MOTO : LE TEAM SERT DE DOMINIQUE MELIAND ENCORE ET TOUJOURS SACRE CHAMPION DU MONDE

Tout récemment le SERT (Suzuki Endurance Racing Team) a obtenu un nouveau titre de CHAMPION du monde. Couronne glanée à l’issue des Huit Heures de Doha au Qatar.

Dom Méliand, le patron du Team Manceau revient sur cet exploit:

Alors Dominique heureux de ce 10ème titre de Champion de champion du Monde d’endurance moto pour le SERT dont tu es le "Chef " depuis 30 ans ?

Dominique Méliand:

" Nous avions besoin de gagner cette course des 8 heures de Doha au Qatar, ne serait – ce que pour remplir notre " dû " face aux Japonais de chez Suzuki. C’est très clair ça!
La difficulté de ce challenge était que nous étions seconds avec ces " fameux " 9 points de retard. Il était non seulement difficile de remporter l’épreuve parce qu’il y avait la concurrence de la Bmw et que l’on ne pouvait pas trop cerner ce qu’allait faire le Yart , le Gmt et Bolliger. Gagner me paraissait indispensable si on voulait se protéger au maximum de la kawasaki  numéro 8 Bolliger. Et puis c’est passé! J’ai un sentiment de grosse satisfaction parce que c’est un peu la récompense de toute une semaine de travail et celui  des semaines précédentes. Et puis, arrive la satisfaction du déroulement de la course où, quand même, nous avons notre Gsx-r qui a dominé, puisqu’elle est restée en tête d’un bout à l’autre des 231 tours. Donc, si on n’est pas contents avec ça, on ne le sera JA-MAIS ! Eh, oui!

Et la venue de Sylvain Guintoli qui arrive tout droit du Superbike pour épauler Vincent Philippe ?

" Avec Sylvain, nous avions déjà eu des petits contacts, comme ça, il y a une bonne année. Je lui avait dit : "Est – ce que ça t’intéresserait de faire de l’endurance un jour ? " Il m’avait répondu : " Pourquoi pas ! " Mais à vrai dire, il n’y voyait pas un gros attrait, je crois. Quand on a repris contact au mois d’Octobre, à Magny – Cours, lors de la dernière épreuve du Mondial Superbike, je l’ai trouvé beaucoup plus enthousiaste avec même une certaine envie. Le pourquoi pas s’est transformé en : "Oui, je suis partant ! "
Donc, c’était bien d’avoir un gars qui avait l’envie de, non pas, faire une pige mais de faire une course, en faisant tout son possible pour la gagner. C’était un peu l’appréhension que j’avais mais qui s’est traduite par une bonne approche de la chose. Et puis, nous avons découvert un " bonhomme"qui était d’abord sympathique, très pro. Il a su non seulement écouté mais en nous amenant de bonnes sensations, au niveau des réglages de la moto et de sa compréhension. J’ai trouvé, en Sylvain, un gars plus que motivé parce que pendant huit heures, il n’a pas bougé du stand, pas bronché. Oui, vraiment, un mec super bien, super pro, super abordable, tout en étant décontracté et sans se prendre la tête. Et puis, le recrutement de Sylvain a permis à Vincent de se jauger, de remettre un peu en question son jugement sur la difficulté à aborder le pilotage de nuit pour un pilote de Superbike. En fin de compte, il s’est aperçu que Sylvain descendait tout guilleret des essais de nuit. En conclusion, cela a vachement fonctionné entre les deux. "

L’endurance moto est encore un des rares champs de batailles " à ciel ouvert " entre manufacturiers. Racontes -nous, Dominique, cette bagarre des pneumatiques à Doha.

" On s’est aperçu que "nos" Dunlop n’étaient pas si mauvais que ça…dans le sens que tout le monde pensait que les Michelin étaient vraiment, vraiment au – dessus du lot. En fait, ils ont connu des petits problèmes de mise en route. Il leur fallait beaucoup de temps pour mettre leurs pneus dans de bonnes conditions et même dans les bonnes conditions, la Bmw chaussée en Michelin n’a pas réussi à nous remonter. Une chose est claire : la Bm, n’est pas moins bonne que la Suz. mais là, sur une course de Huit heures, il y a un truc qui m’échappe de leur part ! Je pensais vraiment que le duo Bmw – Michelin allait faire une différence, tant avec la moto qu’avec les pneus. En réalité, la Suzuki n’a pas été surclassée. Quant aux pneus, ils n’ont pas carrément du tout surclassé les Dunlop. S’il y a une formule à ne pas changer en endurance, c’est bien celle des pneumatiques. Je suis un fervent défenseur des multi – marques, même si des fois, tu ne peux pas avoir le meilleur pneu. Cela fait partie de la compétition. Il faut accepter de ne pas avoir, des fois,  le meilleur pneu car la course d’après, tu vas te retrouver dans la situation inverse avec là, un très bon pneu. Je reste persuadé du bien fondé de la confrontation des manufacturiers et ne tombons pas dans la formule monotype. "

" Que penses – tu de la Superpole en endurance ? "

" C’est fini ! J’ai toujours été contre et je n’ai pas changé d’avis. La preuve que j’avais raison, c’est que l’année prochaine, il n’y aura plus de Superpole. Je suis tenté de dire que j’ai réussi ! (rires) 

" Cette saison 2010 a- t – elle été la plus difficile de toutes ? "

" Elle fait partie d’une des saisons difficiles. D’abord parce – que nous avons commencé vraiment mal, avec le crash de Guillaume Dietrich aux 24 heures du Mans. Quand tu commences par " un chou blanc " à la première course, on ne peut  pas dire que ce soit de bonne augure. Nous savions aussi que le fait de ne pas courir aux 8 heures de Suzuka (manque de budget) nous poserait un problème, car  les autres allaient prendre des points précieux. "

 " Et si on parle de l’avenir ? "

" En fait, tu t’aperçois que le titre ne donne pas grand – chose pour l’avenir, car c’est déjà du passé. L’avenir, c’est une saison nouvelle et si les japonais n’ont pas décidé pour des raisons X ou Y (là, on va dire financière) de faire le Championnat du Monde et d’aller vers l’avenir, il n’y a pas moyen de continuer…ou sinon de faire uniquement le Bol d’Or et les 24 heures du Mans. Ce qui est sûr, si tu n’as pas un acquis, c’est clos tout de suite mais le fait d’avoir ce titre n’est pas une garantie de continuer. C’est paradoxal ! Deux jours après être rentré du Qatar, j’ai eu une réunion avec le nouveau PDG de Suzuki – France et je peux te dire que je suis revenu un peu en colère. J’ai failli me lever et me barrer en pleine discussion. Il faut que je trouve vraiment des tunes et si je ne trouve pas…"

" Sais – tu combien de victoires, as – tu au compteur en endurance moto, avec le SERT ?

" Il faut que je remette ça à jour…( hésitations )

" 61 victoires, au soir de Doha "

" Ah, quand même ! "

" Dont 33 victoires d’épreuves de 24 heures "

" Ah pas trop mal ! "

" Sinon, la motivation est toujours là ? "

 " Oui, oui pas de problème ! "

Merci Dominique d’avoir répondu avec autant de franchise à mes questions.

Précisons qu’il convient d’ajouter au palmarès du Suzuki Endurance Racing Team, qui fêtera ses …30 ans d’existence en Janvier 2011, 10 titres de Champion du Monde d’endurance, une Coupe du Monde et deux Masters !!! 

Ce palmarès  »unique » demeure le résultat d’un mélange de savoir, de labeur, d’un long processus d’atelier et de chevauchées fantastiques, exaltantes sur la piste

Le SERT, c’est aussi le mythe d’une chaîne d’amitié de plus de trente ans entre un " Chef " et ses " gars "irréductibles qui, sous le double sceau de la loyauté et de la pugnacité, deviennent invincibles.

Dominique Méliand a su faire perdurer l’oeuvre inachevée de notre ami commun,Jean – Bernard Peyré, tragiquement disparu en aout 1980, huit jours après Patrick Pons.

Il a été à l’origine de la venue de Suzuki en endurance et avait remporté avec Pierre – Etienne Samin, les 1000 kms de Zeltweg 80, ouvrant le livre de ce palmarès inégalé de  61 succès.

La passion pour la moto nous avait réuni dès les "seventies" , unie comme des frères, ne sachant pas encore qu’elle pouvait tout reprendre, tout vieillir.

Si l’extraordinaire genèse du SERT a atteint les sommets mondiaux du succès dans la spécialité de l’endurance, au point d’ entrer dans la légende des sports mécaniques, c’est aussi un peu au regretté Jean – Bernard Peyré, que revient le mérite d’avoir su façonner ce ciment indestructible, liant encore aujourd’hui les fidèles amis d’hier.

Au delà de ce destin tragique, Dominique Méliand est resté lui-même, fidèle à la mémoire de notre copain, à son esprit et à sa devise : "Toujours faire mieux".

Texte et photos: Michel Picard

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