac salé, un billard sur lequel on roule à pleine charge, les pneus souffrent le martyre) et arrivée dans cet Eden qu’est la Vallée du Draa.

Un peu de montagne, l’ascension d’un volcan, donnant une vue sublime sur un paysage que Saint Ex aurait qualifié de  création du monde, on roule ici sur des pistes connues des participants au rallye NPO du Maroc, qui se déroule en longues boucles autour de Zagora.

Arrivée à quelques km au sud de Foum Zguid, un paradis pour ceux qui aiment le voyage et l’aventure.

MOTOS : SEPARATION DES MOUSQUETAIRES

Sur plus de 400 km de spéciale, il était probable que les quatre motos en course feraient plus ou moins cavaliers seuls… Willy Jobard a donc laissé ses petits camarades et décidé de ne pas rouler de nuit.

Car le problème est bien là.

On est en hémisphère nord et en hiver, la nuit tombe vite et à moto, la piste devient un cauchemar.

Donc gaz tout du long et arrivée de jour.

Dans la spéciale en tous cas, il reste à rejoindre le bivouac 50 km plus loin, mais cela se fait à vitesse réduite.

Pas sans risques d’ailleurs, on vient de se cogner 400 km de piste, la moto non plus n’est pas forcément en grande forme…
Bruno N’Diaye, sur sa BMW, arrive bien après mais encore dans des temps  humains. Avec un écart de plus de deux heures tout de même.

Derrière, cela se corse. Norbert Dubois et Thomas Bourgin vont finir à la nuit noire.

Ils font, comme on dit dans la marine, « route de conserve », c’est-à-dire ensemble, ce qui à défaut d’être rapide, puisque l’on mange la poussière de l’autre, est très rassurant, en cas de pépin.

 

AUTOS : LE JOUR DU GRAND BLEU

Il s’agit évidemment de Jean Louis Schlesser, dont on sait que les buggies portent fièrement le bleu de France, ce qui est bien le minimum, quand on est le neveu de Jo Schlesser, pilote fameux des années 60, qui s’est tué en 1968 à Rouen, et dont les initiales JS ont été reprises par Ligier sur ses F1.

Hier jeudi, Jean Louis a dû se battre avec une colonne de direction grippée, un enfer, avec obligation de frein à main dans chaque virage serré en montagne, et des efforts de folie pour suivre les indications de sa copilote, la journaliste  Cecile Merle-Beral, dans les portions roulantes.

Aujourd’hui vendredi 31 décembre, à bord du buggy  Schlesser aux couleurs de Monster et de Sonangol, on ne fait pas dans le détail.

On gagne la spéciale et on remonte de la huitième à la troisième place au général, à 23 minutes du Nissan de Loomans et 46 minutes du Bowler de Jérôme Pélichet.

Jean Louis ?

« Tu me demandes à combien j’ai roulé sur les lacs salés ? 190, même un peu plus, 192 km/h. C’est sûr, on a envoyé… Il y avait aussi de quoi se perdre mais Céline a fait du beau boulot. On a dû passer un gros morceau de dunes de 40 km de long, pas simple. En plus, j’ai dû m’arrêter. La barre de torsion foutait le camp et j’ai dû la remettre en place »

Il se tourne vers sa navigatrice.

« Combien j’ai perdu Céline ? Oui c’est ça, 5 minutes… »

Un mec qui gagne une spéciale en faisant de la mécanique…

Oui, Schless’ est définitivement un grand… Un GRAND

C’est au tour de Céline de passer sur le grill.

Question très directe de journaleux à consoeur…

Tu as eu les chocottes ?

« Pas une seconde. J’ai totalement confiance en Jean Louis, donc jamais peur. En revanche, qu’est ce que ça secoue ! Il est très exigeant sur la navigation, quand tu te goures…tu le sais tout de suite. (On sait que TOUS les grands pilotes, en spéciale, ne prennent pas de gants avec leur co-pi.) Cela dit, quand je fais une erreur, il a tellement le sens du terrain qu’il le sent immédiatement. C’est vraiment un très bon. Le problème aujourd’hui a été la navigation dans les dunes. Par définition, on ne va pas en ligne droite, on contourne, du coup, on s’écarte à chaque fois du cap que j’ai indiqué et j’ai beaucoup de mal à compenser les zigzags et à revenir sur le bon axe. Jean Louis fait ça de façon instinctive. On a fait une belle journée, j’espère que ce sera comme ça jusqu’à Dakar, sans ennuis mécaniques ». 

Sur la piste, derrière, on est parfois très loin. Jardinage (perte), problèmes mécaniques, ce sera pour certains un drôle de réveillon.

Magique quand même, quitte à se souvenir en souriant de la phrase de Raymond Devos

« Se coucher tard…nuit ! ».

CAMIONS : LA PORTUGAISE NE S’ENSABLE PAS…

On sait qu’il ya lutte au sommet, et ce depuis plusieurs courses tout au long de l’année,  entre le Man de la jeune Elisabete Jacinto, le Scania du Hongrois Kovacs et le Tatra du Tchèque Tomecek.

Aujourd’hui, Jacinto n’a pas gagné la spéciale, arrivant 20 minutes derrière le Tatra. Mais elle garde la tête au général, de sept petites  minutes.

Autrement dit, tout le monde est à zéro dans les starting-blocks, ce qui promet.

En revanche, Kovacs s’est arrêté en début de spéciale, train avant arraché. Pas facile à réparer, de nuit, sur un bébé qui pèse quinze tonnes mais il en veut !

Il est quand même clair que la lutte va tourner au duel simple, entre deux concurrents.

Demain samedi 1er janvier 2011, encore une grosse étape.
381 km de spéciale dès la sortie du bivouac et 291 km de liaison pour aller de Wad Tissint à Chebeika.

Navigation moins difficile mais il ne faudra pas rater les cairns, ces petits tas de pierres laissées là par des générations de voyageurs, de caravanes, peu visibles aux vitesses aux quelles roulent les pilotes de rallye.

Jean Louis Bernardelli
Photos : Alain Rossignol

Sport

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