SCORPION MASTERS : ANALYSE D’UN TRIOMPHE

Ales a réussi l’impensable, créer une nouvelle grande classique dans la moto avec un succès considérable dès la première édition.

Le concept ?

Décerner le titre de meilleur pilote français toutes disciplines confondues.

Le coup de génie ?

TOUS les meilleurs pilotes français de toutes les disciplines ont accepté et sont venus.

Le miracle ?

Un temps sublime, petit coup du destin qui a transformé une super idée et un très beau succès en triomphe. 20 000 spectateurs sur le circuit du pole mécanique d’Alès, du JAMAIS VU !

Le vainqueur est Adrien Chareyre, triple Champion du monde supermotard, et aujourd’hui premier Scorpion Master !

DECOR ET ACTEURS EN HAUT DE L’AFFICHE

Laurent Corric, ancien journaliste à Auto Moto, sur TF1, a gardé de cette époque le goût des grands moments.

Aujourd’hui directeur du pole mécanique d’Alès, il a mis un an, dépensant une énergie considérable, une conviction à ébranler les montagnes de France et de Navarre, avec l’aide précieuse du Moto Club du Pole, pour réaliser son rêve.

Faire courir tous les meilleurs pilotes français ensemble sur quatre compétitions représentant quatre disciplines différentes.

Et le vendredi soir, la veille de la course, on se rend compte qu’ils sont tous là ! L’histoire est donc en marche.

Les quatre disciplines et les quatre parcours de compétition sont de toute beauté. Un trial, tracé par le grand spécialiste mondial de la chose, le toulousain Bernard Estripeau. Une spéciale d’enduro, d’une longueur de 9 kilomètres, dégagée par les membres du club du pole pour en faire, selon Johny Aubert, Champion du monde de la spécialité présent au Scorpion Masters, une épreuve de niveau international. 

Une épreuve de vitesse, sur le circuit du pole, magnifique, créé de toutes pièces sur un ancien carreau de mines, avec vue imprenable sur les montagnes des Cévennes toutes proches.

Une épreuve de Supermotard, course mixte bitume et terre, empruntant certaines parties du circuit de vitesse et coupant par la terre et le gazon.

La règle ?

Très simple. Pour les motos, aucune  obligation de marque, de cylindrée, de type (usine, compé-client, vendues en public).

Seule obligation, courir l’enduro et le Supermotard avec la même moto et les mêmes pneus. Ceci pour ne pas obliger chaque pilote à amener quatre motos. Pour les motos de trial, Gas-Gas, société implantée sur le site du pole mécanique d’Alès, fournit six motos à ceux qui seraient venus sans.

Le plateau ?

Les meilleurs en tout. Des champions de France, plus de … 20 titres de Champions du monde, et il faut ajouter à la trentaine de pilotes présents, quelques journalistes qui avaient envie d’en découdre avec leurs idoles. 

  
AMBIANCE DE FÊTE

Ils n’ont qu’un mot à la bouche : On est là pour s’amuser.

 

Serge Nuques et sa bande de potes feront la claque, avec tenues en tutu rose au trial, arrivée à cheval sur le supermotard, sponsor très original sur la moto de vitesse (zezette) et toute la journée verra bien des initiatives dans ce sens.

Bien entendu, selon la jolie expression de Jean Todt, on sait qu’un pilote, aussi gentil soit-il, a les abeilles dans le casque dès qu’il l’enfile. 

Et ce sera le cas, ces garçons et cette unique jeune fille, (multiple Championne du monde) vont se donner à fond. Deux preuves absolues que ces pilotes sont venus pour le plaisir.

D’abord, ils ont accepté de courir sans primes de départ, ce qui devient très rare, surtout vu le très haut niveau de ces professionnels de la compétition.

Ensuite, la présence, il est venu de Corse où il se repose en vue du Dakar, du pilote le plus heureux et le plus malheureux de ce plateau.

Heureux parce que comme tout le monde de la moto, il rêve de cette compétition depuis des années.

Malheureux parce que ses employeurs du Dakar ne peuvent évidemment pas prendre le risque de voir leur pilote se faire mal un mois avant la course.

Alors il est venu comme parrain de ce Scorpion Masters. Mais toute la journée, on a senti que Stéphane Peterhansel aurait adoré mettre le casque !

LES TRIALISTES

C’est dit-on le sport le plus intello de toutes les disciplines moto. Il est vrai que l’on y passe plus de temps, à pieds, dans les reconnaissances de zones, que sur la moto. Il est vrai aussi qu’un trialiste pratique avec efficacité sur quasiment tous les terrains, sachant aller vite sur le goudron avec des pneus gonflés à quelques centaine de grammes et pleins de terre boueuse, trouvant l’adhérence même là où elle est précaire et sachant doser les gaz en tout terrain .

Par ailleurs, un trialiste sait freiner, ce qui est on le sait, l’un des secrets des bons résultats en vitesse. Bruno Camozzi, Loris Gubian et Jérôme Bethune ont évidemment fini la première épreuve de la journée en tête, il s’agissait du trial.

Il n’est que 8 heures 30 quand on  commence, mais il ya déjà un public fou dans les trois zones tracées par Bernard Estripeau selon un concept dont il est l’auteur, l’Open Free.

Dans une zone, il ya plusieurs obstacles. Chacun de ces obstacles est classé, selon sa difficulté, à 2, 5 ou 10 points. Le pilote fait le parcours qui lui sied, pouvant éviter les obstacles trop impressionnants, il ne peut juste pas recouper ses traces. On reste dans les règles du trial classique car si le pilote finit la zone sans avoir posé de pieds, il ajoute 10 points de bonus à son total. Au total, on peut faire jusqu’à 76 points en une seule zone. Si le pilote tombe en milieu de zone ou s’il pose plus de cinq pieds, il doit sortir de la zone mais il garde ses points déjà engrangés.

Cette règle de l’Open Free est un coup de génie. Fini les trials amateurs, entre potes, où l’on ne ramenait que des cinq ! Et surtout, une même zone peut être empruntée à la fois par les champions du monde et les débutants, ils ne passeront pas  les mêmes obstacles parce que les meilleurs feront tous les obstacles et les moins bons choisiront un itinéraire plus simple.

C’est GE-NIAL !

Le but des enduristes, des pilotes de vitesse et de supermotard est évidemment de perdre le minimum de points. Ils comprennent vite le coup de l’itinéraire variable dans la zone… Arnaud Vincent par exemple, champion du monde de vitesse 125 sauve bien les meubles en finissant dans la première moitié des concurrents.

Régis Laconi, formidable de concentration,  est dans les dix premiers… Ce qu’il faut dire des trialistes est qu’ils vont être excellents toute la journée.

Sur 34 pilotes classés au général le soir, Bethune sera 8ème, Gubian 10ème, Camozzi 17ème. Entendu Gubian après ses premiers tours de roue sur le circuit de vitesse…

« J’aimerais bien toucher les genoux, comme on voit à la TV ! ».

Il le fera…

LES ENDURISTES

 L’équipe de France des ISDE rentrait juste du Mexique avec ses victoires par équipes et en individuel, apportant donc six nouveaux titres mondiaux au plateau ultra prestigieux de ce Scorpion Masters.

Des déceptions et un résultat quasi phénoménal au général, voilà le résultat de leur journée. Déception parce que sur la spéciale d’enduro, on l’a dit, d’un très haut niveau de pilotage, ils se sont tous fait battre par un crossman survolté, ultra favori du classement général, Mickael Pichon.

Le double Champion du monde et Champion de SX des USA avait déjà terminé le trial à la quatrième place, ici il se déchaîne. Johny Aubert, Champion du monde, Marc Germain, Champion du monde, Christophe Nambotin Champion du monde, Jeremy Joly sont très bien placés mais derrière Mickaël.

Grosse déception en revanche pour la Championne du monde, Ludivine Puy qui tombe à trois reprises sur des racines, et termine 18ème de cette compétition d’enduro.

Il n’empêche, au classement général du Scorpion Masters, les enduristes prendront la deuxième place (Marc Germain), la troisième (Nambotin), la quatrième (Nuques, Champion de France des rallyes routiers mais qui a commencé dans l’enduro) et la cinquième (Johny Aubert).

Il faut aussi noter le bon résultat de Cyril Esquirol, multiple vainqueur de la Gilles Lalay Classic, course d’enduro la plus dure au monde, qui termine 11ème du trial, 6ème  de l’enduro et 9ème du supermotard, avec une douzième place au général. 

Bilan positif mais les enduristes sont battus, d’un cheveu, au classement général, par Adrien Chareyre!!!

Même battus, ils sont quand même, si l’on considère le groupe, les grands vainqueurs de la journée. Ce qui est logique.

Les enduros de Championnat du monde sont devenus par endroits de vraies zones de trial, ils savent aller vite quel que soit le terrain, y compris le bitume puisque leurs liaisons entre spéciales comportent parfois des tronçons routiers.

LES CROSSMEN

Peu nombreux mais palmarès de folie. On a évoqué Mickaël Pichon, il a retrouvé Fred Bolley, lui aussi double champion du monde et vainqueur de la grande classique de supermotard qu’est le Guidon d’Or.

Bon trial et superbe enduro pour Bolley, mais chute dans l’épreuve de vitesse. Or, dans ce type de compétition à plusieurs disciplines, un abandon, fût-ce dans une course, est un massacre au classement général. Fred Bolley, est donc 26ème au général.

Quant à Pichon, c’est simple, il était le vainqueur annoncé avant le début des opérations et comme si souvent en sports mécaniques, le destin est entré en piste.

Pichon, 5ème du trial, vainqueur de l’enduro et vainqueur du supermotard, fera hélas une cabriole impressionnante dans le bac à sable de la course de vitesse. Il se battait alors dans le trio de tête. Il termine tout de même 6ème au général, mais déçu.

LES RATAGES

On a déjà cité l’infortunée Ludivine Puy, qui termine 23ème au général, largement en-deçà de ses vraies possibilités sportives. Pour quelques autres, c’est pire. 

Ainsi de Guillaume Dietrich, Champion du monde d’Endurance avec le SERT de Dominique Meliand, qui fait un mauvais résultat dès le début de la journée en trial, idem en enduro mais que l’on attendait faisant la trace sur le circuit de vitesse.

Et c’est d’ailleurs ce qui se passe au tout début, en moins de deux tours d’essais, Guillaume fait péter le chrono.

Malheureusement, il fait aussi péter un petit joint de rien du tout sur sa Suzuki GSXR 2010, un spectateur lui prêtera le sien (on vous l’a dit, ambiance incroyable, y compris et surtout dans le public) mais il ne pourra pas finir l’épreuve.

Dommage.

Terrible déception aussi pour le Champion du monde supermotard Boris Chambon.

 

Il l’a dit, il n’aime pas le trial et déteste l’enduro. Sur ce parcours de niveau de Championnat du monde, sa petite taille ne l‘aide guère, les spectateurs lui donnent en revanche de bons coups de main mais le résultat est terrible.

Il termine la vitesse avec un bon résultat mais a encore un ennui dans l’épreuve de Supermotard, sa discipline favorite. 

Mauvaise journée pour cet immense champion. 27ème au général ! déception encore pour Denis Bouan, magnifique vainqueur de l’épreuve de vitesse mais abandon en supermotard. Le quintuple vainqueur du Moto Tour finit 21ème au général.

LES CHAMPIONS DE VITESSE

Arnaud Vincent, Champion du monde de vitesse 125 en 2002, sur Aprilia, a eu une idée. Sachant que le choix des motos est libre, et imaginant qu’en hiver, la piste serait probablement humide, il a engagé dans l’épreuve de vitesse…une moto de supermotard.

Ces motos sont les reines de la glisse sur le bitume. Seulement voilà, il a fait un temps de rêve. Incroyablement chaud en cours d’après midi. Bilan, les pneus s’usent à une vitesse folle, Laurent Pidoux qui a fait le même choix descend un train de pneus pendant les essais libres ! 

Cela dit, sur un circuit relativement sinueux et à condition d’être un super pilote, le choix reste bon.

Arnaud finit la vitesse en cinquième place !

Autre preuve d’ailleurs que ce choix est bon, Jérémy Delenne, qui connait bien le circuit puisqu’il est le régional de l’étape, court aussi la vitesse avec une supermotard, décroche la pole et termine second derrière Denis Bouan.

Pour les autres pilotes de vitesse, Louis Rossi, Alexis Masbou, résultat mitigé parce qu’inégal selon les disciplines. Rossi se comporte bien en vitesse mais rate tout le reste. Il dira d’ailleurs qu’il regrette de ne pas s’être entraîné dans les disciplines qui ne sont pas les siennes. Masbou rate trial et supermotard, marche bien en enduro et très bien (quatrième) en vitesse.

Enfin, il faut dire un mot sur Laconi. Cette journée du triomphe, qu’il s’agisse de l’organisation ou du public, a été sa résurrection.

On se souvient que ce pilote, l’un des rares à avoir gagné en GP 500 et en Superbike, au charisme incroyable, a été victime d’un très grave accident à Kyalami (Afrique du sud) en mai 2009.

Un miraculé. Qui plus est, il a retrouvé sa moto de course, que le propriétaire a accepté de lui prêter pour ce Scorpion Masters.

Avec son numéro fétiche, le 55. On imagine le tabac permanent qu’a fait ce pilote tout au long de la journée ! Et d’enchaîner les wheelings dans la ligne droite des stands, de faire des passages incroyablement anglés dans les grandes courbes du circuit, bref, le grand art.

Excellent résultat en trial, enduro et supermotard en demi-teinte, il termine la vitesse avec une magnifique quatrième place. En rentrant au stand, le public lui fait un vrai triomphe de général romain victorieux, il tombe à genoux, il est en larmes. 13ème au général, pas mal pour un miraculé…

LES SUPERMOTARDS

On finit par eux puisque c’est un des leurs qui a gagné. Adrien Chareyre est en effet triple Champion du monde de la discipline. Sylvain Bidart, également champion du monde, est 7ème au général. Laurent Pidoux, Champion de France, 14ème.

Leur discipline est mixte, terre et bitume, il est donc logique qu’ils se soient sentis bien partout. Chareyre est huitième au trial, il sauve donc bien les meubles. Il est sixième en enduro, ce qui au général le fait monter en haut de classement.

En vitesse, il est huitième. Quand on sait que dans cette épreuve, Pichon, le grand favori, se retrouve à plat ventre, on retrouve donc logiquement Chareyre en tête de classement.

Enfin, en supermotard, il est cinquième. Dans ce genre d’épreuve, il faut être bon et régulier partout.

Contrat rempli !

LE PUBLIC, L’AMBIANCE, L’AVENIR

On l’a dit, le concept est phénoménal, le fait de réussir à faire venir les pilotes l’est encore plus. Deux éléments pour que les pilotes reviennent, le sérieux et la rigueur dans le sportif, la sécurité en cas de pépin. Sur ces deux points, l’organisation a été top.

On ne va quand même pas vous faire croire que personne n’a râlé ! par exemple, les pilotes qui avaient choisi des motos de route ou de compète routières ont râlé de se voir sacrément accrochés par les motos de supermotard. Il est sûr qu’il fallait viser léger, encore plus s’il avait plu. On ne reviendra pas sur la légendaire mauvaise foi des pilotes de haut niveau, maintes et maintes fois décrite dans ces lignes.

Ambiance exceptionnelle, comme une famille immense qui arrive à se mettre autour de la même table à Noël. La météo a été aussi de la fête, les spectateurs ont été près de 20 000 à s’offrir ce jour de rêve. Il y avait des voitures garées à l’extérieur du circuit sur des kilomètres ! L

Le parking moto, gardé, ressemblait à celui du Bol d’Or !

Organisation dépassée en revanche sur la buvette…

Ce qui n’est pas grave, personne n’avait jamais vu autant de monde sur ce circuit.

LOULOU BERNARDELLI A ASSURE AU … MICRO

En ce qui concerne le spectacle, superbe réussite bien sûr, on notera juste que l’enduro est parti trop tôt, le trial n’était pas fini et les spectateurs n’ont pas eu le temps de voir passer tous les enduristes, justement les rois du jour.

 

On a noté aussi que le supermotard s’est fait avec des motos d’enduro équipées de pneus à tétines. Le spectacle a du coup été inférieur à ce que l’on connaît de la discipline. Logique, on l’a dit, le règlement prévoyait l’obligation de faire enduro et supermotard avec la même moto et les mêmes pneus.

Or, s’il est possible de rouler en supermotard avec des pneus à tétines, il est plus difficile de rouler en enduro avec des pneus quasiment lisses. Un seul pilote l’a fait, un trialiste, Jérôme Bethune, qui a heureusement profité d’un terrain sec !

Etonnant spectacle de cette moto de supermotard aux pneus lisses dans les montées infernales d’Alès, mais aux commandes, un trialiste sait tout faire d’une moto. Et du coup, avec les tétines sur le goudron, les pilotes ont dû être prudents et le spectacle s’en est ressenti…Bref, tout cela n’est que du détail. Mais à revoir quand même !

Voilà. Bilan : Un pied gigantesque et total. On en redemande !           

Jean Louis Bernardelli

Photos: Endurotool

La Mutuelle des Motards a offert une coupe aux commissaires de course, pour leur disponibilité, leur compétence et leur gentillesse, ainsi qu’une coupe féminine, pour la combattivité de Ludivine Puy.

Motul a récompensé les équipes, (victoire de l’équipe Johny Aubert, Fred Bolley et Thierry Traccan, ce dernier est aussi le meilleur journaliste).

Enfin voici les résultats du Scorpion Masters

1.Adrien Chareyre. 2. Marc Germain. 3. Christophe Nambotin. 4. Serge Nuques. 5. Johny Aubert. 6. Mickaêl Pichon. 7. Sylvain Bidart. 8. Jérôme Bethune. 9. Arnaud Vincent. 10. Loris Gubian. 11. Jeremy Joly. 12. Cyril Esquirol. 13. Régis Laconi. 14. Laurent Pidoux. 15. Jérémy Delenne. 16. Thierry Traccan (Premier journaliste).17. Bruno Camozzi. 18. Jordan Labbé.19. Mathieu Cayrol. 20. Richard Angot. 21. Denis Bouan. 22. Philippe Lefevre. 23. Stefan Houben. 24. Ludivine Puy. 25. Alexis Masbou. 26. Fred Bolley. 27. Boris Chambon. 28. Louis Rossi. 29. Stéphane Lacaze. 30. Marc Troussard. 31. William Milios. 32. Sebastien Guillaume (blessé). 33. Serge Gisquière. 34. Guillaume Dietrich.

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